Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique

La justice réparatrice – éléments clés du succès

Introduction

La JR, qui fait partie du SJP du Canada depuis plus de 40 ans, est considérée comme une approche efficace pour transformer le SJP et assurer la sécurité des collectivités. Elle s’inspire des pratiques traditionnelles autochtones. Elle vise à réparer les torts et à aborder les circonstances qui ont contribué à l’acte criminel. La JR donne aux victimes l’occasion de rencontrer la personne qui leur a fait du tort ou de communiquer avec elle pour expliquer les répercussions réelles du crime; elle donne du pouvoir aux victimes en leur donnant une voix. Les peuples autochtones et les populations traditionnellement marginalisées sont surreprésentés dans le SJP du Canada, tant parmi les victimes que parmi les contrevenants. Les Éléments clés du succès partent du principe que la JR fournit une approche plus holistique pour répondre aux besoins de communautés particulières, réduisant ainsi la surreprésentation et augmentant l’accès à la justice.

Pour que la JR devienne une option judiciaire officielle, tous les acteurs du système devront s’engager à opérer un changement. Cela dit, la JR a été appliquée à géométrie variable à travers le CanadaNote de bas de page 1. Le document Éléments clés du succès présente les mesures à envisager par les gouvernements pour que la JR sorte de l’ombre. 

Recommandation 1 : Reconnaissance de la JR comme un investissement dans un SJP efficace et efficient

Il est admis que la mise en œuvre efficace de procédures de JR est un moyen utile et efficient d’aller vers une société juste, paisible et sûre. Il est établi qu’elle réduit la récidive (la baisse peut atteindre 12 %) et qu’elle augmente la satisfaction des victimes et des collectivités. La JR est un investissement.

Les gouvernements ont un rôle important à jouer afin de faciliter la collaboration avec leurs partenaires respectifs. Ce rôle concorde avec celui que jouent les acteurs gouvernementaux en participant véritablement aux comités décrits à la recommandation 3.

Des partenariats gouvernementaux et externes sont nécessaires pour que la JR soit un succès. Pour les encourager, il est important que la participation et l’appui soient coordonnés entre tous les ordres de gouvernement selon leur rôle et responsabilités propres, qu’ils soient structurés et transparents et que leurs responsables en soient imputables. Il est important également que les programmes de JR soient adaptés et pertinents sur le plan culturel et à l’échelon local. Il peut s’agir de programmes de justice réparatrice conçus et mis en œuvre par des collectivités et organismes locaux pour mieux répondre aux besoins des membres de la communauté, en particulier des organismes et communautés autochtones. Il est important aussi que les acteurs gouvernementaux et ceux du système de justice pénale soient délibérants dans leur leadership pour permettre et appuyer le leadership partagé des représentants des intervenants clés dans le système et la collectivité. Ces acteurs doivent remplir cette mission tout en conservant un rôle de surveillance axé sur la protection des droits des personnes visées par les procédures.

La transformation du système de justice pénale fondée sur des principes et des objectifs réparateurs pourra s’effectuer si les gouvernements s’engagent à assurer un financement durable en partenariat avec les communautés qu’ils desservent.

Recommandation 2 : Approbation des objectifs et principes directeurs à l’échelle pancanadienne pour qu’une approche réparatrice entame la transformation de la justice pénale en un système plus efficace et plus juste

Principes réparateurs

Les « principes réparateurs » sont les valeurs qui doivent rester au cœur des préoccupations lors de  l’accroissement du recours à la JR. Ils sont les points de référence qui façonnent cette l’approche. Une approche réparatrice du SJP doit reposer sur les principes suivants :

  • Collaboration – entre les parties à la procédure et les partenaires du système et de la collectivité; collaboration dans tout le système, avec d’autres systèmes, avec la collectivité et à l’intérieur de celle-ci.
  • Inclusion – prêter attention aux connexions, aux relations impliquées et s’assurer d’inclusion véritable de toutes les parties qui ont un intérêt dans l’issue de la procédure.
  • Sécurité et respect – souci de la sécurité et du bien-être des participants; adaptation sur le plan culturel.
  • Souplesse – pratiques flexibles tenant compte des antécédents, des contextes, des causes et des circonstances des préjudices et des répercussions.
  • Imputabilité – résultats transparents, rendus publics et responsabilité du système; promotion de la responsabilité individuelle et sociétale.
  • Transformation – approche préventive et proactive tournée vers l’avenir et la résolution de problèmes; volonté de réagir à l’éventail de préjudices et de répercussions subis par toutes les parties concernées pour rétablir des relations justes entre les personnes, les groupes et les communautés.

Objectifs de la justice réparatrice

Les objectifs de la justice réparatrice sont les moyens par lesquels nous définissons le succès. Les objectifs ci-dessous reflètent l’opportunité d’une approche réparatrice faisant partie intégrante du SJP.

  • Être à l’écoute : répondre aux besoins des personnes touchées par l’acte criminel, en prêtant une attention particulière aux besoins des victimes et aux besoins de réintégration de toutes les parties. 
  • Réduire le cycle des préjudices : diminuer la récidive. Le SJP doit assurer la sécurité publique et prévenir la récurrence des préjudices subis par les personnes et communautés vulnérables, réduire le recours à l’incarcération et réduire la surreprésentation des Autochtones et des personnes marginalisées dans le système de justice, tenir compte des facteurs systémiques et des causes profondes de la criminalité ainsi que chercher à obtenir des résultats significatifs.
  • Améliorer l’accès à la justice : veiller à ce que des initiatives fondées sur les principes de JR puissent être envisagées à toutes les étapes de la procédure judiciaire et dans toutes les communautés, et appuyer des programmes de JR pertinents sur le plan culturel conçus et mis en œuvre s’il y a lieu par les collectivités autochtones.
  • Contribuer et soutenir des communautés fortes et sécuritaires : veiller à la sécurité culturelle et spirituelle des participants.  
  • Augmenter la confiance du public et la responsabilité dans l’administration de la justice : en renforçant la participation, le leadership et le partenariat de la collectivité pour répondre aux conflits et réparer les préjudices liés à l’acte criminel. Rendre le contrevenant responsable de ses actes de façon constructive et sensée

Recommandation 3 : Engagement à collaborer : Une structure officielle dans chaque province et territoire pour réunir les intervenants de la JR

Pour que la JR soit un succès, il est essentiel que chaque province et territoire puisse s’appuyer sur une structure pouvant réunir les intervenants. Il peut s’agir d’un comité existant de JR ou d’un nouveau comité, afin que chaque province et territoire collabore avec tous les secteurs à l’intérieur du système de justice pénale pour en garantir la cohérence et l’harmonisation. Ces comitésNote de bas de page 2 permettent a chaque province et territoire de rendre opérationnelle une approche collaborative. Cette approche garantit la cohérence, l’harmonisation et l’accroissement de l’utilisation de la JR. Les provinces et territoires accepteront de collaborer avec leurs partenaires gouvernementaux, les forces de l’ordre, l’appareil judiciaire et les collectivités pour parvenir à de meilleurs résultats en matière de justice.

Une structure officielle dans chaque province et territoire pourrait être un comité de JR avec :

  • Participation d’un groupe représentatif d’intervenants du système (p. ex. la Couronne, la police, le juge, l’aide juridique, les services correctionnels, les services aux victimes, les organismes de JR, les personnes au service de communautés marginalisées), d’Autochtones et de membres de la communauté (c.-à-d. de personnes directement touchées par le SJP)
  • Des participants qui ont l’autorité pour concevoir et mettre en œuvre la JR et en assurer la surveillance continue (p. ex. autorisation de programmes ou dispositions législatives; protocoles et politiques)Note de bas de page 3
  • Évaluation continue, imputabilité, éducation et formation

Chaque comité de JR pourrait axer leurs efforts pour l’accroissement de l’utilisation de la JR:

  • Autorisation de programmes
  • Préparer un protocole d’entente avec les partenaires
  • Élaborer des protocoles de fonctionnement de programmes – Les considérations clés pour la conception des protocoles sont entre autres : infractions/affaires admissibles; parties/contrevenants admissibles; autres restrictions/facteurs qui motivent la trajectoire. Dans les protocoles, les objectifs et principes de la JR devraient être considérés comme une voie judiciaire complète, un élément fondamental de la réponse de la justice pénale plutôt qu’une simple mesure de substitution.
  • Examiner les questions soulevées par les intervenants et y répondre, notamment en matière de trajectoire et d’examen des cas à toutes les étapes de la procédure dans le SJP : avant l’inculpation, après l’inculpation, avant le prononcé de la peine, après le prononcé de la peine et pendant la réintégration.
  • Renforcer la qualité de la pratique conformément à la démarche reconnue à l’échelle pancanadienne des Valeurs, principes et lignes directrices relatifs à la justice réparatrice en matière pénale (2018).
  • Recommander la prise en considération des besoins des victimes et renforcer la collaboration entre les programmes de JR et les services aux victimes.
  • Sensibiliser le public et l’appareil judiciaire à la valeur de la JR en tant qu’approche fondée sur des données probantes et adaptée aux traumatismes, ainsi qu’aux moyens de l’appliquer
  • Favoriser la collecte de données et les rapports sur les procédures de JR ainsi qu’encourager la recherche qui fait avancer la pratique de la JR. Assurer le partage des bonnes pratiques ainsi que l’éducation et la formation continue.

Recommandation 4 : Accent sur une approche de principe de l’éducation, de la formation et de l’évaluation

La formation, l’éducation et le renforcement des aptitudes sont essentiels à l’accroissement de l’utilisation de la JR, à l’intégrité, à la viabilité et à l’efficacité des programmes présents dans chaque province et territoire. L’éducation et la formation doivent être dirigées et planifiées afin que l’acquisition des connaissances soit axée sur des principes, des compétences et la sensibilité nécessaires pour concevoir une procédure, un traitement juste des dossiers.

Il ne suffit pas de former des administrateurs, des praticiens et ceux qui référent les gens aux programmes de JR.  Il faut veiller à ce qu’ils comprennent pourquoi et comment travailler dans une démarche réparatrice. Il faut une stratégie cohérente pour que le mentorat, l’accompagnement, la formation professionnelle continue et l’apprentissage réflexif aient lieu. Les stratégies d’éducation communiquent, rendent opérationnelle et entretiennent une compréhension commune de l’approche réparatrice.  

On pourrait envisager d’investir dans un « centre » pour concevoir et offrir une formation de base à tous les participants à la procédure (la Couronne, la police, les organismes de JR, les aides juridiques autochtones, etc.). Ce ou ces centres pourraient être associés à des universités ou collèges reconnus.

On pourrait également envisager de réunir les collectivités et organismes autochtones qui ont une grande expérience de la conception et de la mise en œuvre de programmes communautaires autochtones de justice réparatrice pour mettre en commun les enseignements qu’ils tirent de leur expérience et pour former d’autres praticiens désireux d’en savoir plus sur la JR en contexte autochtone.

Un programme axé sur des principes d’éducation et de formation à la JR pourrait garantir la cohérence, mais également permettre une souplesse à travers le pays. Ainsi, les besoins et capacités variables dans chaque province ou territoire seraient pris en considération. Une stratégie d’éducation au sein de chaque province et territoire pourrait garantir l’offre de la formation à la JR par divers intervenants en justice, par exemple l’Association du Barreau Autochtone, l’Association canadienne des chefs de police, le Programme national de droit pénal, l’Association des régimes d’aide juridique du Canada et l’Institut national de la magistrature.

Au minimum, un programme de formation pourrait être axé sur : 

  • les principes de la justice réparatrice;
  • la conception autochtone de la justice réparatrice et les fondements de la JR qui s'inspirent de pratiques traditionnelles autochtones;
  • des pratiques adaptées aux traumatismes;
  • les causes profondes de la criminalité et de la violence ainsi que leurs effets et répercussions;
  • l’équité et l’égalité dans la pratique : droits de la personne, justice en matière de procédure;
  • les besoins et l’intérêt des victimes, les répercussions du fait d’être une victime;
  • les Valeurs, principes et lignes directrices relatifs à la justice réparatrice en matière pénale (2018); et
  • le contexte du droit pénal canadien, y compris le pouvoir législatif habilitant.

L’éducation du public est elle aussi essentielle pour que la JR soit un succès. Pour cela, il faut prêter attention à la compréhension et aux attentes du public en matière de justice. Il faut réaliser des investissements pour une meilleure compréhension par le public afin d’obtenir le leadership, la participation et le soutien des collectivités.

Base de connaissances : recherche et évaluation formative

La recherche et l’évaluation sont essentielles. Cet aspect est fondamental pour que les programmes soient conçus et mis en œuvre conformément aux principes de la JR et pour qu’ils répondent aux besoins du SJP et concordent avec lui.

Les provinces et les territoires devraient travailler en collaboration en vue de l’élaboration d’indicateurs de base sur le recours à la JR, par exemple concernant le nombre d’orientations annuelles vers les programmes de JR, d’affaires acceptées/traitées et de victimes et contrevenants servis. Cela permettrait d’obtenir des données nécessaires pour mesurer l’augmentation du recours à la JR dans le SJP. 

Le renforcement des capacités pour la collecte des données dans chaque province et territoire et la normalisation des définitions sont des éléments essentiels de ce travail. Pour que la JR soit un succès, il est fondamental de reconnaître l’importance de la recherche et des données en tant que sources d’informations et de connaissances significatif pour guider l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de JR.