Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique

Rapport du Groupe de travail du Comité de coordination des hauts fonctionnaires sur l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agression sexuelle

Signalements, enquêtes et poursuites concernant les agressions sexuelles commises à l’égard des adultes – Difficultés et pratiques prometteuses quant à l’amélioration de l’accès à la justice pour les victimes

Rapport du Groupe de travail du Comité de coordination des hauts fonctionnaires sur l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agression sexuelle

Table des matières

Préface

Mandat du Groupe de travail sur l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agression sexuelle

En octobre 2016, les ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux (FPT) responsables de la justice et de la sécurité publique ont chargé le Comité de coordination des hauts fonctionnaires (CCHF) (Justice pénale) de créer un groupe de travail dont les activités consisteraient à :
  • analyser les difficultés associées à la manière dont le système de justice pénale répond aux agressions sexuelles sur des adultes;
  • relever des pratiques prometteuses au Canada et dans d’autres pays de la common law en vue de surmonter certaines de ces difficultés;
  • fournir aux ministres FPT des recommandations sur les pratiques, les politiques et les stratégies législatives ou d’autres stratégies d’atténuation possibles en vue d’améliorer l’accès à la justice pour les adultes qui sont victimes d’agression sexuelle.
C’est ainsi qu’a vu le jour le Groupe de travail sur l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agression sexuelle du CCHF, sous la codirection du Canada et de l’Ontario et formé de représentants de toutes les administrations du pays. Les membres du Groupe de travail sont notamment des procureurs du ministère public, des représentants de corps de police, des avocats et des analystes spécialisés dans les politiques en matière de droit pénal, le Centre canadien de la statistique juridiqueNote de bas de page 1 et les directeurs des Services aux victimes du pays tout entier.
Pourquoi les adultes? Le mandat du Groupe de travail est axé sur les agressions sexuelles envers les adultes, par opposition à des enfants, de façon à traiter des défis uniques que l’on associe à la question du consentement dans les affaires d’agression sexuelle envers des adultes. Les victimes visées englobent les personnes dont l’âge est supérieur à celui du consentement à une activité sexuelle, soit 16 ans, avec quelques exceptions pour celles qui sont proches de cet âge (article 150.1 du Code criminel). Par ailleurs, le Groupe de travail a limité son examen aux agressions sexuelles commises par des adultes qui étaient âgées de 18 ans ou plus au moment de l’infraction reprochée, ce qui exclut ainsi l’application de la Loi sur le système de justice pénalepour les adolescents.
Le mandat du Groupe de travail concerne le système de justice pénale et exclut en conséquence les recours civils relatifs aux infractions sexuelles, dont les interventions non pénales relatives aux agressions sexuelles survenant dans les campus universitaires et les cas de harcèlement sexuel au travail qui n’atteignent pas le seuil criminel prévu pour les infractions sexuellesNote de bas de page 2. Bien que le système de justice pénale englobe en général les quatre institutions indépendantes suivantes qui appliquent le droit criminel – les services de police, les poursuites, les tribunaux de juridiction criminelle et le système correctionnel –, le présent rapport porte principalement sur les services de police, les services aux victimes et les services des poursuitesNote de bas de page 3. Pour établir son rapport, le Groupe de travail a consulté des services de police, des procureurs du ministère public et des services gouvernementaux d’aide aux victimes qui travaillent dans ce domaine. Au rapport sont ajoutées des conclusions tirées de travaux de recherche commandés sur l’accès à la justice pour les Autochtones adultes victimes d’agression sexuelle, ainsi que sur la neurobiologie des traumatismes et sa pertinence relativement aux enquêtes et aux poursuites menées dans les affaires d’agression sexuelle sur des adultesNote de bas de page 4.
Sens de l’expression « accès à la justice » : L’accès à la justice est un principe qui découle du respect de la primauté du droit et, à ce titre, il s’agit d’une valeur fondamentale du système de justice pénale canadien. Pour les adultes qui sont victimes d’agression sexuelle en particulier, l’accès à la justice signifie ce qui suit : les victimes se sentent à l’aise de signaler à la police le crime qu’elles ont subi; les enquêtes policières sont menées avec minutie, de manière objective et opportune; des accusations sont portées si elles répondent aux critères juridiques applicables; et les poursuites sont menées d’une manière équitable, en offrant un soutien aux victimes. Bien qu’une victime d’agression sexuelle puisse être confrontée à de nombreux problèmes au lendemain d’une agression sexuelle, le présent rapport n’est axé que sur les obstacles du système de justice pénale auxquels une victime peut être confrontée à la suite d’une agression sexuelle et qui l’empêchent d’avoir accès à la justice.

Chapitre 1 : Recommandations

Bien qu’un grand nombre des difficultés relevées dans le présent rapport ont trait à des questions sociales de grande envergure auxquelles il est impossible de répondre uniquement par l’intermédiaire du système de justice pénale, le Groupe de travail a analysé le rôle que ce système pourrait jouer dans le cadre d’un effort concerté pour régler ces préoccupations sous-jacentes. Il a discuté de diverses stratégies d’atténuation permettant de répondre aux difficultés auxquelles se heurtent les adultes qui sont victimes d’une agression sexuelle sur le plan de l’accès au système de justice pénale. Les recommandations qui en résultent sont des suggestions qui sont réparties dans tout le rapport pour accompagner les problèmes auxquels elles répondent. Il est à noter que certaines des mesures non-législatives mentionnées dans le cadre de ces recommandations peuvent déjà être en place, en tout ou en partie, au sein de certaines administrations. Ces mesures ont été identifiées par le Groupe de travail dans l’exercice de recensement des pratiques prometteuses et sont partagées au bénéfice des administrations qui peuvent décider, si ce n’est déjà fait, de s’en inspirer. Les dix-sept recommandations du Groupe de travail sont reproduites ci-dessous.
  • Le Groupe de travail appuie les objectifs des modifications du projet de loi C-51 qui visent à clarifier les dispositions législatives relatives aux agressions sexuelles et à conférer une plus grande protection aux dossiers personnels des victimes lorsque l’accusé cherche à y avoir accès ou à les déposer en preuve dans le cadre d’un procès pour agression sexuelle. (section 3.1)
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager de faire passer de sept à trente jours le délai de préavis qui s’applique aux demandes relatives à l’admissibilité de la preuve en vertu de l’article 276 du Code criminel (dispositions relatives à la protection des victimes de viol (rape shield provisions)) (section 3.6).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit:
    • s’assurer, de mettre des mesures visant à faciliter le témoignage à la disposition des victimes ou des témoins vulnérables dans tous les palais de justice ou toutes les autres installations utilisées pour une instance judiciaire, et veiller à ce que les procureurs du ministère public demandent ces aides le cas échéant;
    • s’assurer que pendant tout le processus de justice pénale, les victimes d’agression sexuelle soient tenues au courant des procédures, de ce à quoi elles doivent s’attendre, ainsi que de leurs droits, conformément aux dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes;
    • modifier le paragraphe 486.2(2) du Code criminel en vue de préciser dans les deux versions anglaise et française que la victime est autorisée à répondre aux questions, le cas échéant, à l’extérieur de la salle d’audience par télévision en circuit fermé ou derrière un écran lors de l’audience relative à la demande d’obtention de mesures visant à faciliter son témoignage.
    • ajouter l’article 162.1 du Code criminel (publication, etc. non consensuelle d’une image intime) à la liste des infractions énumérées au sous-alinéa 486.4(1)a)(i) du Code criminel pour les interdictions de publication; et,
  • modifier l’article 486.1 du Code criminel afin de permettre expressément aux juges d’autoriser la présence d’un chien d’accompagnement lorsqu’un témoin est appelé à témoigner. (section 3.8)
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager de mettre à la disposition des spécialistes du système de justice pénale, dont les fournisseurs de services d’aide aux victimes, les services de police et les procureurs du ministère public, des activités de formation sur le droit en matière d’agression sexuelle, de même que sur le rôle que les mythes et les stéréotypes discriminatoires peuvent jouer dans l’application erronée de la loi. Le Groupe de travail est d’avis que ces activités de formation pourraient être soutenues par :
  • la rédaction ou l’amélioration de manuels ou de lignes directrices portant sur les enquêtes et les poursuites concernant les agressions sexuelles dans les administrations qui n’en ont pas déjà;
  • l’établissement d’un programme de mentorat ou d’un réseau de mise en commun des connaissances pour les administrations qui ne possèdent pas déjà de manuels ou de lignes directrices.
Le Groupe de travail recommande aussi d’envisager de sensibiliser les organismes tels que l’Institut national de la magistrature pour qu’ils offrent des activités de formation sur le droit en matière d’agressions sexuelles ainsi que sur le rôle que les mythes et les stéréotypes discriminatoires peuvent jouer dans l’application erronée de la loi (section 3.10).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager que l’on offre des activités de formation sur la neurobiologie des traumatismes en lien avec les agressions sexuelles aux professionnels du système de justice pénale, ce qui inclut les fournisseurs de services aux victimes, les services de police et les procureurs du ministère public (section 4.3).
  • Le Groupe de travail appuie les objectifs qui sous-tendent les modifications au projet de loi C-75 et qui visent à renforcer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale et à améliorer l’expérience vécue par les victimes, incluant celles d’agressions sexuelles, dans le système de justice pénale; il appuie les modifications du projet de loi C-59 qui visent à faciliter le témoignage des personnes qui demandent des engagements de ne pas troubler l'ordre en précisant que le recours aux mesures d’aide au témoignage peut être ordonné en cours d’audience (section 4.4.3).
  • Le Groupe de travail recommande également d’envisager de promouvoir l’adoption de pratiques axées sur les traumatismes subis auprès des professionnels du système de justice pénale (section 4.4.3).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • faire passer la peine maximale sur acte d’accusation prévue à l’article 153.1 du Code criminel de cinq à dix ans, ce qui la ferait concorder avec celle qui s’applique à une agression sexuelle (article 271 du Code criminel) et permettrait aux procureurs du ministère public de présenter, le cas échéant, une demande de déclaration de délinquant dangereux;
  • ajouter l’exploitation sexuelle d’une personne ayant une déficience à la liste des infractions énumérées à l’alinéa 753.1(2)a) du Code criminel, de façon à ce que l’infraction puisse faire l’objet d’une demande de déclaration de délinquant à contrôler (section 4.4.4).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • soutenir des initiatives intersectorielles de soutien des victimes, qui sont adaptées à la culture afin d’aider les victimes autochtones, des initiatives de services policiers dirigés par des Autochtones et tenant compte des traumatismes subis, ainsi que des processus de justice et de guérison communautaires dirigés par des Autochtones et situés en marge du système de justice pénale officiel;
  • fournir aux professionnels du système de justice pénale des informations ou des activités de formation sur les répercussions du colonialisme, des pensionnats indiens, des services de bien-être à l’enfance et du racisme systémique sur les peuples autochtones (section 4.4.4).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • mettre au point et diffuser du matériel de formation et d’éducation au sujet du rôle que jouent la drogue et l’alcool dans le fait de commettre une agression sexuelle et d’en être victime;
  • sensibiliser le public sur le rôle que jouent la drogue et l’alcool dans la violence sexuelle (section 4.4.5).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager de procéder à d’autres études comparatives sur les résultats du système de justice à l’égard des agressions sexuelles et physiques au cours des années à venir aux fins suivantes :
  • acquérir une connaissance plus profonde des raisons pour lesquelles certaines agressions sexuelles sont jugées incidents criminels par la police, mais ne font pas l’objet d’inculpation, à la suite de la mise en œuvre des nouvelles pratiques de codage de la police;
  • examiner les raisons pour lesquelles les agressions sexuelles n’ont pas donné lieu à une décision du tribunal en procédant à des études qualitatives d’un échantillon de dossiers d’agressions sexuelles (section 4.4.8).
  • Le Groupe de travail appuie l’objectif de la modification du projet de loi C-75, qui vise à faire passer de 6 à 12 mois le délai de prescription pour les infractions punissables par procédure sommaire (section 4.4.11).
  • Le Groupe de travail appuie l’effet des modifications du projet de loi C-75 qui restreindraient le recours aux enquêtes préliminaires dans les cas d’agression sexuelle (section 4.4.12).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager la création et la diffusion de documents de sensibilisation, d’information et de vulgarisation juridique accessibles et juridiquement exacts sur les agressions sexuelles et le consentement (section 5.1.3).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • Examiner des moyens de renforcer la capacité de recruter davantage de personnel infirmier examinateur de victimes d’agression sexuelle (PIEVAS), y compris au moyen d’activités de formation;
  • étudier l’établissement, à l’intention des victimes d’agression sexuelle, de services multidisciplinaires spécialisés qui allégeraient le fardeau imposé aux victimes lorsqu’elles signalent une agression sexuelle, en faisant en sorte que les fournisseurs de services aux victimes, les services de police et les PIEVAS travaillent de concert au sein d’équipes réelles ou virtuelles. Cela pourrait se faire au moyen de services dits « enveloppants », de modèles intégrés ou de protocoles interorganisations, ce qui faciliterait les renvois et réduirait le nombre de fois où une victime doit répéter son histoire (section 5.2.5).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • créer des initiatives de signalement par des tiers et des initiatives de « troisième option » pour les cas d’agression sexuelle ou d’améliorer les initiatives existantes, ainsi que de conserver des trousses de preuve en cas d’agression sexuelle;
  • étudier la possibilité de mettre à l’essai des mécanismes de supervision pour les enquêtes sur les agressions sexuelles (section 5.3.5).
  • Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • fournir du financement gouvernemental pour assurer la représentation des victimes dans les demandes de communication de dossiers de tiers;
  • examiner l’état des projets pilotes qui sont en cours pour fournir diverses formes de conseils juridiques indépendants (CJI) aux victimes d’agression sexuelle, dans le but d’envisager de mettre au point des initiatives semblables (section 5.4.7).

Chapitre 2 : Introduction

D’importantes réformes du Code criminelNote de bas de page 5 du Canada en matière d’infractions sexuelles ont été entreprises dès 1983 et se sont poursuivies pendant les années 1990. Ces réformes, qui faisaient essentiellement suite à des préoccupations soulevées par les victimes d’agression sexuelle et les personnes qui les défendaient, visaient à favoriser les signalements ainsi qu’à améliorer la réponse du système de justice pénale aux signalements de violence sexuelle. Le cadre législatif qui en a résulté se reflète dans les débats constants qu’entretiennent le Parlement et la magistrature, et il est le fruit des efforts déployés pour établir un équilibre entre les droits souvent opposés des victimes et des accusésNote de bas de page 6. Le chapitre 3 présente de plus amples renseignements sur le cadre juridique qui régit à l’heure actuelle les agressions sexuelles commises sur des adultes au Canada, sur des réformes proposées, de même que sur certaines difficultés persistantesNote de bas de page 7. À l’instar de nombreux autres pays, le Canada rencontre des difficultés sur le plan des signalements, des enquêtes et des poursuites concernant les affaires d’agression sexuelle. Selon l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation de 2014, seule une agression sexuelle sur vingt (5 %E)Note de bas de page 8 a été signalée à la police, un taux plus de sept fois inférieur à celui qui s’applique aux agressions physiques (38 %)Note de bas de page 9. Même dans les cas où des agressions sexuelles étaient signalées à la police, et corroborées comme un crime par cette dernière, les données les plus récentes indiquent que près de la moitié d’entre elles (41 %) se sont soldées par une accusation criminelleNote de bas de page 10. Le taux d’attrition des affaires d’agression sexuelle se maintient dans tout le système judiciaire : les agressions sexuelles ayant fait l’objet d’une accusation sont moins susceptibles que les agressions physiques d’avoir été réglées devant les tribunaux et tout juste plus de la moitié d’entre elles (55 %) a donné lieu à une déclaration de culpabilitéNote de bas de page 11. Dans l’ensemble, même les agressions sexuelles que la police a corroborées comme un crime étaient moins susceptibles de mener à une déclaration de culpabilité au criminel que les agressions physiques (12 % contre 23 %)Note de bas de page 12. Les données récentes sur les agressions sexuelles commises au Canada ainsi que certaines des questions que soulèvent ces données sont analysées au chapitre 4, lequel traite également des diverses difficultés auxquelles font face les victimes d’agression sexuelle dans leurs rapports avec le système de justice pénale.
Terminologie : En général, on se sert de divers termes pour désigner la personne qui a été victime d’une agression sexuelle, dont « plaignant(e) » dans le contexte d’un procès criminel, « victime » et « survivant(e) ». C’est le mot « victime » qui est employé dans le présent rapport; cependant, ce mot n’est pas destiné à dénoter une incapacité d’agir de la part de la personne victimisée ou de la culpabilité de la part d’une personne accusée. Dans le présent rapport, nous considérons aussi les victimes comme des femmes et les agresseurs comme des hommes, en reconnaissance de la nature sexospécifique du crime. Cela ne veut pas dire que les hommes ou les personnes ayant d’autres identités sexuelles ne sont pas victimes eux aussi d’agression sexuelle.
En réponse aux difficultés uniques que suscitent les enquêtes et les poursuites concernant les affaires d’agression sexuelle sur des adultes, certaines administrations, tant au pays qu’à l’étranger, ont examiné et mis en œuvre des réponses innovatrices. Compte tenu du système fédéral canadien – où le Parlement du Canada est responsable des lois et des procédures en matière criminelle (dont une bonne part figure dans le Code criminel) et les assemblées législatives provinciales sont principalement chargées de l’administration de la justice, qui consiste notamment à appliquer le Code criminel, à intenter des poursuites relatives aux infractions au Code criminel (sauf dans les territoires) ainsi qu’à fournir des services aux victimes – il existe une foule de réponses novatrices aux agressions sexuelles au pays. Le Groupe de travail a analysé certaines pratiques émergentes et prometteuses importantes appliquées au Canada ainsi que dans d’autres pays de la common law, comme il est décrit au chapitre 5. Le Groupe de travail a proposé quelques recommandations qui découlent de son examen des pratiques, des politiques et des lois applicables. Ces recommandations sont des suggestions qui visent à améliorer l’accès à la justice pour les adultes qui sont victimes d’agression sexuelle. Plusieurs recommandations visent des modifications au Code criminel et, en ce sens, sont soumises pour la considération du gouvernement fédéral. La plupart des recommandations ont toutefois trait à l’administration de la justice pénale, qui concerne les gouvernements provinciaux et territoriaux, même si des projets financés par le gouvernement fédéral dans ces domaines peuvent aussi être pertinents. Ces dernières recommandations ont été identifiées par le Groupe de travail, conformément à son mandat, dans l’exercice de recensement des pratiques prometteuses en la matière. Elles sont partagées au bénéfice des gouvernements, et ceux qui n’ont pas de pratique prometteuse peuvent décider de mettre en place de telles mesures.Les recommandations sont présentées dans le chapitre 1 et tout au long du rapport, sous forme d’encadrés.

Chapitre 3 : Le doit criminel et les agressions sexuelles sur des adultes

Le présent chapitre fait un survol du droit criminel qui s’applique aux agressions sexuelles commises contre des adultes. Dans le système de justice pénale accusatoire du Canada, il incombe aux jurés ou aux juges de déterminer si le procureur a établi la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Le droit constitutionnel à un procès équitable dont jouit l’accusé oblige les avocats de la défense à exposer les faiblesses de la preuve du ministère public, notamment en contreinterrogeant les témoins de manière rigoureuse. Pour les victimes, il peut être extrêmement difficile, voire traumatisant, de témoigner dans le cadre d’un procès pour agression sexuelle. Cela étant, le système de justice pénale s’efforce de trouver un juste équilibre entre le fait de protéger les droits que la Charte garantit à l’accuséNote de bas de page 13, d’une part, et celui de s’assurer que l’on traite les victimes avec compassion, respect et dignité, y compris le respect des droits que la Charte leur garantitNote de bas de page 14, d’autre part. Les lois canadiennes en matière d’agression sexuelle ont évolué de façon à refléter ces éléments opposés, de même que les intérêts de la société, et il est généralement admis que ces lois font partie des mesures les plus progressistes et les plus exhaustives au mondeNote de bas de page 15.

3.1  L’historique des dispositions du Code criminel en matière d’agression sexuelle

Les dispositions du Code criminel en matière d’agression sexuelle ont évolué au fil du temps en réponse à des préoccupations persistantes quant à la manière dont le système de justice pénale traitait les victimes d’agression sexuelle. D’importantes réformes de la manière dont le droit criminel abordait la violence sexuelle ont débuté en 1983 et se sont poursuivies pendant les années 1990. Ces réformes avaient pour but d’encourager les signalements, d’améliorer la réponse du système de justice pénale aux signalements de violence sexuelle et d’éliminer les points de vue discriminatoires sur les victimes, qui perpétuaient les mythes et les stéréotypes entourant les victimes de violence sexuelle et la manière dont une « véritable victime » est censée se comporter. En 1983, les infractions sexuelles propres à un acte sexuel et à un sexeNote de bas de page 16 ont été remplacées par les trois infractions d’agression sexuelle de genre neutre qui existent aujourd’huiNote de bas de page 17. Ces infractions englobent une gamme de comportements nettement plus vaste, soit toutes les activités sexuelles non consensuelles allant d’un attouchement sexuel à la pénétration, et elles sont axées sur le degré de violence auquel l’agresseur a eu recours, plutôt que sur le genre d’acte sexuel commis. Par ailleurs, certaines règles de la common law qui ne s’appliquaient que dans le contexte d’une agression sexuelleNote de bas de page 18 ont été abrogées. Par exemple, le Code criminel précise désormais que :
  • il n’est pas nécessaire que le témoignage de la victime soit corroboré pour obtenir une déclaration de culpabilitéNote de bas de page 19;
  • aucune inférence défavorable ne peut être tirée si la victime tarde à divulguer l’incidentNote de bas de page 20;
  • une preuve de la réputation sexuelle de la victime n’est admissible ni pour contester sa crédibilité ni pour l’étayerNote de bas de page 21;
  • une personne peut être inculpée d’agression sexuelle contre son conjointNote de bas de page 22.
En 1992, le Code criminel a été modifié en vue d’y ajouter une définition du « consentement » pour l’application des dispositions en matière d’agression sexuelle, de pair avec une liste de circonstances dans lesquelles il y a absence de consentement en droitNote de bas de page 23. Les réformes de 1992 ont également restreint la possibilité d’invoquer en défense la croyance sincère, mais erronée au consentement d’un certain nombre de façons, dont le fait d’exiger que l’accusé montre qu’il avait pris des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement afin de pouvoir invoquer ce moyen de défenseNote de bas de page 24. Par ailleurs, la version originale des dispositions sur la protection des victimes de viol (rape shield provisions), adoptée en 1983, a été modifiée en vue de donner suite à l’arrêt SeaboyerNote de bas de page 25 que la Cour suprême du Canada (CSC) a rendu en 1991, laquelle avait radiées ces dispositions au motif qu’elles étaient susceptibles d’exclure des éléments de preuve présentant un intérêt pour la défense. Les dispositions sur la protection des victimes de viol (rape shield provisions) sont conçues pour protéger le droit à la vie privée de ces dernières en empêchant la défense de présenter des éléments de preuve de leur comportement sexuel antérieur afin de montrer qu’elles sont moins dignes de foi ou plus susceptibles d’avoir donné leur consentement (ce que l’on appelle les « deux mythes »). Les dispositions modifiées prévoient également une procédure spéciale au moyen de laquelle de tels éléments de preuve peuvent être produits à des fins légitimesNote de bas de page 26. La CSC a confirmé que ces dispositions sont constitutionnelles dans l’arrêt DarrachNote de bas de page 27 rendu en 2000. En 1997, le Code criminel a été de nouveau modifié en vue d’y ajouter le régime des dossiers de tiersNote de bas de page 28, qui vise lui aussi à protéger le droit à la vie privée des victimes, relativement aux renseignements privés que contiennent, par exemple, les dossiers thérapeutiques ou médicaux de ces personnes, et ce, pour empêcher l’accusé de se lancer dans une « recherche à l’aveuglette » en sollicitant la production de ces dossiers juste pour miner la crédibilité de la victime. Ces modifications faisaient suite à l’arrêt O’ConnorNote de bas de page 29 que la CSC a rendu en 1995, lequel a établi une nouvelle procédure relativement à la production de dossiers à l’égard desquels la victime conserve une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Le nouveau régime vise à mettre en équilibre le droit constitutionnel qu’a l’accusé de présenter une défense pleine et entière et le droit de la victime au respect de sa vie privée, et il établit une procédure spéciale à suivre dans les cas où un accusé sollicite la production des dossiers privés de la victime. La CSC a confirmé que ces dispositions étaient constitutionnelles dans l’arrêt MillsNote de bas de page 30, rendu en 1999. Le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loiNote de bas de page 31, qui a été déposé à la Chambre des communes le 6 juin 2017, propose plusieurs modifications visant à préciser et à renforcer les lois canadiennes en matière d’agression sexuelle. Les modifications visent à :
  • préciser qu’une personne inconsciente est incapable de consentir à une activité sexuelle, et que le consentement doit être concomitant à l’activité sexuelle en litigeNote de bas de page 32;
  • préciser qu’un accusé ne peut invoquer le moyen de défense fondé sur la croyance erronée au consentement si sa croyance au consentement est fondée sur une erreur de droit comme, par exemple, si le consentement a été arraché par des menaces ou s’il n’existe aucune preuve de paroles ou d’actes qui pourraient être interprétés erronément comme un consentementNote de bas de page 33;
  • préciser qu’une preuve de comportement sexuel antérieur ne doit jamais être produite pour conclure à l’existence d’un des « deux mythes »;
  • préciser que l’admissibilité des communications que la victime a faites à une fin sexuelle, ou dont le contexte est de nature sexuelle, doit être déterminée au regard des dispositions sur la protection des victimes de viol (rape shield provisions);
  • s’assurer que les victimes peuvent présenter des arguments et être représentées par avocat dans une instance de protection des victimes de viol (rape shield provisions);
  • veiller à ce que l’on détermine l’admissibilité des dossiers privés de la victime que détient l’accusé au moyen d’une procédure spéciale semblable à celle qui s’applique à l’heure actuelle à l’admissibilité d’une preuve de comportement sexuel antérieur ainsi qu’à la production de dossiers de tiersNote de bas de page 34;
  • prolonger de quatorze à soixante jours le délai minimal prévu entre la signification de la demande de production de dossiers et la tenue de l’audience relative aux dossiers de tiersNote de bas de page 35.
RECOMMANDATION No 1 : Le Groupe de travail appuie les objectifs des modifications du projet de loi C-51 qui visent à clarifier les dispositions législatives relatives aux agressions sexuelles et à conférer une plus grande protection aux dossiers personnels des victimes lorsque l’accusé cherche à y avoir accès ou à les déposer en preuve dans le cadre d’un procès pour agression sexuelle.

3.2 Survol : les infractions d’agression sexuelle

Il y a trois niveaux d’agression sexuelle dans le Code criminelNote de bas de page 36 : l’agression sexuelle (article 271)Note de bas de page 37, l’agression sexuelle armée , menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles (article 272)Note de bas de page 38, et l’agression sexuelle grave (article 273)Note de bas de page 39. À l’instar des infractions de voies de fait (articles 266 à 268), la gravité de ces infractions augmente de pair avec le degré de violence en cause. L’expression « agression sexuelle » n’est pas définie dans le Code criminel, mais les « voies de fait » désignent l’emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement (article 265). Par ailleurs, la CSC a interprété l’« agression sexuelle » comme une agression de nature sexuelle qui, selon un examen objectif, a pour effet de porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime. Pour arriver à cette conclusion, les tribunaux peuvent prendre en compte les facteurs suivants :
  • la partie du corps qui est touchée;
  • la nature du contact;
  • les paroles et les gestes qui ont accompagné l’acte en question, y compris les menaces;
  • les circonstances entourant l’emploi de la force;
  • ce qui s’est passé juste avant l’agression;
  • l’intention de l’accuséNote de bas de page 40.
Toutes les infractions criminelles comportent à la fois un élément « matériel » (actus reus ou « acte coupable ») et un élément « moral » (mens rea ou « intention coupable »), et, pour obtenir une déclaration de culpabilité, il est nécessaire que ces deux éléments soient prouvés hors de tout doute raisonnable. Pour établir l’élément « matériel » de l’infraction d’agression sexuelle, la preuve doit établir :
  • que l’accusé a touché la victime;
  • la nature sexuelle du contact;
  • l’absence de consentement de la victime.
Les deux premiers éléments sont de nature objective, mais on détermine l’absence de consentement en se reportant à l’état d’esprit subjectif de la victime (son for intérieur) au moment où le contact a eu lieu, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de déterminer si la victime, en considérant la situation de son point de vue, a consenti à l’activité sexuelle en causeNote de bas de page 41. Pour arriver à cette conclusion, le tribunal doit prendre en compte à la fois la définition du consentement (article 273.1) et les circonstances dans lesquelles il y a absence de consentement en droit (paragraphe 273.1(2) et 265(3)). En revanche, l’élément moral de l’infraction d’agression sexuelle dépend de l’état d’esprit de l’accusé; la preuve doit établir que celui-ci avait l’intention de toucher la victime de manière sexuelle, en sachant qu’elle n’y consentirait pas ou en faisant montre d’aveuglement volontaire ou d’insouciance quant à ce faitNote de bas de page 42. S’il est conclu, que la victime n’avait effectivement pas donné son consentement, le moyen de défense fondé sur la croyance sincère, mais erronée, au consentement peut être pris en considération.

3.3  Le sens du consentement dans le contexte d’une agression sexuelle

En ce qui concerne les infractions d’agression sexuelle, le Code criminel définit le « consentement » comme l’« accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle » (paragraphe 273.1(1)). La jurisprudence pertinente a également établi que la définition du consentement exige que celui-ci soit :
  • exprimé de manière affirmative par les paroles ou le comportement de la victime, c’est-à-dire que le consentement ne peut être déduit de la passivité ou du manque de résistance de la victimeNote de bas de page 43;
  • conscient en tout temps et donné en même temps que l’activité sexuelle en question, c’est-à-dire qu’une personne ne peut pas consentir à l’avance à une activité sexuelle qui a lieu ultérieurementNote de bas de page 44.

3.4 Les circonstances dans lesquelles il y a absence de consentement en droit

Le Code criminel énumère les circonstances dans lesquelles il y a absence de consentement ou celles où le droit vicie tout consentement donné. Plus précisément, pour ce qui est des infractions d’agression sexuelle, il y a absence de consentement en droit si :
  • l’accord à une activité sexuelle est exprimé par les paroles ou le comportement d’une personne autre que la victime;
  • la victime est incapable de donner son consentementNote de bas de page 45;
  • l’accusé incite la victime à se livrer à l’activité par abus de confiance ou de pouvoir;
  • la victime exprime, par ses paroles ou son comportement, une absence d’accord à se livrer à l’activité;
  • la victime exprime l’absence d’accord à poursuivre l’activité après y avoir consenti (paragraphe 273.1(2)).
De plus, s’agissant des infractions de voies de fait et d’agression sexuelle, il y a absence de consentement si la victime se soumet ou n’oppose aucune résistance en raison, selon le cas :

3.5 Le moyen de défense de la croyance sincère, mais erronée au consentement

S’il a été établi que la victime n’a pas effectivement donné son consentement, l’accusé peut faire valoir que, néanmoins, il croyait honnêtement que la victime était consentante, c’est-à-dire qu’il peut invoquer le moyen de défense de l’erreur de fait fondé sur la croyance sincère, mais erronée, au consentement. Pour ce faire, il doit être capable de faire ressortir un élément de preuve montrant qu’il croyait que la victime, par ses paroles ou son comportement, était d’accord pour se livrer à l’activité sexuelle avec luiNote de bas de page 49. Cependant, la croyance de l’accusé au consentement ne peut être fondée sur une erreur de droit. Par exemple, une croyance au consentement qui repose sur l’une des situations dans lesquelles il y a absence de consentement en droit (p. ex. les paragraphes 273.1(2) et 265(3)) n’est pas un moyen de défenseNote de bas de page 50, pas plus que la croyance que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la victime constitue un consentementNote de bas de page 51, car la définition du consentement exige que celui-ci soit exprimé de manière affirmative par des paroles ou un comportement. Par ailleurs, le Code criminel précise que le moyen de défense de la croyance sincère, mais erronée au consentement ne peut être invoqué si la croyance de l’accusé au consentement découle de l’affaiblissement volontaire de ses facultés, de son insouciance ou d’un aveuglement volontaire, ou s’il n’a pas pris les mesures raisonnables, dans les circonstances, pour s’assurer du consentement (article 273.2). Au moment d’évaluer le caractère raisonnable du comportement de l’accusé, le juge des faits peut prendre en considération ce que l’accusé savait et si une personne raisonnable, au courant de ces circonstances, prenait d’autres mesures pour s’assurer du consentement de la victime.

3.6 Les dispositions relatives à la protection des victimes de viol (rape shield provisions)

Le Code criminel crée des règles d’exclusion en matière de la preuve qui, dans les procès pour agression sexuelle, s’appliquent aux éléments de preuve concernant le comportement sexuel antérieur de la victime, c’est-à-dire une preuve de comportement sexuel antérieur autre que l’activité sexuelle qui constitue l’objet de l’accusation, que ce soit avec l’accusé ou avec une autre personne (article 276). Ces règles ont pour objectif d’éliminer du procès les mythes et les stéréotypes concernant les victimes d’agression sexuelle. Deux règles de preuve distinctes s’appliquent :
  • la règle de l’exclusion catégorique : le paragraphe 276(1) exclut catégoriquement la preuve que la victime se livrait à une activité sexuelle, quand cette preuve sert à étayer l’inférence selon laquelle, en raison de la nature sexuelle de cette activité, la victime est plus susceptible d’avoir consenti à l’activité ou est moins digne de foi (ce que l’on appelle les « deux mythes »);
  • la règle de l’exclusion présumée : le paragraphe 276(2) prescrit qu’une preuve d’activité sexuelle est présumée inadmissible à l’appui d’autres inférences, sauf si cette preuve :
    • porte sur des cas particuliers d’activité sexuelle;
    • est en rapport avec un élément de la cause;
    • le risque qu’elle a d’avoir un effet préjudiciable à la bonne administration de la justice ne l’emporte pas sensiblement sur sa valeur probante.
Pour déterminer l’admissibilité de la preuve dans le cadre de la règle de l’exclusion présumée, le juge doit prendre en compte une liste non exhaustive de facteurs, qui consistent à mettre en équilibre, d’une part, les droits de l’accusé et de la victime et, d’autre part, les intérêts de la société. Plus précisément, il doit prendre en considération :
  • le droit de l’accusé à une défense pleine et entière;
  • l’intérêt de la société à encourager la dénonciation des agressions sexuelles;
  • la possibilité, dans de bonnes conditions, de parvenir grâce à la preuve à une décision juste;
  • le besoin d’écarter de la procédure de recherche des faits toute opinion ou tout préjugé discriminatoire;
  • le risque de susciter abusivement, chez le jury, des préjugés, de la sympathie ou de l’hostilité;
  • le risque d’atteinte à la dignité de la victime et à son droit à la vie privée;
  • le droit de la victime à la sécurité de sa personne ainsi qu’à la plénitude de la protection et du bénéfice de la loi (paragraphe 276(3)).

Difficulté : délai de préavis pour les demandes de protection des victimes de viol (rape shield provisions)

Les articles 276.1 à 276.5 établissent une procédure spéciale qu’il est nécessaire de suivre si l’accusé cherche à présenter la preuve du comportement sexuel de la victime dans le cadre de la règle de l’exclusion présumée. Le délai de préavis qui s’applique aux audiences relatives à une demande de protection des victimes de viol (rape shield provisions) est de sept jours. Cependant, si le projet de loi C-51 entre en vigueur, les victimes auront le droit d’être représentées par un avocat à ces audiences et elles auront peut-être besoin de plus de temps pour s’en prévaloirNote de bas de page 52.
RECOMMANDATION No 2 : Le Groupe de travail recommande d’envisager de faire passer de sept à trente jours le délai de préavis qui s’applique aux demandes relatives à l’admissibilité de la preuve en vertu de l’article 276 du Code criminel (dispositions relatives à la « protection des victimes de viol » (rape shield provisions)).

3.7 Le régime des demandes de communication de dossiers de tiers

Le Code criminel restreint la capacité de l’accusé de demander la communication des dossiers privés de la victime qui sont entre les mains de tiers et il prévoit une procédure spéciale à suivre dans les cas où l’on demande la communication de ces dossiers (articles 278.1 à 278.91; c’est ce que l’on appelle le régime des demandes de communication de dossiers de tiers). Pour l’application de ces dispositions, un « dossier » s’entend de « toute forme de document contenant des renseignements personnels pour lesquels il existe une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée » (article 278.1). Une liste non exhaustive d’exemples de ces dossiers est énumérée : dossier médical, psychiatrique ou thérapeutique, dossier tenu par les services d’aide à l’enfance, les services sociaux ou les services de consultation, dossier relatif aux antécédents personnels et à l’adoption, journal intimeNote de bas de page 53. Cependant, sont expressément exclus les dossiers qu’établissent les responsables d’une enquête ou d’une poursuite relative à l’infraction en cause. Les poursuivants ne peuvent communiquer à l’accusé aucun des dossiers privés de la victime qui sont en leur possession ou sous leur contrôle, sauf si cette dernière a expressément renoncé aux mesures de protection prévues par la loi (article 278.2). Dans ces circonstances, les poursuivants sont tenus d’informer l’accusé que les dossiers sont en leur possession, mais sans en communiquer le contenu (paragraphe 278.2(3))Note de bas de page 54. Une demande de communication des dossiers privés de la victime est un processus qui comporte deux étapes :
  • Premièrement, l’accusé doit établir que le dossier privé dont on sollicite la communication est « vraisemblablement pertinent » quant à un point en litige au procès ou à l’habileté d’un témoin à témoigner (paragraphe 278.3(3))Note de bas de page 55. Pour déterminer s’il convient d’ordonner la communication du dossier pour examen, le juge doit soupeser les droits de l’accusé et de la victime, de même que certains intérêts de la société (paragraphe 278.5(2)). La victime ou le détenteur du dossier, si celui-ci est entre les mains d’un tiers, peuvent présenter leurs arguments à l’audience et ont le droit d’être représentés par un conseiller juridique, mais ni l’un ni l’autre ne peut être contraint à témoigner (paragraphes 278.4(2) et (2.1));
  • Deuxièmement, si le juge décide qu’il y a lieu de communiquer le dossier pour examen, il l’examine ensuite pour déterminer s’il convient de le communiquer à l’accusé, sous réserve de conditions quelconques (p. ex., que le dossier soit révisé). Le critère à appliquer pour déterminer si le dossier devrait être communiqué à l’accusé est le même que celui qui s’applique à la communication du dossier au juge pour examen, tout comme les facteurs qui doivent être pris en considération au moment de prendre cette décision (paragraphe 278.7(2)).
Plus précisément, pour déterminer s’il convient de communiquer un dossier pour le soumettre à l’examen du juge ou de l’accusé, le juge doit prendre en considération les effets bénéfiques et préjudiciables que cette mesure entraînera, d’une part, sur le droit de l’accusé à une défense pleine et entière et, d’autre part, sur le droit à la vie privée et à l’égalité de la victime, du détenteur du dossier ou de toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte. Pour ce faire, il doit prendre en compte un certain nombre de facteurs :
  • la mesure dans laquelle le dossier est nécessaire pour permettre à l’accusé de présenter une défense pleine et entière;
  • la valeur probante du dossier;
  • la nature et la portée de l’attente raisonnable au respect du caractère privé du dossier;
  • la question de savoir si la communication du dossier repose sur une croyance ou un préjugé discriminatoire;
  • le préjudice possible à la dignité ou à la vie privée de toute personne à laquelle le dossier se rapporte;
  • l’intérêt qu’a la société à ce que les infractions d’ordre sexuel soient signalées;
  • l’intérêt qu’a la société à ce que les victimes d’une infraction sexuelle suivent des traitements;
  • l’effet de la décision sur l’intégrité du processus judiciaire (voir les paragraphes 278.5(2) et 278.7(2)).

3.8 Mesures visant à faciliter le témoignage et autres mesures de protection des victimes

Pour la victime d’une infraction sexuelle, il peut être extrêmement difficile et souvent traumatisant de prendre part à une instance criminelle. Les victimes d’agression sexuelle craignent souvent d’être traumatisées de nouveau par le processus de justice pénale, surtout si elles sont tenues de témoigner à la fois à une enquête préliminaire et au procès (l’accusé peut demander la tenue d’une enquête préliminaire si on l’accuse d’une infraction punissable par mise en accusation – à moins que cette dernière figure à l’article 553 du Code criminel, auquel cas la Cour provinciale ou, au Nunavut, la Cour de justice du Nunavut, a juridiction absolue). Pour répondre à cette préoccupation, le Code criminel contient certaines dispositions qui visent à faciliter le témoignage des victimes, par exemple :
  • l’ensemble ou tout membre du public peut être exclu de la salle d’audience pour tout ou partie de l’audience (article 486);
  • lorsqu’ils témoignent, les victimes et les témoins peuvent être accompagnés d’une personne de confiance (article 486.1);
  • les victimes et les témoins peuvent témoigner à l’extérieur de la salle d’audience par télévision en circuit fermé ou derrière un écran afin de ne pas être obligés de voir l’accusé (article 486.2);
  • sur demande, le tribunal nomme un avocat pour procéder au contre-interrogatoire d’une victime d’agression sexuelle dans les cas où l’accusé se représente lui-même (article 486.3);
  • sur demande, le juge doit rendre une ordonnance de non-publication au sujet de tout renseignement susceptible d’établir l’identité d’une victime d’infraction d’ordre sexuel (article 486.4).
Ces mesures visant à faciliter le témoignage et d’autres mesures de protection ont été renforcées en 2015 dans la Loi sur la Charte des droits des victimes, qui a aussi édicté la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV)Note de bas de page 56. Les modifications du Code criminel viennent compléter la CCDV qui établit certains droits pour les victimes d’acte criminel dans quatre secteurs : droit à l’information, droit à la protection, droit de participation et droit de demander un dédommagement. Pour plus de renseignements sur la CCDV, voir l’annexe 2.

Difficulté : Accès aux mesures visant à faciliter le témoignage

L’accès aux mesures visant à faciliter le témoignage demeure difficile, surtout dans les collectivités éloignées et uniquement accessibles par avion. De nombreux palais de justice ne possèdent pas d’installations adéquates en circuit fermé. De plus, ce ne sont pas tous les procureurs du ministère public qui peuvent avoir reçu une formation sur les récentes modifications. Les victimes ne sont pas toujours au courant des droits que leur confère la CCDV. Depuis 2015, d’autres modifications relatives aux mesures visant à faciliter le témoignage ont été suggérées, notamment pour éliminer des incohérences entre les versions officielles anglaise et française de certaines dispositions, l’omission d’un renvoi à une infraction relativement nouvelle dans une autre (article 162.1) et l’absence de dispositions précises concernant les chiens d’accompagnement. Les tribunaux autorisent à recourir à un chien d’accompagnement comme aide à témoigner pour les personnes vulnérables qui témoignent dans une instance criminelle, et ce, même s’il n’existe dans le Code criminel aucune disposition précise qui l’autorise.
RECOMMANDATION No 3 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • s’assurer de mettre des mesures visant à faciliter le témoignage à la disposition des victimes ou des témoins vulnérables dans tous les palais de justice ou toutes les autres installations utilisées pour une instance judiciaire, et veiller à ce que les procureurs du ministère public demandent ces aides le cas échéant;
  • s’assurer que, pendant tout le processus criminel, les victimes d’agression sexuelle sont tenues au courant des procédures, de ce à quoi elles doivent s’attendre, ainsi que de leurs droits, conformément aux dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes;
  • modifier le paragraphe 486.2(2) du Code criminel en vue de préciser dans les deux versions anglaise et française que la victime est autorisée à répondre à des questions, le cas échéant, lors de l’audience relative à la demande d’obtention de mesures visant à faciliter son témoignage, depuis l’extérieur de la salle d’audience par télévision en circuit fermé ou derrière un écran.
  • ajouter l’article 162.1 du Code criminel (publication, etc. non consensuelle d’une image intime) à la liste des infractions énumérées au sous-alinéa 486.4(1)a)(i) du Code criminel pour les interdictions de publication;
  • modifier l’article 486.1 du Code criminel afin de permettre expressément aux juges d’autoriser la présence d’un chien d’accompagnement lorsqu’un témoin est appelé à témoigner.

3.9 La détermination de la peine

Le Code criminel exige que les tribunaux, dans le cadre de la détermination de la peine, traitent comme une circonstance aggravante le fait que les crimes sont motivés par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la déficience mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou le sexe (alinéa 718.2a)(i)). Dans le même ordre d’idées, les infractions qui mettent en cause le mauvais traitement d’un époux, d’un conjoint de fait ou d’un enfant ou l’abus de confiance ou d’autorité doivent elles aussi être traitées plus sévèrement au moment de la détermination de la peine (alinéas 718.2a)(ii)ou (ii.1) et (iii)). Les victimes d’agression sexuelle peuvent aussi décider de présenter une déclaration de la victime au moment de la détermination de la peine afin de décrire les répercussions que l’infraction a eues sur elles (article 722). Dans les cas où une collectivité est touchée par une infraction de nature sexuelle, il est possible aussi de présenter une déclaration au nom de la collectivité (article 722.2)Note de bas de page 57. Les victimes peuvent également bénéficier d’un dédommagement pour les pertes dont la valeur peut être déterminée facilement, directement reliées à l’infraction commise (article 738). À la suite d’une déclaration de culpabilité dans une affaire d’agression sexuelle, il existe un certain nombre d’ordonnances accessoires qui sont obligatoires, dont des ordonnances de prélèvement génétiqueNote de bas de page 58, des ordonnances rendues en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuelsNote de bas de page 59 (LERDS), et des ordonnances d’interdiction de posséder une arme Note de bas de page 60. Le ministère public peut aussi examiner s’il convient d’obtenir, au sujet d’un délinquant, une désignation de délinquant à contrôlerNote de bas de page 61 ou de délinquant dangereuxNote de bas de page 62.

3.10 L’application erronée des règles de droit

Le législateur a fait montre d’une méfiance marquée, et justifiée, à l’égard de l’aptitude des tribunaux à promouvoir et à atteindre une application non discriminatoire des règles de droit dans ce domaine. […] L’histoire démontre que c’est l’exercice du pouvoir discrétionnaire par les juges du procès qui a saturé de stéréotypes les règles de droit dans ce domaineNote de bas de page 63. - La juge L’Heureux-Dubé
Malgré les dispositions législatives solides qui sont décrites ci-dessus, les tribunaux continuent de commettre des erreurs dans l’application des règles de droitNote de bas de page 64. Bien que ces erreurs soient souvent réglées en appel, un long processus d’appel peut avoir des répercussions nettement défavorables sur les victimes. Plusieurs affaires récentes et très médiatisées ont fait ressortir ce problèmeNote de bas de page 65. Par exemple, dans l’arrêt R. c. BartonNote de bas de page 66, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que le juge du procès avait commis de nombreuses erreurs en donnant au jury des directives sur les agressions sexuelles en général, sur le moyen de défense de la croyance sincère, mais erronée au consentement ainsi que sur la preuve d’un comportement sexuel antérieurNote de bas de page 67.

Difficulté : Formation sur le droit en matière d’agression sexuelle

Le droit en matière d’agression sexuelle est complexe et oblige à comprendre les mythes et les stéréotypes discriminatoires que l’on applique aux victimes d’agression sexuelle. Il est difficile pour les services de police, les services des poursuites et les services d’aide aux victimes d’avoir accès à une telle formation, notamment en ce qui concerne le financement et la planification d’activités en vue de faciliter la participation. La formation judiciaire est dirigée par des juges et assurée par des organismes tels que l’Institut national de la magistrature, ce qui permet de respecter le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature.
RECOMMANDATION No 4 : Le Groupe de travail recommande d’envisager de mettre à la disposition des spécialistes du système de justice pénale, dont les fournisseurs de services d’aide aux victimes, les services de police et les procureurs du ministère public, des activités de formation sur le droit en matière d’agression sexuelle, de même que sur le rôle que les mythes et les stéréotypes discriminatoires peuvent jouer dans l’application erronée de la loi. Le Groupe de travail est d’avis que ces activités de formation pourraient être soutenues par :
  • la rédaction ou l’amélioration de manuels ou de lignes directrices portant sur les enquêtes et les poursuites concernant les agressions sexuelles dans les administrations qui n’en ont pas déjà;
  • l’établissement d’un programme de mentorat ou d’un réseau de mise en commun des connaissances pour les administrations qui ne possèdent pas déjà de manuels ou de lignes directrices.
Le Groupe de travail recommande aussi d’envisager de sensibiliser les organismes tels que l’Institut national de la magistrature pour qu’ils offrent des activités de formation sur le droit en matière d’agressions sexuelles ainsi que sur le rôle que les mythes et les stéréotypes discriminatoires peuvent jouer dans l’application erronée de la loi.

Chapitre 4 : Les travaux de recherche et les difficultés dans les affaires d’agression sexuelle sur des adultes

Ce chapitre décrit la fréquence et la nature des agressions sexuelles sur des adultes au Canada, en s’inspirant de données nationales recueillies et déclarées par Statistique Canada. Ces données indiquent l’étendue des cas non signalés, les facteurs de risque d’une agression sexuelle, de même que l’attrition des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice pénaleNote de bas de page 68. Bien que ces données soulèvent de nombreuses questions sans réponse, elles situent également le contexte qui permet de mieux comprendre les diverses difficultés auxquelles se heurtent les adultes victimes d’agression sexuelle dans leurs rapports avec le système de justice pénale canadien. Ce chapitre traite aussi d’autres travaux de recherche, dont des sondages menés auprès des victimes et des recherches médicales sur la neurobiologie des traumatismes. Les problèmes sur lesquels le Groupe de travail s’est penché sont principalement axés sur l’attrition des affaires d’agression sexuelle, soit les faibles taux de signalement, d’accusation et de déclaration de culpabilité.

4.1 Les indicateurs de succès du système de justice pénale

Les mesures les plus souvent utilisées pour le succès du système de justice pénale sont : i) la tenue d’un procès sur le fond dans un délai raisonnable; (ii) la preuve est présentée de façon claire et équitable; (iii) la poursuite a été menée d’une façon professionnelle et compétente; (iv) les victimes estiment qu’elles ont été traitées de façon équitable et respectueuse, quelle que soit l’issue. Pour mesurer l’accès à la justice des victimes d’agression sexuelle, d’autres indicateurs de succès pourraient être pris en considération :
  • la diminution des mythes et des stéréotypes invoqués dans les décisions rendues;
  • la hausse des signalements faits aux services d’application de la loi, et l’augmentation des taux de renvoi de ces derniers;
  • une collaboration accrue entre les professionnels;
  • des demandes respectueuses de participation de la victime, et la prise en compte de cette participation;
  • l’introduction d’éléments de preuve pertinents et probants et l’exclusion d’éléments de preuve peu pertinents ou trompeurs;
  • la protection de la vie privée des victimes, conformément au droit à un procès équitable;
  • le soutien des victimes pendant tout le processus;
  • les stratégies de procès qui exposent les comportements prédateurs et qui sensibilisent le juge des faits;
  • les peines qui tiennent compte de la gravité du crimeNote de bas de page 69;
  • les faibles taux de récidive.

4.2 Les mythes et les stéréotypes discriminatoires

Les théoriciens et les tribunaux ont indiqué que la fréquence des « mythes entourant le viol » dans la société canadienne est une difficulté de taille qui imprègne le processus de signalements, d’enquêtes, de poursuites et de décisions concernant les affaires d’agression sexuelle. Ces mythes persistent de nos jours. Récemment la CSC a souscrit à l’avis de la Cour d’appel de l’Alberta selon lequel un juge a commis une erreur lorsqu’il « a apprécié la crédibilité de la plaignante uniquement en comparant son comportement à celui attendu de la victime type d’agression sexuelle. »Note de bas de page 70 Le juge du procès s’est fondé sur l’absence de preuve que la plaignante aurait cherché à éviter l’appelant après l’agression sexuelle. La CSC a affirmé qu’il s’agissait là d’une erreur de droit. Ce que l’on appelle un « mythe entourant le viol » est une présomption inexacte à propos de la violence sexuelle et de la manière dont les victimes sont censées se comporter. Ces mythes comprennent les « doubles mythes », à savoir que des femmes qui ont eu des relations sexuelles dans le passé sont plus susceptibles de consentir à une activité sexuelle et sont moins dignes de foi lorsqu’elles allèguent qu’elles ne consentaient pas à l’activité. Voici d’autres mythes et stéréotypes qui ont été décrits dans les travaux de recherche et la jurisprudence :
  • une agression sexuelle « véritable » n’a lieu qu’entre étrangers et souvent en un lieu publicNote de bas de page 71;
  • une agression sexuelle est un crime de passion, par opposition à un crime de violence et de contrôleNote de bas de page 72;
  • les victimes sont responsables en tout ou en partie de l’agression si elles portent des vêtements révélateurs, sortent seules le soir ou ont les facultés affaibliesNote de bas de page 73;
  • une « véritable victime » crie et se débat, présente des signes de lésions corporelles, semble extrêmement bouleversée par la suite, évite l’auteur de l’agression et signale l’incident sans délaiNote de bas de page 74;
  • les femmes prétendent avoir été agressées sexuellement après avoir eu une relation sexuelle consensuelle qu’elles regrettent ensuite ou pour se venger de leur partenaireNote de bas de page 75;
  • les femmes fantasment au sujet du viol, de sorte que « non » peut vouloir dire « oui » ou constitue un signe d’encouragementNote de bas de page 76;
  • seules les femmes peuvent être agressées sexuellement;
  • la victimisation sexuelle d’un homme par un autre homme signifie forcément que la victime est homosexuelleNote de bas de page 77.
Les victimes elles-mêmes ne sont pas à l’abri des effets insidieux de ces présomptions et elles peuvent s’en vouloir pour ce qui s’est passéNote de bas de page 78. Même si les cours d’appel réfutent de plus en plus les mythes entourant le viol, les attitudes négatives à l’égard des victimes d’agression sexuelle sont fréquentes et peuvent jouer dans les évaluations de la crédibilité durant tout le processus de justice pénale, y compris au moment de l’enquête policière ainsi qu’aux étapes du procès stagesNote de bas de page 79. La fréquence persistante des mythes entourant le viol contribue au risque de revictimisation durant tout ce processus et a une incidence négative sur les mesures efficaces d’enquête et de poursuite concernant les agressions sexuelles sur des adultesNote de bas de page 80.

4.3 La neurobiologie des traumatismes – difficultés à se souvenir de l’incident et crédibilité perçue des témoins

La conduite qu’adoptent souvent les victimes d’agression sexuelle peut être mal comprise par les professionnels de la justice pénale et même interprétée comme un signe de tromperie. Il ressort toutefois de recherches menées sur la neurobiologie des traumatismes qu’en fait, une telle conduite est en grande partie caractéristique des personnes qui ont vécu un incident traumatisant. Par exemple, les victimes sont souvent incapables de se souvenir d’un fait d’une manière chronologique ou détaillée. Les recherches montrent toutefois que les souvenirs associés à une expérience traumatisante sont encodés dans le cerveau d’une manière différente des souvenirs « ordinaires ». L’annexe 4 comporte de plus amples détails sur la neurobiologie des traumatismes. Lors d’un incident traumatisant, des taux élevés d’hormones inondent le système sanguin, et leurs effets peuvent durer jusqu’à 96 heures. Ces hormones agissent sur le processus d’encodage de la mémoire, de sorte que, aussitôt après l’agression, les victimes peuvent avoir d’importantes pertes de mémoire au sujet de l’incident. Des recherches ont montré qu’il faut passer au moins deux nuits de sommeil pour que les trous de mémoire commencer à se combler. De ce fait, les interrogatoires que mène la police aussitôt après une agression peuvent ne pas être efficaces sous l’angle d’une enquête et, par ailleurs, ils peuvent nuire aux intérêts de la victime, qui peut plus tard se souvenir de nouveaux détails susceptibles de diverger du récit qu’elle a fait antérieurement et donc de miner sa crédibilitéNote de bas de page 81. Les recherches neurobiologiques indiquent aussi que les humains en sont venus à figer d’abord devant une menace et à prendre ensuite la fuite, par opposition à la croyance courante selon laquelle la réaction est « lutter ou fuir ». De nombreuses victimes adoptent une conduite qui peut être perçue comme incompatible avec leurs allégations d’agression sexuelle, par exemple :
  • s’immobiliser ou « figer » lors d’une agression sexuelle;
  • parler poliment à l’agresseur ou entrer proactivement en contact avec lui après l’agression;
  • faire montre de peu d’émotions au lendemain d’une agression sexuelle; cet état, appelé « affect aplati », est le résultat d’opioïdes libérés naturellement et protégeant la victime contre la douleur;
  • se dissocier dans le but de se protéger, ce qui peut amener à ne pas se souvenir de renseignements importants, tels que le visage de l’agresseur.
D’après des experts, ces comportements font partie de l’éventail normal des comportements attendus d’une victime qui a subi un traumatisme. Certains de ces comportements dénotent peut-être que la victime s’efforce d’éviter d’autres actes de violence ou de se convaincre que l’incident n’a pas eu lieu.Note de bas de page 82

Difficulté : manque de connaissances sur la neurobiologie des traumatismes

Les techniques d’interrogatoire policier classiques sont conçues pour obtenir d’une victime ou d’un témoin des détails factuels au sujet d’un crime commis, comme l’aspect de l’agresseur, le type d’arme utilisée ou le type de véhicules automobiles présents sur les lieux. Cependant, il a été démontré que ce genre de questions est inefficace pour recueillir des détails auprès d’une personne traumatisée. Pour éviter de mal interpréter les réactions d’une victime à une agression sexuelle, les professionnels du système de justice pénale ont besoin de renseignements sur la neurobiologie des traumatismes. Par exemple, des experts laissent entendre que les agents de police devraient se concentrer sur l’expérience subjective de la victime plutôt que sur une description linéaire de la prétendue agression. Dans le même ordre d’idées, dans certains cas, les arbitres pourraient tirer avantage de la présentation d’une preuve d’expert sur la neurobiologie des traumatismes afin de contextualiser la preuve de la victime et d’offrir une explication sur les motifs pour lesquels il est interdit de se fonder sur des mythes et stéréotypes dans le contexte de l’établissement des faits. Cependant, il est difficile au Canada de trouver des experts possédant l’expertise appropriée, et de garantir l’admission de tels éléments de preuve. Les techniques d’interrogatoire policier prenant en compte les traumatismes subis et intégrant une connaissance de la neurobiologie des traumatismes sont analysées plus loin dans le présent rapport à titre de pratique prometteuse.
RECOMMANDATION No 5 : Le Groupe de travail recommande d’envisager que l’on offre des activités de formation sur la neurobiologie des traumatismes en lien avec les agressions sexuelles aux professionnels du système de justice pénale, ce qui inclut les fournisseurs de services aux victimes, les services de police et les procureurs du ministère public.

4.4 Les données et les recherches sur les agressions sexuelles au Canada

Les données nationales portant sur la fréquence des agressions sexuelles au Canada sont principalement extraites de deux sources de données complémentaires : une enquête nationale menée auprès des ménages canadiens, qui font eux-mêmes état de leurs expériences sur le plan de la victimisation – l’Enquête sociale générale (ESG) sur la sécurité des Canadiens (Victimisation)Note de bas de page 83 – ainsi que les dossiers officiels des services de police – la Déclaration uniforme de la criminalité (DUC)Note de bas de page 84 – lesquels consignent les incidents criminels signalés et les transmettent à Statistique Canada. Les données de la DUC peuvent être liées à des dossiers judiciaires, ce qui permet de suivre les affaires d’agression sexuelle à travers le système de justice pénale et d’analyser les décisions que rendent les tribunauxNote de bas de page 85. D’autres études sont également mentionnées dans le présent chapitre. En particulier, le ministère de la Justice du Canada a procédé à des entretiens approfondis avec des victimes d’actes de violence sexuelle, lesquels présentent le point de vue, souvent négligé, des victimesNote de bas de page 86.

4.4.1 L’ampleur des agressions sexuelles au Canada

On estime que 636 000 cas d’agression sexuelle ont été signalés en 2014 par des Canadiens dans le cadre de l’ESG. Cela représentait un taux de 22 agressions sexuelles pour 1 00 000 Canadiens, un taux qui n’avait pas changé par rapport à celui qui avait été déclaré dix ans plus tôtNote de bas de page 87. Cependant, au cours de la même période, tant la fréquence des infractions avec violence que celle des infractions sans violence relevées dans le cadre de l’ESG ont nettement diminué. En 2014, les services de police ont fait état d’environ 21 000 agressions sexuellesNote de bas de page 88. Les taux d’agressions sexuelles signalées par la police ont diminué entre 2004 et 2014 (de 72 à 58 incidents pour 100 000 habitants), ce qui concorde avec la diminution des crimes avec violence que l’on a relevés dans l’ensemble du CanadaNote de bas de page 89. Toutefois, la réduction du nombre des agressions sexuelles signalées par la police ne concorde pas avec la stabilité du taux d’agressions sexuelles déclarées par les victimes au cours de la même période de dix ans, tel que mesuré par l’ESG sur la victimisation.Note de bas de page 90

4.4.2 Le sous-signalement des agressions sexuelles à la police

Les agressions sexuelles sont l’un des crimes violents les moins souvent signalés au Canada, et on estime qu’une agression sexuelle sur vingt (5 %E) est portée à l’attention des autoritésNote de bas de page 91. Ce sous-signalement peut être attribuable au caractère personnel de l’infraction ainsi qu’à la honte, à la culpabilité et à la stigmatisation qui accompagnent souvent le fait d’avoir subi une agression sexuelleNote de bas de page 92. Selon l’ESG sur la victimisation, les raisons les plus fréquentes ayant mené les victimes à ne pas s’adresser à la police étaient que celles-ci, selon le cas :
  • considéraient que le crime était peu important et qu’il ne valait pas la peine de prendre le temps de le signaler (71 %)Note de bas de page 93;
  • considéraient que l’incident était de nature privée et personnelle et s’en étaient occupées de manière informelle (67 %);
  • avaient le sentiment que personne n’avait subi un préjudice au cours de l’incident (63 %);
  • avaient des appréhensions à l’égard du processus judiciaire, ce qui incluait le fait d’éviter les désagréments associés à un contact avec la police (45 %);
  • avaient l’impression que la police n’aurait pas considéré que l’agression sexuelle était assez importante (43 %);
  • croyaient que l’agresseur ne serait pas condamné ou convenablement puni (40 %).
Les victimes s’abstiennent aussi de signaler une agression sexuelle par peur de représailles de la part de l’agresseur ou d’un impact négatif sur leur carrière ou leurs moyens de subsistance, ou par crainte d’être confrontées à l’agresseur et d’être contreinterrogées devant le tribunal. Certaines victimes ne signalent pas l’agression parce qu’elles ignorent que l’agression sexuelle qu’elles ont subie est en fait une infraction criminelle et qu’elles pourraient la signalerNote de bas de page 94. Par exemple, dans le contexte des agressions sexuelles qui surviennent dans le mariage, certaines femmes ignorent peut-être que leur époux n’est pas à l’abri d’une poursuite criminelle pour les avoir agressées sexuellementNote de bas de page 95. Par ailleurs, dans le contexte d’une agression sexuelle entre partenaires intimes, les victimes pourraient avoir des motifs additionnels de ne pas signaler une agression sexuelle, notamment le fait de ne pas vouloir que le partenaire en question fasse l’objet de sanctions pénales, tout particulièrement si la victime dépend financièrement de ce partenaireNote de bas de page 96.
Difficulté : La perception erronée que les fausses allégations d’agression sexuelle sont fréquentes
Rien ne démontre que les victimes d’agression sexuelle sont plus susceptibles que les victimes d’autres actes criminels de formuler de fausses accusations lorsqu’elles font un signalement à la police. Pourtant, certains professionnels du système de justice pénale considèrent peut-être encore avec scepticisme les allégations que font les victimes d’agression sexuelle à cause de la perception selon laquelle de nombreuses femmes prétendent avoir été violées parce qu’elles regrettent d’avoir eu une activité sexuelle consensuelle ou parce qu’elles cherchent à se venger. Cependant, la CSC « a rejeté l’idée que les plaignants en matière d’agression sexuelle ont plus tendance que les autres plaignants à inventer des histoires fondées sur des “motifs inavoués” et sont donc moins dignes de foi. Ni le droit, ni l’expérience des tribunaux, ni la recherche en sciences sociales n’étayent cette généralisationNote de bas de page 97 ». Par exemple, selon certaines études menées dans des pays de la common law, on estime qu’entre 2 % et 8 % des agressions sexuelles signalées à la police constituent une fausse déclarationNote de bas de page 98, ce qui concorde avec le taux estimatif de fausses déclarations d’autres actes criminels.

4.4.3 La confiance de la victime, la façon dont la sécurité est perçue et le point de vue sur le système de justice pénale

Bien qu’une agression sexuelle cause rarement des lésions corporelles, il ressort des résultats de l’ESG de 2014 que de nombreuses victimes souffrent d’un traumatisme affectif et psychologique. Quinze pour cent des victimes ont déclaré avoir subi sur le plan affectif au moins trois conséquences de longue durée qui peuvent être assimilables au trouble de stress post-traumatique (TSPT)Note de bas de page 99. Les victimes d’agression sexuelle signalent avoir moins de confiance dans la police et craindre davantage pour leur sécurité personnelle. Si près de la moitié (45 %) des Canadiens qui n’avaient pas été victimes d’agression sexuelle ont déclaré avoir « une grande confiance » en la police, moins du tiers (29 %) des victimes d’agression sexuelle ressentaient la même chose. Les victimes d’agression sexuelle étaient plus susceptibles de répondre qu’elles avaient « très peu confiance » (15%E) ou « aucune confiance » (7%E) dans la police que celles qui n’avaient pas été victimes d’agression sexuelle (6 % contre et 2 %, respectivement). Il y avait aussi plus de chances que ces victimes ne se sentent pas en sécurité quand elles utilisaient un moyen de transport public seules le soir, lorsqu’elles marchaient seules le soir ou lorsqu’elles étaient simplement seules chez elles le soirNote de bas de page 100. Il y a plusieurs années, le ministère de la Justice du Canada a procédé à des entretiens détaillés avec des adultes victimes d’agression sexuelle. Les participants ont été recrutés par l’intermédiaire de centres de défense et de soutien situés dans plusieurs villes, ainsi que dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 101. Plusieurs participants ont déclaré que les autorités devaient faire montre de plus de sensibilité quand elles interrogeaient les victimes, car celles-ci ont souvent l’impression qu’on ne les croit pas. De plus, certains participants ont indiqué qu’on les avait traités comme si c’était eux qui étaient à blâmer. De nombreux participants ont ainsi déclaré qu’ils croyaient que les professionnels du système de justice pénale tireraient profit d’activités de formation portant sur le travail auprès des victimes d’une agression sexuelle, ce qui devrait inclure une formation de sensibilisation. Dans l’échantillon masculin, les participants ont également souligné l’importance de rehausser le degré de sensibilisation, par exemple à l’aide de campagnes de sensibilisation à la violence sexuelle axées sur les hommes, y compris sa nature et sa fréquence, de façon à pouvoir s’attaquer aux mythes et à la stigmatisation que l’on associe aux abus sexuels masculinsNote de bas de page 102. Les participants ont aussi suggéré qu’il est nécessaire d’assurer aux victimes un soutien, sous toutes les formes possible, durant tout le processus de justice pénale, c’est-à-dire dès le moment où l’incident survient, pendant le processus judiciaire et après le procès. Un moyen d’atteindre cet objectif serait d’affecter une personne ayant pour tâche de soutenir ou de défendre la victime pendant tout le processus, en lui expliquant de façon simple les termes juridiques, ainsi que d’offrir des services d’interprétation à la personne qui en aurait besoinNote de bas de page 103. De nombreux participants ont également indiqué qu’il était nécessaire de tenir les victimes au courant de l’évolution de leur dossier et qu’il fallait fournir des informations en temps opportun pendant toute la durée du processus.
Difficulté : Les préoccupations relatives à la sécurité des victimes et la disponibilité de services complets qui tiennent compte du traumatisme subi
Dans certains cas, il pourrait ne pas y avoir suffisamment d’éléments de preuve pour déposer une accusation criminelle. Cependant, s’il existe des motifs raisonnables de craindre pour la sécurité d’une personne, une demande d’engagement de ne pas troubler l’ordre public peut être présentée en vertu de l’article 810 du Code criminel. À l’heure actuelle, le Code criminel ne précise pas que les dispositions relatives au témoignage (articles 486 à 486.3) s’appliquent aux procédures sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public. Bien que ces dispositions aient été appliquées par certains juges, la pratique n’est pas uniforme au Canada. Le fait d’assurer que les victimes d’agression sexuelle aient accès à ces mesures leur permettrait d’avoir un meilleur accès à la justice. Lorsqu’il y a dépôt d’accusations et que la police met l’accusé en liberté avec des conditions d’interdiction de communication, il pourrait être nécessaire d’assurer à la victime que l’accusé ne se présentera pas dans un secteur géographique donné ou ne possédera pas certaines armes. L’élargissement des dispositions relatives à la mise en liberté par la police en vue de combler ces lacunes permettrait aussi d’améliorer l’accès à la justice pour les victimes d’agression sexuelle. Le traumatisme associé au fait de relater à maintes reprises l’agression subie – y compris au personnel infirmier spécialisé en traitement des victimes d’agression sexuelle, aux préposés aux services aux victimes, à la police, au procureur et au tribunal – présente des difficultés particulières pour les victimes et les survivants d’une agression sexuelle. Il ressort des recherches qu’il est utile de recourir à une approche axée sur la victime au moment de mettre sur pied des programmes judiciaires. Une approche axée sur la victime ou une pratique axée sur le traumatisme subi est une technique qui reconnaît et priorise les besoins et les droits des victimes (dans la mesure du possible) et qui offre aux victimes, la possibilité d’agirNote de bas de page 104. Il est essentiel de comprendre l’impact qu’un traumatisme peut avoir sur les victimes d’un acte criminel si l’on veut trouver une réponse qui tient compte de ce traumatisme et qui ne l’aggrave pas involontairement. Les interactions axées sur les victimes font ressortir les préoccupations et les besoins précis de ces dernières, ce qui garantit que les services sont fournis sans jugement, avec compassion et sensibilité, de manière individualisée et en tenant compte des besoins de la personne. Les mesures qui tiennent compte du traumatisme subi obligent les partenaires du système de justice pénale à :
  • être conscients de l’impact du traumatisme subi sur les victimes;
  • répondre aux besoins des victimes sur le plan de la sécurité affective, physique et culturelle et instaurer un climat de confiance avec les groupes vulnérables;
  • aider les victimes à cerner leurs forces de façon à ce qu’elles développent leur capacité de résilience et renforcent ainsi leurs aptitudes de guérison à la suite de la violence qu’elles ont subie (c.-à-d., une approche axée sur les forces de la victime);
  • recourir à une approche multidisciplinaire qui comporte des mesures de collaboration et de communication avec les fournisseurs de services de la collectivité.
Le fait de recourir à une approche axée sur la victime, qui tient compte du traumatisme qu’elle a subi, qui est axée sur ses forces et qui est sécurisante du point de vue culturel, non seulement contribue à la guérison des victimes, mais leur permet également de prendre part au processus de justice pénaleNote de bas de page 105. L’absence d’uniformité sur le plan des services coordonnés offerts aux victimes et des interventions axées sur les traumatismes à l’égard des infractions sexuelles peut rendre difficile l’accès à la justice pour les victimes. Pour améliorer la situation sur ce plan, il faudra nouer de solides partenariats avec le secteur de la santé, tant au niveau des politiques qu’à celui de la prestation de services à l’échelon régional. Le secteur de la santé est chargé de la plupart des programmes de counseling et de santé mentale auxquels recourent les victimes d’agression sexuelle, et un accès immédiat et prolongé à ces services rehausse l’expérience des victimes tout au long du processus judiciaire.
RECOMMANDATION No 6 : Le Groupe de travail appuie les objectifs qui sous-tendent les modifications au projet de loi C-75 et qui visent à renforcer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale et à améliorer l’expérience vécue par les victimes, incluant celles d’agressions sexuelles, dans le système de justice pénale; il appuie aussi les modifications du projet de loi C-59 qui visent à faciliter le témoignage des personnes qui demandent des engagements de ne pas troubler l’ordre en précisant que le recours aux mesures d’aide au témoignage peut être ordonné en cours d’audience . RECOMMANDATION NO 7 : Le Groupe de travail recommande également d’envisager de promouvoir l’adoption de pratiques axées sur les traumatismes subis auprès des professionnels du système de justice pénale.

4.4.4 Les personnes les plus à risque de subir une agression sexuelle

L’agression sexuelle est un crime sexospécifique dont les victimes sont principalement des femmes (87 % selon l’ESG de 2014) et la grande majorité des auteurs des hommes (94 %)Note de bas de page 106. N’importe qui peut être victime d’une agression sexuelle, mais il ressort des travaux de recherche qu’il existe un certain nombre de facteurs et de caractéristiques de nature sociale qui peuvent exposer une personne à des risques accrus : être jeune, de sexe féminin, autochtone, célibataire, homosexuel ou bisexuel; avoir une mauvaise santé mentale; prendre part en soirée à plus d’activités à l’extérieur du foyer; avoir des antécédents d’itinérance; ou avoir été victime d’une agression au cours de l’enfanceNote de bas de page 107. Les personnes handicapées courent aussi plus de risques d’être sexuellement victimisées et sont encore moins susceptibles d’avoir des contacts fructueux au sein du système de justice pénaleNote de bas de page 108. Dans le cadre de l’ESG de 2014, les Canadiens ayant déclaré appartenir à un groupe d’une minorité visible étaient aussi susceptibles que ceux qui n’en faisaient pas partie de signaler qu’ils avaient été victimes d’une agression sexuelle; cependant, ils étaient moins susceptibles que les personnes ne faisant pas partie de minorités visibles de penser que la police était facile d’accès et traitait les gens de façon équitableNote de bas de page 109. Le Groupe de travail a appris, au moyen de preuves anecdotiques, que des groupes marginalisés, comme les minorités visibles et les Néo-Canadiens, pourraient être réticents à signaler une agression sexuelle en raison de leur manque de confiance dans le système et de leur expérience liée au racisme. À l’heure actuelle, il existe peu de recherches en sciences sociales qui documentent les expériences de racisme et de signalement d’agressions sexuelles. Le Groupe de travail reconnaît ce manque de données et le besoin d’études plus poussées de cette question au Canada.
Difficulté : Infraction précise d’exploitation sexuelle d’une personne ayant une déficience
Contrairement aux enfants, une victime adulte qui souffre d’une déficience intellectuelle n’est pas présumée, en droit, être dénuée de la capacité de consentir à une activité sexuelle. Cependant, suivant la nature et la gravité de la déficience intellectuelle, il est possible de soulever la question de la capacité à consentir. L’article 153.1 du Code criminel érige en infraction mixte l’exploitation sexuelle d’une personne ayant une déficience. Les dossiers relatifs à cet article entraînent des défis sur le plan de la preuve et du droit quant à la capacité à consentir de la victime, aux soignants dans une position de confiance et à la capacité de la victime de se rappeler et de témoigner. De plus, dans les cas où le procureur procède par mise en accusation, la peine maximale prévue à l’article 153.1 est de cinq ans, par opposition à la peine maximale de dix ans qui est prévue pour une agression sexuelleNote de bas de page 110. Par ailleurs, une demande de déclaration de délinquant dangereux n’est pas possible pour une infraction passible d’un emprisonnement maximal de moins de dix ans.
RECOMMANDATION No 8 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • faire passer la peine maximale sur acte d’accusation prévue à l’article 153.1 du Code criminel de cinq à dix ans, ce qui la ferait concorder avec celle qui s’applique à une agression sexuelle (article 271 du Code criminel) et permettrait aux procureurs du ministère public de présenter, le cas échéant, une demande de déclaration de délinquant dangereux;
  • ajouter l’exploitation sexuelle d’une personne ayant une déficience à la liste des infractions énumérées à l’alinéa 753.1(2)a) du Code criminel, de façon à ce que l’infraction puisse faire l’objet d’une demande de déclaration de délinquant à contrôler.
Difficulté : Les victimes autochtones et le système de justice pénale
Selon l’ESG de 2014, les Autochtones sont environ trois fois plus susceptibles d’être victimes d’agressions sexuelles que les personnes non-AutochtonesNote de bas de page 111. En outre, 22 % des jeunes femmes autochtones (15 à 24 ans), soit plus d’une sur cinq, ont déclaré dans l’ESG qu’elles avaient été victimes d’agression sexuelle lors des 12 derniers moisNote de bas de page 112. La proportion des personnes ayant subi des abus sexuels dans les territoires, où la population autochtone est importanteNote de bas de page 113, est élevée lorsque l’on compare à la situation qui prévaut dans le reste du paysNote de bas de page 114. Cela s’explique par une multitude de facteurs complexes qui vont au-delà de la portée du présent rapport; cependant, il est généralement reconnu que les taux élevés de violence dans de nombreuses collectivités autochtones sont liés aux séquelles de la colonisation et des politiques coloniales, notamment les pensionnatsNote de bas de page 115. L’ESG de 2014 indique que les Autochtones font moins confiance à la police que les allochtonesNote de bas de page 116. Cette méfiance constitue un obstacle important au signalement des actes criminels à la police ainsi que dans le contexte des rapports avec le système de justice pénale. Cet obstacle se rajoute aux défis auxquels les victimes de violences sexuelles doivent surmonter lorsqu’elles déclarent de tels actes criminels à la police Note de bas de page 117. L’annexe 5 contient un résumé d’un rapport plus détaillé au sujet des défis que doivent surmonter les Autochtones victimes d’agression sexuelle ainsi qu’un ensemble de pratiques prometteuses pour l’avenir.
RECOMMANDATION No 9 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • soutenir des initiatives intersectorielles de soutien des victimes, qui sont adaptées à la culture afin d’aider les victimes autochtones, des initiatives de services policiers dirigés par des Autochtones et tenant compte des traumatismes subis, ainsi que des processus de justice et de guérison communautaires dirigés par des Autochtones et situés en marge du système de justice pénale officiel;
  • fournir aux professionnels du système de justice pénale des informations ou des activités de formation sur les répercussions du colonialisme, des pensionnats indiens, des services de bien-être à l’enfance et du racisme systémique sur les peuples autochtones.

4.4.5 Les agressions sexuelles et la toxicomanie

L’ESG de 2014 renfermait des questions conçues pour établir des liens entre les expériences liées aux agressions sexuelles et la toxicomanie. Selon l’enquête, les personnes qui ont déclaré avoir consommé des substances – soit une consommation de droguesNote de bas de page 118 ou une consommation massive d’alcoolNote de bas de page 119 – au cours du mois précédent avaient connu un taux d’agressions sexuelles quatre fois plus élevé que chez les personnes qui n’avaient pas déclaré avoir consommé des substances (71E contre 17 pour 1 000 habitants)Note de bas de page 120. En outre, un peu plus de la moitié (54 %) des victimes d’agressions sexuelles sont d’avis que l’incident était relié à la consommation d’alcool ou de drogues par le délinquantNote de bas de page 121.
Difficulté : Drogue, alcool et agression sexuelle
L’intoxication, que ce soit par les drogues ou l’alcool, risque de miner la fiabilité des souvenirs de la victime et a donc une incidence sur le témoignage que la victime est en mesure de fournir – à l’entrevue policière et au procès – faisant ainsi en sorte que le crime est plus difficile à prouver. La consommation d’alcool ou de substances intoxicantes peut avoir pour effet que la victime risque davantage d’être prise pour cible par un agresseur qui souhaite éviter d’être reconnu. Les substances intoxicantes peuvent rehausser le degré de confiance et amoindrir la capacité de la victime de déceler une situation de danger. À l’instar de l’alcool, de nombreuses drogues facilitent les agressions sexuelles parce qu’il est plus facile de surmonter la résistance et d’amoindrir la capacité de la victime de relater en détail les faits qui sont survenus. Les victimes sous l’influence de drogues sont moins en mesure de déceler une menace et d’évaluer les options possibles quant à la manière de réagir ou de négocier verbalement leur sortie, s’immobiliser ou tenter de fuir. L’agresseur peut être vu par d’autres personnes comme quelqu’un qui aide une femme dont les facultés sont très affaiblies, alors qu’il s’assure en fait qu’elle se retrouve isolée. Les personnes agressées pendant qu’elles ont les facultés affaiblies éprouvent souvent un profond sentiment d’impuissance et l’atroce impression d’ignorer la gravité de ce qu’on leur a fait, et elles se demandent avec inquiétude si l’agression a été documentée sous une forme quelconqueNote de bas de page 122. Le témoignage d’un toxicologue peut être utile dans ces situations, surtout si l’on dispose d’une preuve médicolégale pour indiquer le degré d’intoxication de la victime. Dans le même ordre d’idées, les enquêteurs et les procureurs doivent savoir quel type de drogue a pu avoir été utilisé pour faciliter l’agression sexuelle afin de pouvoir poser les bonnes questions au sujet de l’ingestion de la substance et des symptômes que la victime peut avoir manifestés, ce qui permet de circonscrire la liste des drogues qui ont pu avoir été utiliséesNote de bas de page 123
RECOMMANDATION No 10 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit:
  • mettre au point et diffuser du matériel de formation et d’éducation au sujet du rôle que jouent la drogue et l’alcool dans le fait de commettre une agression sexuelle et d’en être victime;
  • sensibiliser davantage le public au rôle des drogues et de l'alcool dans la violence sexuelle.

4.4.6 Les agresseurs sexuels et leur relation avec la victime

Les agressions sexuelles sont le plus souvent commises par un homme jeune ou d’âge moyen, agissant seul et connu de la victime. Selon les données autodéclarées sur les agressions sexuelles, l’auteur de l’agression était un homme dans 94 % des cas, était plus souvent âgé de 18 à 34 ans (58 %), et agissait seul la plupart (79 %) du tempsNote de bas de page 124. Près de la moitié (56 %) des agressions sexuelles que des Canadiens ont eux-mêmes signalées à l’ESG sont survenues aux mains d’une personne que la victime connaissaitNote de bas de page 125. Cette proportion est nettement inférieure à celle relevée dans les incidents d’agression sexuelle signalés à la police, dont la majorité (81 %) était le fait d’un individu que la victime connaissaitNote de bas de page 126. Parmi les accusations d’agression sexuelle portées par la police, l’agresseur était généralement une simple connaissance (26 %), un membre de la famille autre qu’un époux (24 %) ou un partenaire intime (19 %)Note de bas de page 127. Ces données minent manifestement le mythe selon lequel les agressions sexuelles sont commises par des étrangers.

4.4.7 Les accusations portées par la police et la classification

Dans de nombreuses affaires d’agression sexuelle sur un adulte, le témoignage de la victime sera la seule preuve et, dans ce contexte, la police doit déterminer si cette preuve est suffisante pour satisfaire au critère applicable au dépôt d’accusations. Bien que les politiques en matière de mise en accusation varient au Canada, les accusations seront généralement déposées par les policiers dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions s’ils concluent qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Certaines provinces (la Colombie-Britannique, le Québec et le Nouveau-Brunswick) effectuent un filtrage pré-inculpation des dossiers, c’est-à-dire qu’avant de porter des accusations, la Couronne applique ses normes en matière d’inculpation. Dans ces trois provinces, une accusation est portée uniquement après avoir obtenu l’approbation de la Couronne. Toutes les autres provinces et tous les autres territoires effectuent une certaine forme de filtrage pré-inculpation après avoir reçu le rapport de la police, et utilisent le critère de la probabilité raisonnable de déclaration de culpabilité ou un libellé à cet effet. En ce qui a trait à la mise en accusation, des facteurs d’intérêt public sont également pris en considération.
Difficulté : La classification, par la police, des plaintes d’agression sexuelle « non fondées »
Un incident est classé comme non fondé si l’enquête de la police mène à la conclusion que l’infraction n’a pas eu lieu ou qu’il n’y a pas eu de tentative d’infraction, ce qui n’est pas la même chose que de conclure qu’une infraction a pu avoir été commise, mais que la preuve est insuffisante pour permettre de déposer des accusations. Statistique Canada ne publie pas de renseignement sur les incidents non fondés par l’entremise du Programme DUC depuis 2006. En février 2017, le Globe and Mail a commencé à publier une série d’articles intitulée « Unfounded series »Note de bas de page 128. Cette série a eu un impact marqué sur les services de police du Canada tout entier, amenant ainsi de nombreux organismes à passer en revue leurs politiques en matière de classification ainsi que leurs méthodes d’interrogatoire (voir le chapitre 4). En avril 2017, le Comité des informations et statistiques policières (CISP) de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) a recommandé que Statistique Canada reprenne la collecte, l’analyse et la diffusion de données sur les incidents non fondés, y compris en lien avec les agressions sexuellesNote de bas de page 129. Le CISP, coprésidé par un service de police et le Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ) de Statistique Canada, est chargé d’étudier les problèmes de comparabilité et de qualité des données pour le Programme DUCNote de bas de page 130, et il a de plus recommandé l’adoption d’une approche commune que suivraient les services de police pour la classification et le signalement des incidents non fondésNote de bas de page 131. À la suite de ces recommandations, Statistique Canada a annoncé qu’il fournira donc des normes et des lignes directrices aux services de police afin d’assurer le signalement uniformisé des incidents non fondés à la DUC. Statistique Canada travaille en collaboration avec l’ACCP, le CISP, d’autres services de police et des experts non policiers en vue d’établir une approche commune à l’égard de la classification et du signalement des incidents fondés et non fondés, ce qui inclut les agressions sexuelles, dans le cadre du Programme DUC. Un élément central des changements apportés au Programme est la nouvelle définition d’un incident fondé :
Un incident est « fondé » s’il est déterminé, après une enquête policière, que l’infraction signalée a bel et bien eu lieu ou a été l’objet d’une tentative (même si l’accusé/suspect pouvant être inculpé (ASI) est inconnu) ou si aucune preuve crédible ne confirme que l’incident signalé n’a pas eu lieu. Cela inclut les rapports produits par un tiers qui correspondent à ces critères.
En outre, de nouvelles catégories de classement des incidents fondés ont été ajoutées afin d’aider les services de police à procéder à un codage uniforme et à fournir de plus amples renseignements sur la raison pour laquelle un incident fondé peut être classé ou non. Statistique Canada a mis au point des activités de formation sur ces nouvelles classifications en collaboration avec les services de police, et ces activités ont eu lieu au début de 2018. De plus, une formation en ligne a été créée et offerte gratuitement à tous les services de police au printemps 2018. En juillet 2018, Statistique Canada a publié la première série de résultats sur les incidents non fondés en se fondant sur les données relatives aux crimes déclarés par la police en 2017, y compris les agressions sexuellesNote de bas de page 132. Dorénavant, ces nouvelles définitions et classifications, de pair avec la formation sur le codage offerte aux agents de police à travers le pays, donneront lieu à la collecte de données plus exactes concernant les résultats des enquêtes sur les agressions sexuelles.

4.4.8 L’attrition des affaires d’agression sexuelle au sein du système de justice pénale

Comme il a été mentionné dans l’introduction, la plupart des agressions sexuelles ne sont pas signalées à la police et, même quand elles le sont, elles n’aboutissent pas souvent à une déclaration de culpabilité au criminel. Une étude spéciale sur les dossiers policiers et judiciaires d’agressions sexuelles qui ont été corroborées comme un crime par la police entre les années 2009 et 2014 a conclu que seule la moitié (49 %) des accusations d’agression sexuelle, portées ou recommandées par la police, ont été traitées par les tribunaux (qu’elles aient été retirées, rejetées, aient donné lieu à un verdict de culpabilité ou à un acquittement, etc.), au cours de la période d’étude de six ansNote de bas de page 133. Parmi les affaires qui ont été traitées par les tribunaux, un peu plus de la moitié (55 %) ont abouti à une déclaration de culpabilitéNote de bas de page 134. Il existe un certain nombre de raisons de nature procédurale et méthodologique pour lesquelles une affaire d’agression sexuelle ayant fait l’objet d’une accusation par la police peut ne pas avoir été rattachée aux données sur les affaires réglées. Les données du Québec et de l’Île-du-Prince-Édouard étaient exclues de cette étude.
Difficulté : Comprendre ce qui cause les taux d’attrition postérieurs à une accusation
Les données disponibles pour la présente étude ne permettaient pas de comprendre les raisons pour lesquelles 51 % des accusations d’agression sexuelle portées par la police n’étaient pas reliées à une affaire réglée, ces données visaient seulement à examiner le lien statistique entre les dossiers de la police et ceux des tribunaux à la fois pour les incidents d’agression sexuelle et les agressions physiques. Il est à signaler que le taux d’attrition à partir du dépôt de l’accusation par la police jusqu’à la conclusion de l’affaire pour les agressions sexuelles (51 %) est le double de celui pour les agressions physiques (25 %). Il faut procéder à des recherches plus poussées sur ce type ces dossiers pour mieux comprendre l’attrition des cas d’agression sexuelle dans le système de justice pénale. À partir de maintenant, les services de police utiliseront de nouvelles catégories d’autorisation qui contribueront à déterminer le nombre d’incidents recommandés au procureur, mais qui ont par la suite été refusés.
RECOMMANDATION No 11 : Le Groupe de travail recommande d’envisager de procéder à d’autres études comparatives sur les résultats du système de justice à l’égard des agressions sexuelles et physiques au cours des années à venir aux fins suivantes :
  • acquérir une connaissance plus profonde des raisons pour lesquelles certaines agressions sexuelles sont jugéesincidents criminels par la police, mais ne font pas l’objet d’inculpation, à la suite de la mise en œuvre des nouvelles pratiques de codage de la police;
  • examiner les raisons pour lesquelles les agressions sexuelles n’ont pas donné lieu à une décision du tribunal en procédant à des études qualitatives d’un échantillon de dossiers d’agressions sexuelles.

4.4.9 Les endroits où les agressions sexuelles ont lieu

Les agressions sexuelles sont habituellement plus fréquentes dans les régions rurales et dans les Territoires. Entre 2009 et 2014, le taux d’agressions sexuelles signalées par la police a été plus élevé en dehors des grandes villes qu’à l’intérieur des régions métropolitaines de recensementNote de bas de page 135 (83 contre 53,1 incidents pour 100 000 habitants). Les taux d’agression sexuelle étaient les plus élevés au Nunavut (567,4), suivis des Territoires du Nord-Ouest (404,3) et du Yukon (204,8). Ces conclusions peuvent être en partie attribuables aux taux d’agression sexuelle plus élevés que l’on relève chez les Autochtones,Note de bas de page 136qui composent une grande partie de la population du NordNote de bas de page 137. En ce qui concerne les agressions sexuelles signalées à la police entre 2009 et 2014, près de deux incidents sur trois (62 %) ont eu lieu dans un lieu privéNote de bas de page 138. Cela inclut une maison unifamiliale (41 %), un appartement ou un bâtiment privé (21 %). Cependant, un incident survenu dans un lieu privé ne veut pas dire que la victime et l’agresseur étaient seulsNote de bas de page 139. Plus d’agressions sexuelles que d’agressions physiques sont survenues dans un lieu privé (62 % contre 56 %). À l’inverse, les agressions physiques étaient plus susceptibles d’avoir lieu dans des aires ouvertes que les agressions sexuelles (22 % contre 16 %)Note de bas de page 140.
Difficulté : Des obstacles géographiques et logistiques aux signalements
Dans les collectivités rurales et éloignées, le signalement d’agression sexuelle peut s’avérer particulièrement difficile. Dans certaines de ces collectivités, il n’y a pas de détachement de police sur les lieux; pour signaler un incident, une victime doit se rendre dans une collectivité différente. Dans les collectivités dotées d’un détachement de police, ce dernier n’est peut-être formé que d’un ou deux agents, qui sont peut-être des membres de la collectivité. Dans ces circonstances, la protection de la vie privée et la sécurité des victimes sont deux aspects préoccupants, surtout si l’accusé est un membre de la collectivité et, plus encore, s’il occupe un rang élevé ou une position d’autorité au sein de la collectivité. Outre ces préoccupations, les collectivités de petite taille, éloignées ou nordiques ne bénéficient peut-être pas de services destinés aux victimes d’agression sexuelle, ce qui peut avoir une incidence sur le signalement de l’agression à la police ou non. Les organismes de services aux victimes, comme les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle ou les centres pour femmes, offrent un soutien aux victimes d’agression sexuelle ainsi que des informations sur les options dont elles disposent à la suite d’une agression. Un manque de services de cette nature empêche aussi les victimes de demander de l’aide.

4.4.10    La gravité des agressions sexuelles : classification juridique, armes et lésions corporelles de la victime

La quasi-totalité (98 %) des incidents d’agression sexuelle signalés par la police entre 2009 et 2014 a été classée comme des infractions de niveau 1Note de bas de page 141, ce qui représente le moins grave des trois niveaux d’agression sexuelle et qui, de façon générale, met en cause des violations de nature sexuelle sans arme ou sans preuve de lésion corporelleNote de bas de page 142. La plupart des agressions sexuelles ne comportent pas l’emploi d’une arme, à part la force physique exercée par l’agresseur. Près de neuf agressions sexuelles non signalées sur dix (86 %) n’étaient pas arméesNote de bas de page 143, et presque tous les incidents d’agression sexuelle signalés par la police (96 %) ne l’étaient pas non plusNote de bas de page 144. Contrairement aux agressions physiques, la plupart des agressions sexuelles ne causent pas de lésions corporelles à la victime. Selon l’ESG de 2014, la plupart des victimes (93 %) n’ont pas subi de lésions corporelles lors de l’agression sexuelle. Cependant, une agression sexuelle peut être une violation profonde de l’intégrité physique et affective de la victime et peut comporter des effets psychologiques durables, dont des actes autodestructeurs et le suicideNote de bas de page 145.

4.4.11    Les délais de signalement d’une agression sexuelle

De nombreuses agressions sexuelles ne sont pas signalées aussitôt après l’incidentNote de bas de page 146. La question a été récemment analysée en détail par le CCSJ, au moyen de données de services de police sur le temps mis à signaler le crime à la policeNote de bas de page 147. Selon l’étude, la grande majorité des agressions physiques (88 %) avaient été signalées à la police le même jour où le crime avait eu lieu, mais seule la moitié des agressions sexuelles (52 %) l’avaient été. Sur les crimes non signalés le même jour, le délai médian à le signaler à la police était douze fois plus long dans le cas d’une agression sexuelle que dans celui d’une agression physique. Dans les cas où l’agression sexuelle était signalée tardivement, il y avait plus souvent d’informations manquantes ou inconnues dans les dossiers de la police, comparativement aux cas qui avaient été signalés le même jour, ce qui confirme que l’on dispose de moins d’éléments de preuve et de renseignements sur le crime commis plus le temps s’écoule. Des victimes peuvent attendre des mois, voire des années, avant de faire un signalement, en raison de facteurs tels que la honte, le traumatisme ou la crainte de représailles. La dénonciation tardive d’une agression sexuelle signifie souvent que les éléments de preuve matériels sont minimes ou qu’il n’en existe plus. Après des années au cours desquelles les tribunaux canadiens ont entendu des témoignages d’expert dans des affaires de violence conjugale et de sévices infligés à des enfants, la CSC a reconnu qu’une dénonciation reportée et graduelle est un comportement fréquent et, de ce fait, elle a conçu un modèle de directive au jury sur la questionNote de bas de page 148.
Difficulté : Les délais à signaler une agression
RECOMMANDATION No 12 : Le Groupe de travail appuie l’objectif de la modification au projet de loi C-75 qui vise à faire passer de 6 à 12 mois le délai de prescription pour les infractions punissables par procédure sommaire.
Bien qu’un signalement tardif influe considérablement sur l’enquête – à savoir, la disponibilité des preuves et la localisation des témoins – il peut également entraver l’efficacité des poursuites. L’agression sexuelle est une infraction hybride, ce qui signifie qu’on peut procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par voie de mise en accusation, selon la gravité de l’infraction et la peine potentielle demandée. Si la Couronne souhaite procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité pour une infraction donnée (soit uniquement les agressions sexuelles les plus mineures, comme un attouchement sexuel par-dessus les vêtements), elle doit intenter des poursuites dans un délai de six mois suivant l’infraction. Autrement, en l’absence d’un consentement par l’accusé, la Couronne doit procéder par voie de mise en accusation, ce qui peut rallonger considérablement la procédure compte tenu du droit de l’accusé à une enquête préliminaire dans les affaires procédant par mise en accusation (sauf si les prescriptions relatives aux enquêtes préliminaires prévues dans le projet de loi C-75 entrent en vigueur), et donner lieu à une procédure plus formelle, y compris un procès devant jury. La prolongation du délai de prescription pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire permettrait de procéder par voie sommaire dans un plus grand nombre de cas où le signalement est tardif.Note de bas de page 149.

4.4.12    Les expériences des victimes au procès

Les victimes qui ont affaire au système de justice pénale, des études démontrent qu’un grand nombre d’entre elles disent que le processus est long et arduNote de bas de page 150. De nombreuses victimes indiquent que leur préoccupation première est la crainte de témoigner et le fait de ne pas être cruesNote de bas de page 151. De plus, elles expriment souvent leur frustration face à l’iniquité perçue quant à la manière dont on traite la victime, comparativement à l’accusé. Des études révèlent que quelques victimes d’agression sexuelle ont le sentiment que l’accusé n’est pas puni, ou que toute peine imposée ne reflète pas la gravité du crime commis, vu les effets dévastateurs de la violence sexuelle sur les victimesNote de bas de page 152. Un grand nombre de ces frustrations sont vécues par des victimes d’une variété de crimes; cependant, la nature personnelle d’une agression sexuelle et la possibilité d’influence pernicieuse de mythes concernant le viol peuvent ajouter des défis additionnels pour les victimes d’agression sexuelle.
Difficulté : Des témoignages et des contre-interrogatoires répétés
Bon nombre des raisons qui expliquent les taux d’attrition au stade des poursuites sont semblables aux difficultés que l’on rencontre au stade de l’enquête. Cependant, pour les victimes, s’y ajoutent des difficultés qui sont propres au processus judiciaire accusatoireNote de bas de page 153. Pour de nombreuses victimes d’agression sexuelle, il est extrêmement difficile de témoigner et d’être contre interrogées au cours d’un procès public, et cela peut mener à une revictimisation parce qu’elles sont contraintes, lors du procès, de revivre ce qu’elles ont vécu, et souvent de manière répétée. Bien que le contre-interrogatoire soit un élément essentiel du système accusatoire et qu’il vise à garantir le droit de l’accusé à un procès équitable, le fait d’avoir à témoigner une première fois à l’enquête préliminaire et une fois de plus au procès, parfois plusieurs années après le moment où l’infraction a eu lieu, se révèle particulièrement difficile pour les victimes d’agression sexuelle. Une enquête préliminaire sera exigée si le procureur procède par voie de mise en accusation dans l’affaire d’agression sexuelle et si l’accusé opte pour une enquête préliminaire et que le procès a lieu plus tard. Dans la plupart des enquêtes préliminaires portant sur une affaire d’agression sexuelle, les victimes sont contreinterrogées pendant de longues périodes par les avocats de la défense pour vérifier leur fiabilité et crédibilité. Il est très difficile pour les victimes de subir un contre-interrogatoire une seconde fois au procès et d’être contreinterrogées en plus sur la transcription de leur témoignage à l’enquête préliminaire.
RECOMMANDATION No 13 : Le Groupe de travail appuie l’effet des modifications du projet de loi C-75 qui restreindraient le recours aux enquêtes préliminaires dans les cas d’agression sexuelle.
Difficulté : La détermination de la peine et les ordonnances accessoires obligatoires
Les sondages menés auprès des victimes indiquent aussi qu’un règlement rapide et une reconnaissance de la responsabilité de l’accusé sont l’un des principaux résultats qu’elles recherchent. Les données citées plus tôt montrent que les affaires d’agression sexuelle donnent rarement lieu à un plaidoyer de culpabilité, mais l’on croit largement que les négociations de plaidoyer sont un instrument utile pour rehausser l’efficacité judiciaire, susciter la responsabilisation des délinquants, notamment par la reconnaissance du tort causé, et entreprendre leur réinsertion sociale. Puisque les conséquences d’une déclaration de culpabilité pour agression sexuelle sont importantes – notamment les peines minimales obligatoires que l’on impose pour certaines infractions d’agression sexuelle, l’enregistrement obligatoire du délinquant dans le Registre des délinquants sexuels et la stigmatisation publique liée à une déclaration de culpabilité – l’accusé pourrait être plus enclin à exercer son droit à un procès. Le pouvoir discrétionnaire qu’a la poursuite de solliciter une ordonnance en vertu de la LERDS et le pouvoir discrétionnaire qu’a le juge de refuser de rendre cette ordonnance dans certaines circonstances ont été supprimés en 2011Note de bas de page 154. Une absence complète de pouvoirs discrétionnaires, même à l’égard des personnes qui commettent pour la première fois une infraction mineure et qui sont repentantes, peut poser des difficultés pour ce qui est du règlement rapide de certaines infractions et, selon certains universitaires, cette absence n’est peut-être pas justifiée vu que les taux de récidive des délinquants sexuels ne sont pas différents de ceux qui s’appliquent aux auteurs d’autres crimes violentsNote de bas de page 155. De plus, aucune peine communautaire ne peut être prononcée dans une poursuite en matière d’agression sexuelle engagée en vertu de l’article 271 par voie de mise en accusation ou si l’infraction reprochée est assortie d’une peine minimale obligatoire (art. 742.1). Or, dans certains cas, des spécialistes soulignent qu’une peine communautaire peut être appropriée (p. ex., pour un délinquant sans antécédents criminels, un Autochtone ou un délinquant par ailleurs marginalisé et vulnérable pour lequel des services communautaires/sociaux seraient peut-être plus avantageux qu’une peine d’incarcération)Note de bas de page 156.

4.4.13    Autres intervenants

Certaines victimes ont dit souhaiter que l’on dispose d’interventions non criminelles ou alternatives aux accusations criminelles.Note de bas de page 157. Même si on estime que seulement 5 % des victimes d’agression sexuelle au Canada signalent le crime à la police, les résultats de l’ESG de 2014 indiquent que jusqu’à 25 % des victimes d’agression sexuelle s’intéressent à la justice réparatrice et que ce pourcentage augmente vraisemblablement à mesure que le temps s’écoule après le moment où l’infraction a eu lieuNote de bas de page 158. Le recours à la justice réparatrice dans les affaires d’agression sexuelle contre des adultes est examiné plus en détail au chapitre 5.

Chapitre 5 : Des pratiques prometteuses ou émergentes

Le Groupe de travail a examiné diverses réponses du système de justice pénale aux agressions sexuelles sur des adultes, tant au Canada que dans d’autres pays de la common law. Les mesures mises en relief dans le présent chapitre permettent d’illustrer le large éventail de pratiques prometteuses et émergentes que certaines administrations canadiennes appliquent déjà ou qu’elles pourraient envisager d’appliquer. Bien que le Canada ait des traditions juridiques qui tirent leurs origines du droit civil français, de la common law anglaise et, de plus en plus, de traditions juridiques autochtones, le système de justice pénale canadien est fondé sur la tradition de la common law et il est de nature accusatoire (par opposition au système de justice pénale inquisitoire qui a cours dans de nombreux pays européens de tradition civile). C’est la raison pour laquelle le Groupe de travail s’est concentré sur les pratiques prometteuses et émergentes d’autres pays de la common law de façon à pouvoir relever celles qui pourraient être pertinentes.
Définition des pratiques prometteuses ou émergentes Selon le Groupe de travail, une pratique est « prometteuse » lorsque la pratique en question atteint efficacement les buts et les objectifs de l’activité, du programme ou de la politique. Ces indications s’obtiennent habituellement au moyen d’une évaluation qui révèle la pratique prometteuse pour d’autres entités qui envisagent adopter une approche semblable. Le Groupe de travail a également relevé de nombreuses pratiques qui n’ont pas encore été évaluées, mais qui sont néanmoins innovatrices et prometteuses, du fait de leur approche nouvelle. Vu le manque de preuves sur l’efficacité de ces pratiques plus récentes, le Groupe de travail les qualifie de « pratiques émergentes » dignes de faire l’objet de recherches et d’études plus approfondies. Le Groupe de travail n’a pas fait de recherches primaires, mais il s’est concentré sur les résultats d’évaluations et d’études existantes axées sur le point de vue des victimes.
Les pratiques prometteuses ou émergentes dont il est question dans le présent chapitre sont regroupées en cinq catégories : 1) les stratégies horizontales et les campagnes de sensibilisation du public; 2) les interventions multisectorielles, axées sur les victimes et tenant compte des traumatismes subis; 3) les pratiques destinées à améliorer les signalements et les enquêtes; 4) les pratiques destinées à améliorer les poursuites; et 5) les approches différentes.

5.1 Les stratégies horizontales et les campagnes de sensibilisation du public

Toutes les provinces et tous les territoires disposent de stratégies ou de plans d’action axés sur la violence, la violence familiale ou la violence envers les femmes et dans le cadre desquels on traite de la violence sexuelle, mais un certain nombre de provinces ont mis au point des stratégies qui visent expressément les infractions sexuelles. Les campagnes de sensibilisation du public font souvent partie d’une stratégie gouvernementale de plus grande envergure, mais il arrive aussi qu’elles soient lancées par des organismes communautaires.

5.1.1.     Les stratégies ou les plans d’action axés expressément sur les agressions sexuelles

Un certain nombre de provinces et de territoires disposent de stratégies ou de plans d’action expressément axés sur la violence sexuelle, et au moins deux provinces ont des ressources qui sont affectées à ces initiatives. Par exemple, l’Ontario a établi en 2015 un plan d’action intitulé Ce n’est jamais acceptable : Plan d’action pour mettre fin à la violence et au harcèlement sexuel, une initiative à plusieurs volets du gouvernement ontarien qui bénéficie d’un investissement de 41 millions de dollars sur trois ans. De la même façon, au Québec, la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021 met de l’avant cinquante-cinq mesures concrètes auxquelles prennent part douze ministères et organismes provinciaux et bénéficie d’un investissement de 200 millions de dollars sur cinq ans, y compris une somme de 44 millions de dollars qui servira à mettre en application les cinquante-cinq nouveaux engagements énoncés dans la stratégie. De plus, il s’agit pour le Québec du troisième plan d’action contre la violence sexuelle. Le plan d’action de 2008-2013 a été l’objet d’un rapport publié en 2014, qui comporte des détails sur la mise en œuvre de chacune des mesures du plan d’action, dont les investissements exacts qui ont été faits et les résultats d’objectifs mesurables. Il s’agit là d’un exemple de pratique prometteuse qui démontre la transparence et la responsabilisation. Cette initiative a aussi servi de base pour la stratégie suivante. En outre, le Québec possède une Stratégie d’intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur pour 2017 à 2022.

5.1.2 Les campagnes de sensibilisation du public

Il existe au Canada, une foule d’exemples de pratiques prometteuses en lien avec des mesures d’intervention directe et de sensibilisation du public. Bien qu’un grand nombre d’entre elles ne soient pas directement liées au système de justice pénale, elles peuvent jouer un rôle crucial en attirant l’attention sur ce qui constitue un comportement criminel et sur ce que les victimes peuvent faire en cas de victimisation sexuelle. Un certain nombre de campagnes ont été par la suite adoptées par d’autres provinces ou territoires au pays. Par exemple, la campagne Sois pas ce gars-là, qui précisait qu’une relation sexuelle sans consentement est une agression sexuelle et qui a été lancée par Prévention du crime Ottawa, a été adoptée à Vancouver et, d’après la Police de Vancouver, elle a contribué à réduire de 10 % le nombre des agressions sexuelles commises en 2011Note de bas de page 159. De même, la campagne #ibelieveyou menée en 2015 en Alberta a été associée à une augmentation marquée (entre 13 à 23 %) des taux de signalement à la police et aux équipes d’intervention en cas d’agression sexuelle à Edmonton et à CalgaryNote de bas de page 160, et à un accroissement de 53 % des clients en matière de counselling, aiguillés vers les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelleNote de bas de page 161. La campagne a suscité un important appui sur les campus postsecondaires en Alberta. Dans un même ordre d’idées, la Saskatchewan a adapté la campagne sur les médias sociaux lancée par l’Ontario en 2015 : Qui aiderez-vous?, laquelle présente des vidéos qui décrivent des situations dans lesquelles de jeunes femmes vulnérables et aux capacités affaiblies sont ciblées dans des endroits publicsNote de bas de page 162. Au début de 2018, le service de police de Toronto a mis sur pied un site Web interactif YourChoice.TO qui aide les survivants d’agression sexuelle à se retrouver dans le système de justice pénale.

5.1.3 Résumé

Les stratégies ou les plans d’action expressément axés sur les agressions sexuelles ont l’avantage de démontrer l’engagement politique à lutter contre le fléau omniprésent des agressions sexuelles. Ces stratégies et ces plans peuvent aussi aider à structurer la réponse du système de justice pénale aux agressions sexuelles dans un contexte plus général et de favoriser la prise d’un large éventail de mesures, allant de programmes de prévention primaire à des programmes d’intervention et de traitement. Un grand nombre des pratiques prometteuses ou émergentes qui sont présentées dans les sous-sections qui suivent font partie de stratégies et de plans d’action.
RECOMMANDATION No 14 : Le Groupe de travail recommande d’envisager la création et la diffusion de documents de sensibilisation, d’information et de vulgarisation juridique accessibles et juridiquement exacts sur les agressions sexuelles et le consentement.

5.2 Les interventions multisectorielles, axées sur les victimes et tenant compte des traumatismes subis

Un certain nombre d’administrations canadiennes ont établi des mesures d’intervention concertées et multisectorielles à l’intention des victimes d’agression sexuelle (ces interventions sont également qualifiées d’interventions multi-organismes ou multidisciplinaires). Un grand nombre d’entre elles comportent des protocoles interorganismes qui facilitent le renvoi des victimes vers d’autres services et certaines adoptent un modèle intégréNote de bas de page 163 dans le cadre duquel les victimes peuvent se présenter à un endroit principal en vue de bénéficier d’un éventail d’interventions sur le plan des systèmes de santé, des services sociaux et de justice pénale. Un exemple de cette pratique émergente est le Sexual Assault Response Committee de l’Île-du-Prince-Édouard, qui est formé de représentants des deux grands services d’urgence hospitaliers de la province, de tous les corps de police de la province, dont la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), le bureau de la Couronne, ainsi que d’autres organismes gouvernementaux et communautaires servant les victimes.

5.2.1. Centres de soins Thuthuzela – Afrique du Sud

L’Afrique du Sud a recours à un système de centres d’intervention appelés « Thuthuzela care centers » [Centre de soins Thuthuzela (CST)], qui sont implantés dans des hôpitaux et dotés de professionnels de la médecine, de travailleurs sociaux et d’agents de police spécialisés. Des agents d’aide aux victimes sont également disponibles pour expliquer les procédures, ainsi que pour aider les victimes à passer des examens médicaux et à faire un signalement à la police. Les CST pourraient être qualifiés de modèles intégrés fournissant un certain nombre de services aux victimes de violence sexuelle, dont des services de counseling immédiats et de courte durée, des services infirmiers permettant d’organiser les mesures de suivi et d’orienter les victimes vers des services de counseling de longue durée, des services de transport permettant de retirer les victimes d’un milieu dangereux, ainsi que des espaces sûrs pour les enfants et les victimes. En plus des rencontres avec les agents d’aide aux victimes, des rencontres sont également organisées par l’entremise des CST avec des procureurs, des agents de police et des enquêteurs. Ces centres sont régis par la National Prosecuting Authority’s Sexual Offences and Community Affairs Unit de l’Afrique du Sud, mais ils sont fondés sur un modèle de partenariat auquel participent des fournisseurs de services communautaires ainsi que les services gouvernementaux concernés. Les CST sont également liés de près au système sud-africain des tribunaux spécialisés en infractions sexuelles, dont il est question ci-après. Il existe au Canada des modèles intégrés semblables, sous la forme de centres d’appui aux enfants, mais ils ne fournissent pas de services aux adultes victimes d’une agression sexuelle.

5.2.2. Le personnel infirmier examinateur de victimes d’agression sexuelle (PIEVAS)

Le personnel infirmier examinateur de victimes d’agression sexuelle (PIEVAS) fournit des services d’intervention d’urgence aux victimes d’agression sexuelle. Avec l’accord de la victime, le PIEVAS fournit des soins médicaux, médicolégaux et affectifs ainsi que des soins de suivi appropriés. Leurs services sont administrés soit par un organisme communautaire, soit par un centre hospitalier, et ils sont fournis en partenariat avec les services d’urgence hospitaliers locaux et d’autres centres de santé communautaires. Les programmes du PIEVAS sont des modèles de soins qui sont axés sur la clientèle et qui tiennent compte des traumatismes subis, et dans le cadre desquels la victime guide tous les aspects des soins dont elle bénéficie. Les services en question peuvent comprendre des mesures de soutien et des interventions en situation de crise, une discussion au sujet des options médicales, juridiques et complémentaires, une évaluation physique, le choix d’un examen médicolégal, ainsi que des renseignements sur les ressources communautaires et les liens menant à ces dernières. Des mesures de soutien complémentaires peuvent être disponibles et le PIEVAS peut aller témoigner devant le tribunal si l’affaire se rend jusqu’à ce stade. De nombreuses études soulignent l’effet positif du PIEVAS pour faire le lien entre les soins de santé et les mesures d’intervention juridique ainsi que pour améliorer les expériences des victimes lorsqu’elles cherchent de l’aide à la suite d’une agressionNote de bas de page 164. À l’heure actuelle, des services du PIEVAS sont offerts à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Le programme de la Nouvelle-Écosse comporte deux équipes de PIEVAS disponibles sur appel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tandis que les services ontariens sont offerts sous l’égide de trente-cinq centres hospitaliers de traitement des agressions sexuelles et de la violence conjugale et sont liés au « modèle de poursuites amélioré » qui recourt à des consultations interdisciplinaires entre les services de poursuites et du PIEVAS, les mesures d’aide aux victimes et aux témoins, les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle et d’autres ressources publiques. En Nouvelle-Écosse, le programme du PIEVAS est considéré en particulier comme une pratique prometteuse. Ce programme est de nature communautaire, et il s’agit d’un modèle de prestation de services qui a été évalué comme un mécanisme efficace pour fournir des services, et qui est indépendant des grandes institutions : sa souplesse permet d’assurer une coordination efficace et de répondre rapidement et efficacement aux problèmes. Étant ancré dans la collectivité, ce programme est en mesure d’offrir des séances éducatives à des groupes médicaux, du personnel hospitalier, des services de police et des groupes communautairesNote de bas de page 165.

5.2.3 Les équipes interorganismes (équipes d’intervention en cas d’agression sexuelle (EIAS))

Le modèle de l’équipe d’intervention en cas d’agression sexuelle (EIAS) a habituellement pour tâche de coordonner les interventions immédiates des organismes d’exécution de la loi, des organismes de défense ou de services aux victimes ainsi que des fournisseurs de soins de santé à la suite d’un signalement d’agression sexuelle. Les modèles existants d’interventions transsectorielles, coordonnées, tenant compte du traumatisme subi et axées sur la victime d’une agression sexuelle, comme les SART (Sexual Assault Response Teams) aux États-Unis et les SARC (Sexual Assault Referral Centres) au Royaume-Uni, sont considérés comme des pratiques prometteuses, voire exemplairesNote de bas de page 166. Les EIAS ont pour mission d’améliorer les mesures d’intervention communautaire destinées aux victimes d’agression sexuelle ainsi que le traitement des affaires d’agression sexuelle au sein du système de justice pénale en intervenant de manière transsectorielle et coordonnée contre la violence sexuelle, en atténuant les traumatismes subis par les victimes, en améliorant les taux de signalement et en rehaussant la collecte d’éléments de preuve et la collaboration des victimes. Un certain nombre d’administrations canadiennes ont établi des EIAS, comme les équipes du Victoria Sexual Assault Centre et du Kelowna General Hospital en Colombie-Britannique, les équipes établies à Halifax (Nouvelle-Écosse), dans la région de Waterloo en Ontario, à Fredericton et Saint John (Nouveau-Brunswick). Il y a aussi en Colombie-Britannique, la Women’s Centre’s Surrey Mobile Assault Response Team (SMART), qui fournit des services en cas de crise vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en partenariat avec le Surrey Memorial Hospital, et ce, au téléphone et en personne. Cette équipe fournit un éventail de services, dont une aide sur le plan de la planification des mesures de sécurité, d’accompagnement à l’hôpital et d’intervention directe, comme une aide pour avoir accès à un logement, une aide sur le plan du revenu, de même qu’une aide juridique. Il s’agit du seul programme d’intervention mobile en cas d’agression sexuelle du genre au Canada, et il recoupe plusieurs limites territoriales policières et bénéficie du soutien de plusieurs hôpitaux et organismes non gouvernementaux (ONG) dans un vaste secteur géographique. En Alberta, quatre villes disposent d’équipes d’intervention en cas d’agression sexuelle, et l’Alberta Association of Sexual Assault Services (AASAS) a récemment créé des équipes dans cinq communautés rurales de l’Alberta. L’objectif est d’uniformiser les interventions de crise coordonnées qui sont effectuées à la suite d’une agression sexuelle récente. Chaque EIAS a un aspect légèrement différent, mais les principaux partenaires sont habituellement semblables (services de santé, services de police, services d’aide aux victimes, services de counseling et centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle).

5.2.4. Les services tenant compte des traumatismes que subissent les victimes

Bien que toutes les provinces et tous les territoires offrent des services d’aide aux victimes d’agression sexuelle, chaque administration a établi son propre modèle de prestation de services aux victimes, conformément à la législation applicable. Il existe habituellement quatre types de modèles de prestation de services : les modèles de services rattachés aux tribunaux, aux services de police, à la collectivité, ainsi que les modèles de services rattachés à un système. Les services rattachés aux tribunaux sont offerts aux victimes pendant qu’elles prennent part à une instance criminelle, tandis que les services rattachés aux services de police et à la collectivité fournissent des services de soutien, d’information, de renvoi et d’assistance aux victimes d’un acte criminel, et ce, par l’intermédiaire des détachements de police et des organismes communautaires applicables, dont on retient les services par contrat en vue de fournir ces services. Les services rattachés à un système sont assurés directement par le gouvernement provincial et ils englobent un éventail de services qui sont fournis depuis le moment où l’infraction a été commise jusqu’à la conclusion des procédures judiciaires, et même après. Si certaines administrations suivent un modèle particulier de prestation de services, d’autres recourent à une combinaison de modèlesNote de bas de page 167. Outre les services aux victimes, il existe dans toutes les provinces des centres communautaires d’intervention en cas de viol ou d’agression sexuelle. Ces services peuvent être liés au système de justice pénale, comme dans le cas de l’AASAS dont il a été question plus tôt. Dans l’ offre de services aux victimes d’agression sexuelle, le Québec a adopté une pratique prometteuse en finançant des organismes œuvrant auprès des victimes d’agression sexuelle, dont les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), la ligne téléphonique bilingue gratuite de soutien, d’aide et d’orientation destinée aux victimes d’agression sexuelle, qui est accessible dans toute la province, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Les victimes peuvent aussi être orientées vers les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), lesquels offrent des services de première ligne gratuits et confidentiels à toutes les victimes d’actes criminels, à leur famille immédiate, ainsi qu’aux personnes qui ont été témoins d’un crime. Ces services comprennent des services d’accompagnement (comme un soutien lors de procédures judiciaires), des informations sur les droits des victimes et les recours disponibles, une assistance technique en vue d’exercer certains de ces droits (comme remplir un formulaire de déclaration de la victime ou présenter une demande d’indemnisation ou de dédommagement), des services d’intervention post-traumatiques et psychosociaux, ainsi que des renvois vers des services spécialisés. Ces services professionnels sont offerts dans les dix-sept régions du Québec, en français, en anglais et dans plusieurs autres langues, dont des langues autochtones telles que l’inuktitut, le cri, l’innu et l’atikamekw. Il convient de signaler que ces services sont offerts dans 167 points de service, ce qui inclut tous les palais de justice de la province. Chaque CAVAC établit un rapport annuel, qui peut inclure les résultats d’évaluation de sondages menés auprès de la clientèle.

5.2.5. Résumé

Certaines difficultés que présente la collaboration multisectorielle incluent les obstacles à l’échange de renseignements (en raison des lois relatives à la protection des renseignements personnels et de préoccupations concernant la divulgation), les différents mandats des organismes en cause, ainsi que le manque de financement durableNote de bas de page 168. Cependant, compte tenu des protocoles d’échange de renseignements requis, des activités de formation conjointes sur les approches tenant compte des traumatismes subis ainsi que sur les dispositions législatives applicables, de même que du respect mutuel à l’égard du mandat de chaque organisme, ces modèles collaboratifs offrent la possibilité d’améliorer l’accès à la justice pour les adultes victimes d’une agression sexuelleNote de bas de page 169.
RECOMMANDATION No 15 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • examiner des moyens de renforcer la capacité de recruter davantage de personnel infirmier examinateur de victimes d’agression sexuelle (PIEVAS), y compris au moyen d’activités de formation;
  • étudier l’établissement, à l’intention des victimes d’agression sexuelle, de services multidisciplinaires spécialisés qui allégeraient le fardeau imposé aux victimes lorsqu’elles signalent une agression sexuelle, en faisant en sorte que les fournisseurs de services aux victimes, les services de police et les PIEVAS travaillent de concert au sein d’équipes réelles ou virtuelles. Cela pourrait se faire au moyen de services dits « enveloppants », de modèles intégrés ou de protocoles interorganismes, ce qui faciliterait les renvois et réduirait le nombre de fois où une victime doit raconter son histoire.

5.3 Les pratiques destinées à accroître les signalements et à améliorer les enquêtes

Un grand nombre des mesures d’intervention qui ont été mentionnées précédemment sont conçues de façon à encourager le signalement des agressions sexuelles, et les mesures d’intervention multidisciplinaires sont également conçues pour rehausser la qualité des enquêtes; toutefois, le Groupe de travail a aussi relevé un certain nombre de pratiques rattachées aux services de police, relativement aux signalements et aux enquêtes en matière d’agression sexuelle.

5.3.1 Les signalements par des tiers, les signalements faits en ligne et la « troisième option »

L’option des signalements par des tiers permet aux victimes d’une agression sexuelle qui ne se sentent pas à l’aise à l’idée de signaler le crime directement à la police de le faire de façon anonyme, par l’entremise d’un fournisseur de services. Les renseignements sont envoyés à une base de données de la police pour analyse et détection possible de comportements sexuels prédateurs, notamment ceux de prédateurs en série. Le fournisseur de services conserve les renseignements des victimes et, si la police veut obtenir plus d’informations, elle peut demander au fournisseur d’entrer en contact avec la personne et de lui offrir la possibilité de discuter de son expérience avec la police de façon à l’aider à mener son enquête. Le signalement par des tiers est une option que l’on offre actuellement dans quelques administrations canadiennes, dont la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Yukon. Dans la même veine, un certain nombre de services de police ont créé des systèmes de signalement en ligne pour les victimes d’agression sexuelle. Ces systèmes, comme ceux offerts par le Service de police de HamiltonNote de bas de page 170 et par le Service de police de WindsorNote de bas de page 171, en Ontario, remplacent le premier appel téléphonique ou la première visite de la victime au poste de police et permettent aux victimes de faire un signalement en ligne, après quoi un enquêteur entre en contact avec elles pour obtenir de plus amples renseignements. Aux États-Unis, quelques établissements d’enseignement postsecondaires ont aussi mis un système de signalement en ligne à la disposition de leurs étudiants. Le système le plus connu, appelé CallistoNote de bas de page 172, n’envoie pas de signalement en ligne directement à la police. Il offre plutôt à la victime d’autres options, comme celle de créer un rapport d’incident qui est ensuite daté en vue de l’aider si elle décide signaler plus tard l’incident à la police, ou celle de communiquer avec le bureau sur le campus qui est désigné pour traiter les agressions sexuelles commises envers des étudiants. En 2017, treize collèges des États-Unis étaient abonnés à Callisto, et les victimes qui avaient consulté le site Web de Callisto avaient cinq fois plus de chances de faire un signalement à leur établissement scolaire ou à la police que ceux qui ne l’avaient pas faitNote de bas de page 173. La troisième option (aussi appelée « trousses sur glace ») est utilisée dans un milieu de soins de santé et elle permet aux victimes de faire recueillir leurs preuves médicolégales et de les faire stocker. Cela leur permet de se donner le temps nécessaire pour prendre la décision à savoir si elles signaleront ou non à la police, l’agression sexuelle qu’elles ont subie. Presque toutes les administrations offrent ce service dans certaines villes, mais il existe encore des obstacles, comme le manque d’appareils de réfrigération pour conserver les trousses de viol, du matériel vidéo, des activités de formation, un milieu sécuritaire et des fonds. Selon les résultats d’une évaluation réalisée en 2012 au sujet de ce type de programme offert à Calgary, les victimes étaient au courant de l’option, mais celle-ci n’avait pas donné lieu à une augmentation du nombre de signalementsNote de bas de page 174.

5.3.2 Les modèles de supervision policière

Il existe plusieurs modèles de supervision policière, dont des mécanismes de supervision internes (comme les EIAS mentionnées plus tôt) et des mécanismes de supervision externes (comme le modèle de Philadelphie, décrit ci-après). Le 10 février 2017, l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) a recommandé dans une déclaration publique que tous les services de police passent en revue les pratiques liées aux enquêtes sur les agressions sexuelles. Au début de 2018, plus de cinquante services de police au Canada ont annoncé qu’ils allaient procéder à un examen de leurs enquêtes en matière d’agression sexuelle, que ce soit en passant en revue les dossiers de cas ou en examinant leurs politiques et leurs procédures d’enquête en matière d’agression sexuelleNote de bas de page 175. En 2016, à la suite d’un examen national de toutes les enquêtes pour agression sexuelle de la GRC qui s’étaient soldées par une désignation de plainte « non fondée », la GRC a publié, en décembre 2017, un document intitulé La voie à suivre : Plan d’action de la GRC sur l’examen des plaintes d’agression sexuelle et le soutien aux victimesNote de bas de page 176. Parmi les mesures que la GRC s’est engagée à prendre pour améliorer la manière dont elle répond aux plaintes d’agression sexuelle figurent les suivantes : la création d’un guide sur les pratiques exemplaires concernant les enquêtes menées par les enquêteurs de la GRC sur les cas d’agression sexuelle; la mise au point d’un programme de formation sur les agressions sexuelles, offert à tous les membres; la création d’une unité nationale destinée à fournir des services de formation, d’orientation et de supervision au sujet des enquêtes relatives aux agressions sexuelles; des politiques et des procédures mises à jour en lien avec la classification des plaintes « non fondées »; de même que la mise en œuvre de pratiques axées sur les victimes, telles que l’établissement d’environnements sûrs, sécuritaires et privés permettant aux victimes de signaler une agression sexuelle; et l’étude d’autres options de signalement pour les victimes, comme les signalements faits par des tiers.
5.3.2.1 Le modèle de Philadelphie
En 1999, le Philadelphia Inquirer (Philadelphie, Illinois, États-Unis) a signalé qu’au cours des vingt dernières années, le tiers des plaintes de viol avaient été catégorisées par la police dans des catégories non criminelles et qu’en raison de cela, ces plaintes n’avaient été l’objet que d’une enquête superficielle. Un groupe de défense des droits, dont des avocats ayant de l’expérience en droit applicable aux agressions sexuelles, a demandé au Commissaire de police de passer en revue toutes les plaintes pour crimes sexuels qui avaient été classées comme non criminelles au cours des cinq années précédentes et de les soumettre à une nouvelle enquête. Après que le Service de police eut mené une nouvelle enquête et mis au jour des centaines de cas de viol parmi les affaires classées, le commissaire a lancé une invitation sans précédent au Women’s Law Project pour faire en sorte que les groupes de défense des droits puissent passer en revue les cas relevés par la Special Victims Unit (SVU). Le Women’s Law Project a accepté l’invitation et, depuis l’année 2000, il procède chaque année à un examen de cas. L’appui de la direction, l’objectif mutuel d’améliorer les enquêtes et le respect de la confidentialité ont permis d’examiner les dossiers de manière professionnelle et d’instaurer un climat de confiance et de respect mutuels. Quelques collectivités de l’Ontario ont commencé à mettre en œuvre un modèle de supervision policière semblable à celui de Philadelphie, lequel constitue une pratique de premier plan en matière de collaboration entre les ONG et la police en vue d’évaluer et de réévaluer les cas d’agression sexuelle. Dans le cadre de la subvention appelée « Supporting Police Response to Sexual Violence and Harassment », le gouvernement de l’Ontario a annoncé en février 2017, l’octroi de fonds destinés à quinze projets pilotes qui mettent l’accent sur une stratégie de réponse policière axée sur la victime. Deux des projets fructueux comprennent l’établissement d’organismes de surveillance rétrospective qui s’inspirent du modèle de Philadelphie. Le programme de financement sur deux ans permettra au service de police de Brantford et à la Police provinciale de l’Ontario (région du Nord-Ouest) de mettre à l’essai des organismes de surveillance rétrospective qui auront pour tâche d’examiner et de surveiller le traitement des plaintes pour agression sexuelle ainsi que d’étudier les méthodes d’enquête de la policeNote de bas de page 177. Autre exemple, en mai 2017, le Service de police de Calgary s’est associé à la Calgary Sexual Assault Response Team, au Calgary Community Against Sexual Abuse, au Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre, au ministère albertain de la Condition féminine et au Mount Royal University Sexual Violence Response and Awareness Coordinator en vue de s’engager à effectuer un examen annuel des dossiers d’agression sexuelleNote de bas de page 178.

5.3.3 Les techniques d’enquête axées sur le traumatisme subi

Les interrogatoires de la police sont habituellement structurés de façon à recueillir les détails factuels que connaissent les répondants au sujet d’un crime commis. Cependant, les recherches menées sur la neurobiologie des traumatismes ont fait ressortir les raisons pour lesquelles ce genre de technique d’interrogatoire ne convient peut-être pas dans le cas d’une agression sexuelle. Plutôt que de faire en sorte que la victime relate et répète l’histoire qu’elle a vécue, ou de l’interrompre pour obtenir des détails, un interrogatoire axé sur le traumatisme subi permet à la victime de rassembler des souvenirs et des détails sensoriels de façon à pouvoir relater l’histoire, ce qui peut être particulièrement efficace pour interroger les victimes d’une agression sexuelle. L’interrogatoire cognitif est l’une des techniques axées sur les traumatismes subis qui est le plus reconnu et le plus efficace dans le domaine de la psychologie et du droitNote de bas de page 179. Cette méthode se compose de techniques d’extraction de souvenirs et de communication qui sont conçues pour améliorer la quantité d’informations que l’on peut obtenir d’une personne interrogéeNote de bas de page 180. Dans le cadre du protocole d’interrogatoire cognitif, l’interrogateur établit un contact avec le sujet et se concentre sur une approche axée sur la victimeNote de bas de page 181. Cette dernière a la possibilité de relater l’incident sans interruption, après quoi on la guide à travers des scènes, des images, des goûts, des odeurs et d’autres représentations axées sur la mémoire sensorielle et riche en détail. Après l’interrogatoire, les renseignements recueillis sont examinés et les enquêteurs informent les victimes qu’ils les contacteront à nouveau quelques jours plus tard pour leur demander si elles peuvent se souvenir de quelque chose d’autre ou ils les encouragent à téléphoner si elles se souviennent de quelque chose de nouveau, ce qui est particulièrement important dans le cas des témoins traumatisés.

5.3.4 L’Illinois Sexual Assault Incident Procedure Act

Dans l’État de l’Illinois, une nouvelle série de lignes directrices concernant les mesures d’intervention des services d’exécution de la loi à la suite d’une agression sexuelle a été mise en place en juillet 2017. Ces lignes directrices établissent le cadre de mise en œuvre du Sexual Assault Incident Procedure ActNote de bas de page 182 de l’État qui a été adopté en 2016 en réponse à de faibles taux de signalement des infractions de nature sexuelle. Ces lignes directrices visent à améliorer la façon dont le système de justice pénale répond aux victimes d’agression sexuelle et d’abus sexuels en adoptant une approche d’intervention et d’enquête axée sur la victime, la preuve et les traumatismes subis. Elles visent à encourager un plus grand nombre de victimes d’agression sexuelle à se manifester, ainsi qu’à accroître le succès dans les poursuites relativement aux crimes d’agression sexuelle.

5.3.5 Résumé

La plupart des victimes d’agression sexuelle ne signalent pas l’incident à la policeNote de bas de page 138 et celles qui le font trouvent parfois que le processus d’enquête crée de nouveaux traumatismesNote de bas de page 184. Il existe des pratiques émergentes et prometteuses qui sont en mesure d’offrir aux victimes des moyens de signaler une agression et d’aider la police à identifier les comportements de prédateurs sexuels tout en leur procurant le temps et l’anonymat dont elles ont besoin pour décider si elles impliqueront le système de justice pénale. Les services de police ont également reconnu qu’ils peuvent mieux intervenir auprès des victimes d’agression sexuelle, et ils ont lancé des moyens innovateurs de recueillir des informations auprès des victimes, de se responsabiliser, et d’intégrer des pratiques axées sur les traumatismes subis. Bien qu’il soit nécessaire de mener de plus amples recherches sur l’efficacité de certaines de ces pratiques, celles-ci offrent la possibilité d’atténuer le risque de créer de nouveaux traumatismes, d’augmenter les taux de signalement et d’améliorer l’accès à la justice pour les adultes victimes d’agression sexuelle.
RECOMMANDATION No 16 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • créer des initiatives de signalement par des tiers et des initiatives de « troisième option » pour les cas d’agression sexuelle ou d’améliorer les initiatives existantes, ainsi que de conserver des trousses de preuve en cas d’agression sexuelle;
  • étudier la possibilité de mettre à l’essai des mécanismes de supervision pour les enquêtes sur les agressions sexuelles.

5.4 Les pratiques destinées à améliorer les poursuites

Le Groupe de travail a relevé un certain nombre de pratiques émergentes et prometteuses au sujet des poursuites concernant les agressions sexuelles envers les adultes. La question des agressions sexuelles est traitée à divers degrés dans la formation dispensée aux procureurs du ministère public dans le cadre des activités de formation juridique continue. Certaines administrations ont mis sur pied des activités de formation assez détaillées et d’autres disposent maintenant de procureurs spécialisés dans les cas d’agression sexuelle. D’autres pays ont également établi des tribunaux spécialisés. La question des conseils juridiques destinés aux victimes a elle aussi été étudiée.

5.4.1 Les activités de formation et les procureurs spécialisés en matière d’agression sexuelle

De nombreux services de poursuites ont des avocats experts ou des avocats pouvant être consultés, désignés (par exemple, en C.-B, ces avocats existent à la fois pour les affaires de violence conjugale et les poursuites comportant des victimes vulnérables) et des initiatives spécifiques de formation et de prestation de conseils en matière de politiques pour aider aux poursuites relatives à des agressions sexuelles (par exemple, la C.-B. a procédé à une telle formation, notamment sur l’utilisation des mesures visant à faciliter les témoignages). Entre autres exemples, mentionnons les suivants. Par l’entremise de son programme intitulé, Ce n’est jamais acceptable : Plan d’action pour mettre fin à la violence et au harcèlement sexuels, le ministère du Procureur général de l’Ontario a créé un programme de mentorat à l’intention des procureurs chargés des affaires de violence sexuelle. Ce programme offre la possibilité de partager des pratiques exemplaires, d’acquérir des connaissances et des compétences, et de parfaire les aptitudes dans tous les aspects des poursuites en matière de violence sexuelle. Le programme de mentorat est également conçu pour veiller à ce que les victimes soient davantage au courant du processus de suivi et soient mieux préparées à témoigner. Un comité directeur du Groupe consultatif de lutte contre la violence à caractère sexuel (GCLVCS) a aussi été mis sur pied et il est constitué du président et de six procureurs de la Couronne chargés de la violence sexuelle, soit un par région. Le GCLVCS a créé un manuel de pratiques exemplaires à l'attention des procureurs, tant mentors que mentorés, qui intentent des poursuites en matière d’agression sexuelle. Entre octobre 2015 et janvier 2018, le GCLVCS a pris part à plus de 300 activités de formation et de sensibilisation destinées aux procureurs du ministère public, aux avocats de la défense, aux juges, aux services de police, à des organismes communautaires, à des fournisseurs d’aide aux victimes-témoins, à des infirmières ainsi qu’à des agents de probation et de libération conditionnelle. Au Québec, les poursuivants disposent d’un processus d’approbation pré-inculpation et les procureurs sont soumis à une directive selon laquelle, avant de déposer des accusations fondées sur les résultats de l’enquête policière, le procureur doit rencontrer la victime afin d’évaluer sa capacité à témoigner et de l’orienter vers des organismes aptes à fournir des services de soutien, en cas de besoin. Bien que les procureurs n’agissent pas en tant qu’avocats des victimes, ils ont un intérêt à veiller à ce que ces dernières puissent fournir des éléments de preuve qui serviront la justice. Par ailleurs, le procureur démystifie le processus judiciaire : par exemple, le procureur décrit le genre de questions qui pourront être posées en contre-interrogatoire et informe les victimes que tout sera fait pour s’opposer aux questions illégales qui pourraient être posées. L’objectif de ce processus est de veiller à ce que la victime ait à sa disposition tous les renseignements pertinents dont elle a besoin pour faciliter sa participation au procès criminel. À Winnipeg (Manitoba), des poursuivants faisant partie d’une unité spécialisée sont affectés à la poursuite des affaires de violence conjugale, de violence envers un enfant et, plus récemment, d’agressions sexuelles envers des adultes qui n’entretiennent pas une relation intime. Des responsables désignés, dans chacun de ces secteurs, prodiguent des conseils aux procureurs qui sont chargés de ces poursuites dans d’autres régions de la province. Selon des études qui ont évalué des services de poursuites spécialisés aux États-Unis, les victimes font état de meilleurs niveaux de satisfaction à l’égard des services de poursuites spécialisés, par rapport aux services non spécialisésNote de bas de page 185. En 2011, une évaluation de la Sex Offence Unit, qui fait partie du service des poursuites de l’État de Victoria (Australie), a montré que le délai moyen avant la tenue procès diminuait, et ce, malgré le nombre grandissant de dossiersNote de bas de page 186.

5.4.2 La formation judiciaire

Un certain nombre de décisions judiciaires récentes en matière d’agression sexuelle ont suscité des inquiétudes du public au sujet de la formation des juges sur le droit relatif aux agressions sexuelles.Note de bas de page 187 Par respect pour le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature, les activités de formation judiciaire au Canada sont menées par des juges. Le ministère de la Justice du Canada assure le financement annuel de l’Institut national de la magistrature et a annoncé l’octroi de fonds additionnels de près de 100 000 $ en 2017 pour la mise au point d’activités de formation destinées aux juges de nomination fédérale et provinciale et axées sur la violence sexospécifique, ce qui inclut les agressions sexuelles et la violence conjugale.

5.4.3 Les coordonnateurs des témoins de la Couronne dans les Territoires

Contrairement aux provinces où les infractions au Code criminel font généralement l’objet de poursuites menées par le Procureur général de la province par l’entremise des procureurs de la Couronne provinciaux, dans les territoires, les infractions au Code criminel font l’objet de poursuites menées par les procureurs fédéraux du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) pour le compte du Procureur général du Canada. Ainsi, le gouvernement fédéral est responsable d’apporter de l’aide aux victimes qui se présentent au tribunal par l’entremise du programme des Coordonnateurs des témoins de la Couronne (CTC) du SPPC. Il y a des équipes du programme CTC dans chacun des trois territoires et il s’agit d’un service post-inculpation et judiciaire d’appui aux victimes et aux témoins de crimes. Il a des objectifs similaires aux programmes provinciaux d’aide aux victimes qui se présentent au tribunal. Les CTC situés dans les bureaux du ministère public travaillent en étroite collaboration avec les procureurs de la Couronne, les victimes, les témoins, et la communauté afin d’offrir un lien important entre le système de justice pénale et les victimes d’actes criminels au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. À l’heure actuelle, il y a 21 CTC dans les trois territoires. Les CTC se déplacent dans les communautés éloignées du Nord, comme partie des circuits judiciaires, ce qui leur permet d’offrir des services aux témoins judiciaires dans tous les territoires. Le programme CTC comprend des personnes ayant des antécédents autochtones, qui parlent les langues locales et qui aident à établir des ponts par rapport à la langue et à briser les barrières culturelles pour le compte de la poursuite. Les CTC travaillent souvent étroitement avec les services territoriaux aux victimes et permettent d’assurer la coordination et la collaborationNote de bas de page 188.

5.4.4 Des avis juridiques indépendants pour les victimes

Comme il a été signalé dans les chapitres antérieurs, les victimes d’agression sexuelle redoutent souvent le processus judiciaire. Bien que les procureurs du ministère public aident le plus possible les victimes avant et pendant un procès, ils ne sont pas leurs avocats, pas plus qu’ils ne peuvent leur donner des conseils au sujet d’une éventuelle action au civil. Il peut être très utile pour les victimes d’avoir accès à des conseils juridiques indépendants afin de pouvoir décider s’il y a lieu de signaler une agression sexuelle à la police, ainsi que de demander conseil avant et pendant un procès criminel. L’Ontario a établi un Programme pilote de prestation d’avis juridiques indépendants aux survivantes et survivants d’agression sexuelleNote de bas de page 189, qui offre aux victimes admissibles jusqu’à quatre heures d’avis juridiques indépendants gratuits afin de les aider à prendre des décisions éclairées au sujet des prochaines étapes, mais ce programme pilote n’inclut pas de services de représentation juridique. Les services sont offerts aux femmes, aux hommes, aux transgenres et aux personnes de genre mixte qui sont âgés de plus de 16 ans; ces services sont confidentiels et offerts aux survivants à tout moment après une agression sexuelle, si elle a eu lieu en Ontario. Au début de 2018, ce programme est disponible à Toronto, dans le district de Thunder Bay et à Ottawa. Le ministère de la Justice du Canada, prenant appui sur cette pratique émergente, a offert, en 2016, des fonds aux provinces et aux territoires intéressés d’examiner la possibilité de mettre en œuvre des projets semblables. Un projet pilote a été lancé en Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 190 en 2017. Terre-Neuve-et-LabradorNote de bas de page 191 a reçu du financement pour lancer un projet semblable, tandis que la SaskatchewanNote de bas de page 192 et l’Alberta ont lancé leur projet pilote au début de 2018. Les modèles de prestation de conseils juridiques indépendants aux victimes diffèrent légèrement d’une province à une autre, mais tous s’efforcent d’atteindre l’objectif de fournir aux victimes des informations sur les options dont elles disposent au lendemain d’une agression sexuelle. Comme tous les projets pilotes des provinces en sont à leurs premiers pas, on ne dispose à ce stade-ci d’aucune évaluation qui permettrait de déterminer leur efficacité.

5.4.5 Des représentants juridiques pour les victimes

Comme il a été souligné au chapitre 3, les victimes d’agression sexuelle ne sont pas parties au procès criminel et n’ont donc pas qualité pour y être représentées. Il existe toutefois une exception pour la représentation des victimes qui prennent part aux audiences relatives aux demandes de communication de dossiers de tiers, conformément au paragraphe 278.2 à 279.9 du Code criminel. Une aide juridique est disponible pour les victimes qui ont droit à une aide financière pour une telle représentation en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nunavut. L’Ontario, le Manitoba, l’Alberta et la Colombie-Britannique offrent du financement pour la prestation d’avis juridiques indépendants et la représentation de toutes les victimes dans les affaires d’infractions d’ordre sexuel lorsqu’une demande de communications de dossiers détenus par des tiers est présentée, indépendamment de la situation financière de cette personneNote de bas de page 193. D’autres administrations, comme la Saskatchewan, financent les services de représentation juridique des victimes lors des audiences relatives aux demandes de communication de dossiers détenus par des tiers dans le cadre de son Fonds d’aide aux victimes. Aux États-Unis, il existe des avocats spéciaux pour victimes (ASV) d’une agression sexuelle dans le cadre du système de justice militaire. Ces avocats sont même à la disposition des victimes qui décident de signaler l’agression sexuelle au système de justice pénale pour les civils plutôt qu’au système de justice militaire, mais ils peuvent uniquement fournir des conseils juridiques à la victime, et non la représenter, devant un tribunal de justice pénale pour les civilsNote de bas de page 194. Des sondages indiquent que les victimes sont très satisfaites des conseils et de l’appui qu’offrent les ASV (plus de 90 % se sont dites extrêmement satisfaites)Note de bas de page 195. Le 10 mai 2018, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres loisNote de bas de page 196, qui conférerait aux victimes le droit d’avoir accès à un agent de liaison qui serait chargé de les aider à comprendre comment les accusations relatives aux infractions d’ordre militaire sont portées et comment elles sont poursuivies et jugées en vertu du code de discipline militaire.

5.4.6  Les modèles de tribunaux spécialisés en infractions sexuelles

Des recherches ont confirmé que des tribunaux spécialisés peuvent être plus efficaces que des tribunaux criminels ordinaires, parce que les questions propres à une agression sexuelle sont mieux traitées et que les victimes qui témoignent font état d’un plus grand degré de satisfaction à l’égard du processusNote de bas de page 197.
5.4.6.1 Les tribunaux spécialisés en infractions sexuelles – Afrique du Sud
L’Organisation des Nations Unies considère que le modèle sud-africain de tribunaux spécialisés en infractions sexuelles est une pratique exemplaire quant à la manière dont le système de justice pénale intervient face à la violence sexuelle. Selon des évaluations, les Centres de soins Thuthuzela (CST) permettent de réduire avec succès le temps nécessaire pour mener un procès criminel tout en contribuant à des taux élevés de déclaration de culpabilité dans le cas des délinquantsNote de bas de page 198. La formule des tribunaux spécialisés en infractions sexuelles a débuté par un projet-pilote en 1993, au sein de la Cour régionale de Wynberg, au Cap. Les tribunaux spécialisés – contrairement aux tribunaux généraux – ont recours à une approche axée sur la victime ainsi qu’à une équipe pluridisciplinaire, à des procureurs spécialisés, à des salles d’attente respectueuses des victimes, à des mesures évitant aux victimes d’entrer en contact avec l’accusé et des membres du public, ainsi qu’à des services de soutien et de counseling offerts dès le signalement d’une infraction sexuelle. Après l’établissement d’un certain nombre d’autres tribunaux à divers endroits et une série d’évaluations, un schéma directeur national concernant les tribunaux spécialisés en infractions sexuelles a été créé en 2002. Une stratégie nationale a vu le jour l’année suivante et, en 2005, les conditions essentielles au recours au tribunal spécialisé en infractions sexuelles ont été mises à jour. Cependant, les tribunaux spécialisés subissent d’intenses pressions sur le plan des ressources et, à la longue, se sont heurtés à un certain nombre de difficultés, dont des arriérés, la proximité avec les victimes et la répartition inégale des ressources entre le système spécialisé et le système général. Le système spécialisé a été temporairement démantelé au milieu des années 2000, mais il a ensuite été rétabli et fait montre de résultats positifs malgré la réduction des ressourcesNote de bas de page 199.
5.4.6.2 Le projet pilote de tribunal spécialisé en violence sexuelle – Nouvelle-Zélande
En octobre 2016, un projet pilote de tribunal spécialisé en violence sexuelle a été lancé au sein de la Cour de district de la Nouvelle-Zélande dans l’intention d’améliorer l’expérience judiciaire des participants au moyen d’une gestion d’instance préalable au procès plus stricte et de meilleures activités de formation spécialisée à l’intention des juges. Ce projet pilote, dirigé par la magistrature, n’a pas pour objet d’adopter une approche non accusatoire, car cela exigerait des changements juridiques de fond; cependant, il est destiné à recourir à une démarche plus compatissante envers la victime que dans le cas du processus habituel. Le projet pilote est actuellement à l’essai à deux endroits et il porte sur les allégations sérieuses de violence sexuelle dans le cadre desquelles le défendeur plaide non coupable et opte pour un procès avec jury.

5.4.7  Résumé

Des activités de formation spécialisée pour les membres du système de justice pénale et les membres de professions connexes au sujet de la complexité du droit relatif aux agressions sexuelles, ainsi que du contexte social et de la neurobiologie des traumatismes, sont ressorties comme le thème récurrent dans les pratiques prometteuses et émergentes examinées par le Groupe de travail. Les formules des procureurs et tribunaux spécialisés en violence sexuelle paraissaient prometteuses dans les évaluations, mais elles exigent beaucoup de ressources et peuvent ne pas convenir à toutes les administrations. À l’heure actuelle, il existe des processus judiciaires ou des tribunaux spécialisés en matière de violence familiale dans la plupart des administrations canadiennesNote de bas de page 200, et ceux-ci pourraient se charger des affaires d’agression sexuelle envers un partenaire intime.
RECOMMANDATION No 17 : Le Groupe de travail recommande d’envisager ce qui suit :
  • fournir du financement gouvernemental pour assurer la représentation des victimes dans les demandes de communication de dossiers de tiers ;
  • examiner l’état des projets pilotes qui sont en cours pour fournir diverses formes de conseils juridiques indépendants (CJI) aux victimes d’agression sexuelle, dans le but d’envisager la mise au point d’initiatives semblables.

5.5  Autres approches

Bien que l’examen des recours civils et de ceux en matière de droits de la personne à l’égard des agressions sexuelles déborde le cadre du mandat du Groupe de travail, ce dernier s’est penché sur quelques autres approches, dont les processus de justice réparatrice (JR), qui ont été appliquées dans des affaires d’agression sexuelle. Il convient de signaler qu’en 2012 la New Zealand Law Commission a publié un document de synthèse intitulé Alternative Pre-Trial and Trial Processes: Possible Reforms, où l’on analysait s’il y avait lieu de remplacer le modèle accusatoire actuel par un système inquisitoire dans le cas des affaires d’infraction sexuelleNote de bas de page 201. Ce projet de changement fondamental au système de la common law a suscité quelques préoccupations au sein de la New Zealand Law Society et a été rejeté par le gouvernement pour diverses raisons, dont le fait qu’il serait peu pratique de disposer d’un système inquisitoire pour les infractions sexuelles seulement, alors qu’un grand nombre de ces infractions sont commises en même temps que des infractions à caractère non sexuelNote de bas de page 202.

5.5.1 La justice réparatrice

La justice réparatrice (JR) est une expression qui désigne habituellement une démarche judiciaire qui vise principalement à s’attaquer aux torts causés par un acte criminel tout en tenant le délinquant responsable de ses actes et en donnant aux parties directement touchées – la ou les victimes, le délinquant et la collectivité – la possibilité de cerner et de répondre à leurs besoins suite à la commission d’un crime. La JR favorise l’engagement et la responsabilisation et offre une possibilité de guérison, de réparation et de réintégration. La JR fonctionne à des stades différents du processus de justice pénale, soit avant l’inculpation, avant la déclaration de culpabilité, avant le prononcé de la peine et après la déclaration de culpabilité; elle peut aussi avoir lieu en plus du procès traditionnel au tribunal, au lieu de s’y substituer, dans une affaire précise. Les types les plus fréquents de JR sont les conférences, les activités de médiation victime-délinquant et les cercles de guérison. Ces processus peuvent être liés au système de justice pénale ou être totalement distincts. Le Groupe de travail a examiné les processus de JR qui étaient liés au système de justice pénale.

5.5.2 Les approches fondées sur le concept de la justice réparatrice au Canada

Les mesures de JR font partie du système de justice pénale canadien depuis plus de quarante ans et sont soutenues par des mesures législatives ainsi que par des politiques et des programmes. En 2017, le ministère de la Justice du Canada a établi un répertoire en ligne interactif des programmes de JR au CanadaNote de bas de page 203, et les chercheurs ont relevé plus de 400 programmes au pays. Parmi ces derniers, 195 font partie du Programme de justice autochtone et servent principalement les collectivités autochtones. La majorité des programmes s’adressaient à la fois aux adultes et aux jeunes; seuls dix-neuf d’entre eux ne s’adressaient qu’aux jeunes.
5.5.2.1 Les lois relatives à la justice réparatrice
Le Code criminel permet aux processus de JR d’avoir lieu à des étapes différentes, bien que le libellé exact ne soit pas requis dans le Code criminel pour que la police ou la poursuite ne fassent de telles références dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. L’article 717 du Code criminel prévoit qu’il est possible de recourir à des mesures de rechange si le délinquant se reconnaît responsable de l’infraction. Un programme de justice réparatrice peut être une forme de mesure de rechange à laquelle la police ou le procureur peut recommander un délinquant. Les principes de justice réparatrice sont aussi inclus dans les principes relatifs au prononcé des peines à l’article 718 du Code criminel. De plus, on y fait référence dans la Charte canadienne des droits des victimes ainsi que dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditionNote de bas de page 204. Dans ces deux lois, les victimes qui en font la demande ont le droit de recevoir des informations sur les programmes de JR disponibles. À l’échelon provincial, la Loi sur la justice réparatrice du Manitoba de 2015Note de bas de page 205 a créé un conseil consultatif chargé, notamment, de surveiller la mise en œuvre de sa Stratégie de justice réparatrice axée sur les victimes. L’évaluation est censée mesurer le degré de satisfaction des victimes, le nombre et les types d’affaires réglées grâce à des programmes de JR, les taux de récidive des délinquants ainsi que les taux de paiement à titre de dédommagement.
5.5.2.2 Le programme Possibilités de justice réparatrice
Un exemple de pratique de JR au Canada qui est liée au système de justice pénale et qui englobe les affaires d’agression sexuelle est le programme Possibilités de justice réparatrice (PJR) du Service correctionnel du Canada (CSC), lequel fournit des services de médiation entre la victime et le délinquant, permettant aux victimes de communiquer, directement ou indirectement, avec le délinquant qui leur a causé un préjudice. Le programme est volontaire pour tous les participants et ne vise pas à avoir une incidence directe sur la peine infligée à un délinquant ou sur une décision en matière de libération conditionnelle. Dans les affaires d’infraction sexuelle, toutes les demandes sont examinées avec soin par des médiateurs qualifiés, qui déterminent le caractère approprié de l’intervention ainsi que la disposition des participants à procéder à des communications. Entre 1992 et 2017, le programme PJR a facilité 66 réunions en personne au sujet d’infractions à caractère sexuel, notamment : agression sexuelle, inceste, attentat à la pudeur, viol et contacts sexuels. Ces réunions représentent 27 % des réunions en personne du programme PJRNote de bas de page 206. Les victimes d’une agression sexuelle qui ont participé à un processus PJR ont affirmé qu’elles étaient parvenues à se débarrasser de leurs sentiments de colère et de culpabilité, à dépasser le stade où elles se sentaient, en leurs mots, « coincées », et qu’elles avaient ressenti une amélioration de leur état de santé général. Elles ont également affirmé s’être senties respectées, entendues, comprises, dynamisées et en sécurité pendant tout le processus PJRNote de bas de page 207.

5.5.3 Le projet pilote RESTORE en Arizona (États-Unis)

Un projet pilote appelé RESTORE a été mené en Arizona (États-Unis) de 2003 à 2007, et il comprenait un modèle de JR de nature thérapeutique dans des affaires d’agression sexuelle avant la déclaration de culpabilité. RESTORE était un modèle communautaire de conférences de JR axées sur la victime dans le cadre duquel des accusés prêts à assumer la responsabilité de leurs actes (ce qui n’était pas mis sur le même pied qu’un plaidoyer de culpabilité) étaient orientés vers une conférence structurée, par le procureur, à la suite de la décision sur le renvoi à subir son procès. Le programme était disponible, avec l’accord de la victime, aux délinquants non récidivistes et partenaires non intimes. L’accusé devait pouvoir être déclaré responsable de ses actes et convenir d’une réparation, ce qui incluait le fait de suivre une thérapie pour délinquants sexuels. Les résultats d’évaluation concernant le projet pilote ont été généralement positifs, notamment sous l’angle des victimes, dont 90 % se sont dites convaincues que justice avait été rendue et 95 % ont affirmé qu’elles recommanderaient le processus à d’autresNote de bas de page 208.

5.5.4 Résumé

Un grand nombre de recherches dénotent qu’en général, le degré de satisfaction des victimes vis-à-vis des processus de JR dépasse de loin leur degré de satisfaction vis-à-vis du processus de justice pénale « classique »Note de bas de page 209. En ce qui concerne les mesures de justice réparatrice, un examen méta-analytique international a conclu que le degré de satisfaction des victimes à l’égard du traitement de leur dossier est systématiquement plus élevé dans le cas des victimes assignées à des conférences de justice réparatrice (CJR) que dans les cas des victimes dont le dossier a été assigné à un processus de justice pénale ordinaireNote de bas de page 210. C’était le cas pour les victimes d’un crime violent ainsi que pour les victimes d’un crime relatif à des biensNote de bas de page 211. On considère notamment que la JR offre aux victimes une plus grande possibilité de s’impliquer dans le processus, un certain statut, une voix permettant d’exprimer les répercussions du crime sur elles et la possibilité de comprendre pourquoi l’auteur du crime a commis l’infraction en question. Bien qu’il existe de nombreuses évaluations de processus de JR à l’échelon international, peu de processus ont été évalués dans le cas des infractions sexuelles, car ces dernières en sont largement exclues. L’application de la JR dans des affaires mettant en cause un déséquilibre des forces, plus particulièrement, la violence et les agressions sexuelles envers un partenaire intime, suscite une certaine controverseNote de bas de page 212. Ceux qui critiquent la JR dans les affaires de violence sexospécifique sont d’avis que le processus pourrait miner des décennies de travaux destinés à s’assurer que les agressions sexuelles et les actes de violence envers un partenaire intime sont traités comme ce qu’ils sont, soit des crimes graves. Certains se soucient du fait que les victimes peuvent être contraintes de participer, que leur sécurité peut être compromise, qu’il y a un risque de nouvelle victimisation et que les auteurs des infractions ne sont peut-être pas motivés par de véritables remords, mais plutôt par le souhait d’éviter toute sanction criminelle. En fin de compte, il y a les préoccupations sous-jacentes selon lesquelles les processus de JR peuvent mener à la « privatisation » et à la « décriminalisation » des agressions sexuelles et miner la capacité du système de justice pénale de protéger le public contre les délinquants dangereux et récidivistesNote de bas de page 213. Les accusés qui seraient par ailleurs disposés à assumer la responsabilité de leurs crimes sexuels et à s’excuser auprès de leurs victimes pourraient être dissuadés de le faire dans le cadre du processus de justice pénale en raison de l’incidence à long terme d’une ordonnance rendue en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et des peines minimales obligatoires prévues dans certains cas. Les processus de JR avant la déclaration de culpabilité, dans le cadre desquels des protections sont mises en place pour protéger l’accusé contre l’auto-incrimination et la double incrimination et qui préservent la présomption d’innocence en cas d’échec du processus de JR, peuvent inciter l’accusé à assumer la responsabilité de ses actes et à dédommager la victime. Ces processus, qui requièrent au préalable le consentement de la victime, pourraient aussi intéresser les victimes qui peuvent bénéficier du fait que l’accusé reconnaît tôt sa responsabilité et ainsi éviter le traumatisme potentiel que l’on associe à un contre-interrogatoire en audience publique. Il existe également certaines données probantes, qui émanent de ces deux études, établissant que certaines victimes d’agression sexuelle pourraient préférer un processus de JR au processus de justice pénale. Il ressort d’une étude récente que les victimes d’agression sexuelle ont avoué être fortement en faveur du fait qu’on leur donne le choix d’opter pour la JRNote de bas de page 214. En Australie, une étude comparative entre les poursuites pour infraction sexuelle intentées contre de jeunes délinquants devant les tribunaux de la jeunesse et la JR a indiqué que le processus de JR nécessitait la moitié moins de temps que le processus judiciaire et menait à des taux de satisfaction supérieurs chez les victimes et à des taux de récidive inférieurs chez les délinquantsNote de bas de page 215. Par ailleurs, les évaluations des processus de JR dans le cas d’infractions sexuelles perpétrées par des adultes aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande font état de résultats prometteurs du point de vue des victimesNote de bas de page 216. Les professionnels du système de justice pénale au Canada manifestent des réserves face à l’opportunité d’avoir recours à la JR dans les affaires d’agression sexuelle. La JR pourrait en fait avoir une certaine valeur et être souhaitée par certaines victimes d’agression sexuelle, mais le déséquilibre du pouvoir et la dynamique de la famille et de la collectivité risquent de pousser les victimes à participer à un processus de rechange. Les victimes devraient bénéficier d’un appui et participer seulement si elles font un choix éclairé; les facilitateurs doivent être hautement qualifiés. De toute évidence, il est nécessaire de réaliser un plus grand nombre de projets pilotes et d’évaluations en gardant à l’esprit les mesures de protection qui sont requises, tant pour l’accusé/délinquant que pour la victime.

5.6 Conclusion

Il existe un large éventail de pratiques émergentes et prometteuses qui permettent de répondre à certaines des difficultés auxquelles sont confrontés les adultes victimes d’agression sexuelle à toutes les étapes du système de justice pénale. Un grand nombre de ces pratiques relèvent de la compétence des provinces et certaines ont des incidences financières. Le Groupe de travail a examiné ces pratiques et d’autres et a formulé quelques recommandations faisant l’objet d’un consensus général. Cependant, toutes les pratiques mentionnées dans le présent chapitre pourraient servir d’inspiration à des projets pilotes destinés à améliorer l’accès à la justice pour les victimes d’agression sexuelle.

Annexe 1 :    Recours en matière civile et en matière criminelle à l’égard des agressions sexuelles

Malgré les changements législatifs qui sont survenus au cours des dernières décennies, il ressort clairement des données que les agressions sexuelles continuent d’être les crimes violents les moins signalés et, selon des sondages d’autoévaluation, la fréquence de ces crimes ne fléchit pas, contrairement à d’autres crimes violents. De récentes décisions judiciaires ont incité le grand public, les fournisseurs de services, les défenseurs et les théoriciens du droit à demander que l’on recoure à de nouvelles approches axées sur la protection de la dignité et de la sécurité des victimes de violence sexuelle lors des procédures criminelles. De plus, divers mouvements sociaux tels que #MeToo (#MoiAussi) et Time’s Up ont mis les questions relatives aux agressions sexuelles et au harcèlement à l’avant-plan du débat public. Ces mouvements soulèvent des questions fondamentales qui sont liées à l’égalité des sexes, y compris en milieu de travail. Ils soulèvent aussi des questions à propos de la capacité du système de justice pénale de répondre aux besoins des victimes d’agression sexuelle. Les victimes d’agression sexuelle peuvent elles-mêmes se prévaloir de diverses options juridiques, qui dépendront du contexte dans lequel l’agression a eu lieu. Bien qu’elles puissent disposer dans certains cas de recours liés au droit du travail ou aux droits de la personne, les options les plus courantes dont les victimes disposent sont soit une poursuite au civil ou le dépôt d’une plainte au criminel à la police (ces deux avenues ne sont pas mutuellement exclusives). La norme de preuve extrêmement stricte du droit criminel est en corrélation directe avec le risque d’incarcération auquel font face les accusés. Le tableau qui suit présente quelques différences notables entre les recours en matière civile et en matière criminelle.
Poursuite au civil – droit privé Poursuite au criminel – droit public
  • Norme de preuve = prépondérance des probabilités
  • Norme de preuve = hors de tout doute raisonnable
  • Le plaignant (la victime) est une partie
  • Le plaignant (la victime) n’est pas une partie
  • Le plaignant supporte les frais juridiques de représentation
  • Le ministère public (pas l’avocat de la victime) est payé par l’État
  • Le défendeur (l’accusé) peut faire l’objet d’un contre-interrogatoire et d’une communication préalable
  • L’accusé ne peut être contraint à divulguer des éléments de preuve ou à témoigner
  • Les règlements peuvent être privés, sans dossier public
  • L’infraction est contre l’État, avec dossier public
  • Les réparations possibles sont pécuniaires et n’incluent pas une peine d’emprisonnement
  • Les peines possibles comprennent : l’emprisonnement, les ordonnances de surveillance dans la collectivité, comportant notamment des conditions d’interdiction de communication avec des victimes, des séances de counseling, des restrictions géographiques et d’autres conditions appropriées, des ordonnances accessoires, comme une ordonnance relative à l’inscription dans le Registre national des délinquants sexuels.

Annexe 2 : La Charte canadienne des droits des victimes

La Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) est entrée en vigueur le 23 juillet 2015 et elle a établi les droits dont jouissent les victimes de crimes dans quatre secteurs précis. Bien que ces droits visent les victimes de n’importe quelle infraction, certains d’entre eux, comme celui de demander une aide au témoignage (appelée dans la Charte « mesure visant à faciliter le témoignage »), sont particulièrement pertinents pour les victimes d’infractions d’ordre sexuel.
  1. Droit à l’information :
    • le droit, sur demande, d’obtenir des renseignements en ce qui concerne le système de justice pénale et le rôle que les victimes sont appelées à y jouer; les services auxquels la victime a accès, notamment les programmes de justice réparatrice (article 6);
    • le droit, sur demande, d’obtenir des renseignements en ce qui concerne l’état d’avancement de l’affaire, y compris des renseignements relatifs à l’enquête, à la poursuite et au prononcé de la peine concernant la personne qui leur a causé du tort, ainsi que des renseignements sur un accusé qui a été déclaré inapte à subir son procès ou non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux, pendant que cette personne relève de la juridiction d’un tribunal ou d’une commission d’examen (articles 7 et 8).
  2. Droit à la protection :
    • le droit à ce que leur sécurité et leur vie privée soient prises en considération à tous les stades du processus de justice pénale (articles 9 et 11);
    • le droit à ce que des mesures raisonnables et nécessaires soient prises pour les protéger contre l’intimidation et les représailles (article 10);
    • le droit de demander à ce que leur identité soit protégée contre toute divulgation publique (article 12);
    • le droit de demander des mesures visant à faciliter leur témoignage (article 13).
  3. Droit de participation :
    • le droit de donner leur point de vue sur les décisions des autorités compétentes du système de justice pénale en ce qui touche les droits conférés par la Loi (article 14);
    • le droit de présenter une déclaration décrivant l’effet que le crime a eu sur elles et à ce que cette déclaration soit prise en considération (article 15).
  4. Droit de demander un dédommagement
    • le droit à ce que le tribunal envisage de rendre une ordonnance de dédommagement contre le délinquant pour les pertes financières précises qui sont attribuables au crime commis (article 16);
    • le droit de faire enregistrer une ordonnance de dédommagement impayée à titre de dette civile exécutoire (article 17).
Les droits énoncés dans la CCDV doivent être appliqués de manière raisonnable de façon à ne pas nuire à une enquête ou à une poursuite, de ne pas mettre en danger la vie ou la sécurité d’une personne ou de ne pas porter atteinte à des intérêts nationaux, tels que la sécurité nationale (article 20). Les victimes ont également le droit de déposer une plainte si elles croient qu’il y a eu violation ou négation de leurs droits par un ministère, une agence ou un organisme fédéral conformément au mécanisme d’examen des plaintes applicable (article 25). Toute victime qui est d’avis qu’il y a eu violation ou négation par un ministère, une agence ou un organisme provincial ou territorial, d’un droit qui lui est conféré par la CCDV peut déposer une plainte conformément aux lois de la province ou du territoire en cause (article 26). Cependant, la CCDV n’accorde pas aux victimes la qualité de partie dans une procédure criminelle (article 27), un droit d’action ou de dédommagement (article 28), ou le droit d’interjeter appel d’une décision rendue par les tribunaux criminels (article 29). L’article 21 de la CCDV indique que les lois fédérales doivent être interprétées et appliquées de manière compatible avec les droits que la Loi prévoit. Elle dispose également, au paragraphe 22(1), que la CCDV l’emporte lorsqu’il est impossible d’interpréter une disposition législative fédérale d’une manière compatible avec la CCDV. La CCDV est en outre assujettie aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.

Annexe 3 : Résumés de rapports récents sur les données relatives aux agressions sexuelles

Les agressions sexuelles autodéclarées au Canada, 2014 Adam Cotter et Shana Conroy, Centre canadien de la statistique juridique http://www5.statcan.gc.ca/olc-cel/olc?ObjId=85-002-X201700114842&ObjType=47&lang=fr&limit=0 Ce rapport, qui est fondé sur des données autodéclarées recueillies dans le cadre de l’Enquête sociale générale de 2014 sur la sécurité des Canadiens (victimisation), fournit des renseignements sur les agressions sexuelles commises au Canada, y compris les attaques de nature sexuelle, les contacts sexuels non désirés et l’activité sexuelle à laquelle la victime ne pouvait pas consentir. Cet article porte sur les caractéristiques des victimes d’agression sexuelle et leurs perceptions à l’égard de la sécurité, ainsi que sur les caractéristiques des agresseurs et des affaires d’agression sexuelle. Il traite également des conséquences émotionnelles et physiques des agressions sexuelles, de même que du signalement des agressions sexuelles à la police et des raisons qui incitent les victimes à ne pas signaler l’incident à la police. Les agressions sexuelles déclarées par la police au Canada, 2009 à 2014 : un profil statistique Cristine Rotenberg, Centre canadien de la statistique juridique http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2017001/article/54866-fra.htm Cet article de Juristat présente un profil statistique des agressions sexuelles signalées par la police au Canada entre les années 2009 et 2014. Une analyse exhaustive des caractéristiques des affaires, des victimes et des auteurs présumés au cours d’une période de six ans est entreprise en vue de mieux comprendre ceux qui commettent les agressions sexuelles et ceux qui en sont victimes. Les facteurs étudiés comprennent l’endroit où l’agression sexuelle a eu lieu, la ou les armes utilisées, le degré de lésions corporelles que la victime a subies, de même que les profils d’âge et de sexe des accusés et des victimes et la relation entre eux. Pour une première fois, une nouvelle analyse du temps mis pour signaler l’incident à la police est présentée. Les constatations sont comparées aux agressions physiques le cas échéant afin d’établir un point de référence pour l’analyse. De l’arrestation à la déclaration de culpabilité : décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’agression sexuelle déclarées par la police au Canada, 2009 à 2014 Cristine Rotenberg, Centre canadien de la statistique juridique https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/171026/dq171026b-fra.htm Même si les taux de condamnation et la sévérité des peines sont souvent utilisés comme mesures de la justice pénale, aucune de ces mesures ne tient compte du volume potentiellement important d’affaires jamais portées devant les tribunaux. Pour la première fois, cet article de Juristat mesure le taux d’abandon des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice pénale canadien afin de fournir un contexte essentiel permettant de comprendre comment les affaires d’agression sexuelle sont traitées dans le système de justice. À l’aide de données couplées provenant des services de police et des tribunaux de juridiction criminelle, cette étude présente de nouvelles constatations sur le taux d’attrition pour les agressions sexuelles ainsi que les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires qui s’y rendent. Les données sur l’attrition et les déclarations de culpabilité sont analysées selon les caractéristiques des affaires d’agression sexuelle (p. ex. le lieu, l’utilisation d’une arme et le temps mis pour signaler l’incident à la police), l’auteur présumé, la victime (p. ex. l’âge, le sexe et la présence de blessures corporelles) et le lien qui existe entre eux afin de fournir plus de précisions sur certains facteurs liés à une probabilité accrue de l’abandon de l’affaire au sein du système de justice. Au besoin, les constatations sont comparées avec les décisions relatives aux affaires de voies de fait afin d’établir un point de référence pour l’analyse. Révision de la classification des affaires criminelles fondées et non fondées dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54973-fra.htm Le présent article de Juristat a pour objet de fournir de l'information sur les réalités entourant la collecte de données sur les affaires criminelles non fondées au Canada, y compris les agressions sexuelles, dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. Il fournira le contexte de la collecte de ces données et donnera un aperçu des mesures prises par le Centre canadien de la statistique juridique - une division de Statistique Canada - et le Comité des informations et statistiques policières de l'Association canadienne des chefs de police pour réviser le Programme de déclaration uniforme de la criminalité et régler les problèmes liés à la qualité et à la déclaration des données, et rétablir la collecte de renseignements sur les affaires criminelles non fondées. Les affaires criminelles non fondées au Canada, 2017 Jacob Greenland and Adam Cotter, Centre canadien de la statistique juridique https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54975-fra.htm Cet article de Juristat donne un aperçu des taux d'affaires criminelles non fondées pour 2017, en mettant un accent particulier sur les agressions sexuelles étant donné que plusieurs services de police ont procédé à un examen de leurs dossiers d'agressions sexuelles cette année-là. À la suite de la couverture médiatique nationale accordée en 2017 à l'utilisation par les services de police du terme "non fondées" dans la classification des agressions sexuelles, Statistique Canada et des représentants de la communauté policière ont formulé des recommandations visant à régler les problèmes relatifs à la qualité des données et à assurer une déclaration normalisée en vue de réintroduire la publication de données sur les affaires criminelles jugées non fondées.

Annexe 4 : Sommaire : Effets post-traumatiques chez les adultes victimes d’agression sexuelle

Lori Haskell et Melanie RandallNote de bas de page 217, 2017

Dans notre société, les agressions sexuelles sont un problème sérieux et largement répandu. Pourtant, au lieu de rendre justice, le système de justice pénale aggrave trop souvent le sentiment de détresse que ressentent les victimes d’agression sexuelle. Il est bien connu que de nombreuses victimes décident de ne pas signaler le crime de violence sexuelle qu’elles ont subi. Quant aux victimes qui décident de faire un signalement et de se soumettre au processus judiciaire, le système de justice pénale est souvent un mécanisme qui leur inflige d’autres traumatismes, voire qui leur nuit. Bien souvent, subir une agression sexuelle provoque un traumatisme. Le traumatisme a un impact neurobiologique – il touche notre cerveau et notre système nerveux. C’est pourquoi il est impératif que les professionnels du système de justice pénale possèdent une compréhension élémentaire des effets et de l’impact du traumatisme sur les victimes d’agression sexuelle afin de traiter plus efficacement ces affaires et d’en recevoir les éléments de preuve de manière plus juste et impartiale. Il est survenu un changement de paradigme important et significatif dans nos connaissances sur les réactions des victimes à des événements traumatiques, comme une agression sexuelle, et cela inclut l’effet d’un traumatisme sur la mémoire. Cette compréhension a approfondi les connaissances et mené à de meilleures pratiques, ce qui nous aide à mettre au point et à rendre plus efficaces les interventions du système de justice pénale en matière d’agression sexuelle. Des connaissances issues de la neurobiologie des traumatismes ont aidé des spécialistes travaillant dans un large éventail de domaines à mieux saisir les réactions psychologiques et physiologiques à des crimes tels qu’une agression sexuelle, ainsi que la manière dont ces réactions agissent sur les victimes. Ces connaissances, par ricochet, ont facilité la prestation de services tenant davantage compte des traumatismes ainsi que l’exécution d’interventions plus appropriées et efficaces, et ce, depuis les premiers intervenants, comme les agents de police, jusqu’aux avocats et aux spécialistes du droit qui œuvrent dans les salles d’audience. Le présent rapport vise à exposer certaines des principales constatations tirées de cet ensemble de connaissances et à les appliquer au problème des agressions sexuelles et de leurs effets sur les victimes. Plus précisément, nous examinons et soulignons quelques-unes des principales constatations relatives à la neurobiologie du traumatisme propre au crime unique qu’est l’agression sexuelle, et en appliquons la pertinence aux nombreux défis qui entourent le traitement criminel d’une affaire d’agression sexuelle. La société en général ne comprend toujours pas bien les réactions des victimes d’agression sexuelle, et les « mythes entourant le viol » sont encore répandus. Malheureusement, ces incompréhensions persistent dans le système judiciaire. En fait, elles contribuent aux lacunes continues du traitement des affaires d’agression sexuelle dans le système de justice pénale, menant à une justice imparfaite pour les victimes et les survivants. C’est ce que l’on entend par la « faille de la justice » en matière d’agression sexuelle. Nous affirmons que cette faille peut, en partie, être comblée si nous nous rapprochons d’un système de justice pénale plutôt axé sur les traumatismes. Cela mènera ainsi à des résultats plus justes pour les victimes dans ce domaine tout en assurant davantage l’impartialité et l’équité que les procès criminels sont censés offrir à tous les participants.

Annexe 5 : Sommaire : Accès à la justice pour les adultes autochtones victimes d’agression sexuelle

Patricia Barkaskas et Sarah HuntNote de bas de page 218, 2017

Ce rapport a pour objet de critiquer diverses approches mises en place pour favoriser l’accès à la justice des adultes autochtones ayant survécu à des agressions sexuelles dans le contexte d’une colonisation continue et des initiatives menées par des Autochtones pour mettre fin à la violence. Le rapport cherche à faire entendre la voix d’organisations communautaires locales et d’autres acteurs extérieurs au système officiel de justice dans la discussion sur la documentation existante sur les agressions sexuelles subies par les Autochtones, de manière à favoriser des liens et à éclairer les orientations futures. Il vise aussi à établir un cadre d’analyse permettant de comprendre l’accès à la justice pour les adultes autochtones ayant été victimes d’agressions sexuelles à l’aide d’une approche décolonisante qui tient compte des traumatismes, afin que la « justice » et les « agressions sexuelles » soient redéfinies d’une manière qui corresponde à la réalité vécue par tous les Autochtones, y compris ceux qui sont marginalisés ou absents des publications officielles (c.-à-d., les personnes bispirituelles autochtonesNote de bas de page 219). L’objectif de ce rapport est de jeter les bases pour l’élaboration des approches visant à améliorer l’accès à la justice, le but ultime étant de diminuer les préjudices subis par les Autochtones et leurs collectivités. En plus d’une introduction, le rapport comporte sept sections principales qui sont brièvement abordées dans ce sommaire : 1) contexte historique et social de la colonisation et de son lien avec l’accès à la justice et la violence sexuelle, 2) examen et analyse de la jurisprudence, 3) obstacles à la justice, 4) analyse intersectionnelle des besoins des survivants, 5) définition de l’accès à la justice à l’intérieur et à l’extérieur du système judiciaire, 6) pratiques prometteuses et modèles novateurs, et 7) lacunes et domaines de recherches futures.

Contexte historique et social de la colonisation

Afin de comprendre la relation entre la violence sexuelle et l’accès à la justice dans les conditions de vie des peuples autochtones, ce rapport fournit une description contextuelle du rôle historique et constant de la violence sexuelle et de la loi dans le colonialisme. Les processus de colonisation ont façonné les conditions de vie actuelles des peuples autochtones. Le patriarcat et le racisme instaurés par la Loi sur les Indiens et les pensionnats indiens ont joué un rôle essentiel dans la colonisation au Canada. La Loi sur les Indiens a défini les droits autochtones dans une conception binaire du genre qui remplaçait d’autres conceptions culturellement distinctes, éliminant la diversité des genres des cadres juridiques et politiques, et imposant une hiérarchie qui dévalorisait les femmes et les filles. La marginalisation continue des femmes autochtones résultant des modèles patriarcaux de leadership imposés par des lois sanctionnées par le gouvernement est un facteur clé dans la définition de l’accès à la justice et de la violence sexuelle à l’heure actuelle. En outre, les abus courants, l’éclatement des familles et l’isolement culturel découlant du système de pensionnats indiens continuent d’être largement perçus comme une cause fondamentale de la violence sexuelle dans les populations autochtones aujourd’hui. De nos jours, les répercussions sont évidentes dans les régimes publics de protection de l’enfance. La violence sexuelle est considérée comme faisant partie d’un continuum de violence coloniale. Les agressions sexuelles sont souvent traitées comme allant de soi dans la vie de la population autochtone, en particulier des femmes et des filles, en raison des stéréotypes qui rendent les victimes elles-mêmes responsables de la violence dont elles sont victimes. En raison de sa prolifération et de sa banalisation, désigner la violence sexuelle comme violence a été un enjeu crucial de mobilisation pour les femmes autochtones. L’ubiquité de ce continuum de violence, ainsi que le rôle de la loi dans les processus de colonisation, nécessitent une approche décolonisante et une compréhension du traumatisme intergénérationnel au sein des systèmes et des processus de justice. De la même manière que la colonisation est considérée comme le déterminant clé de la santé des Autochtones aujourd’hui (Greenwood et coll. 2015), nous la comprenons comme le facteur clé qui donne à la justice son visage actuel, notamment pour ce qui est de l’accès à la justice pour les Autochtones ayant survécu à des violences sexuelles. Les possibilités pour les survivants autochtones d’obtenir justice sont et continueront d’être limitées par la violence coloniale dont la nature est structurelle.

Examen et analyse de la jurisprudence

L’examen et l’analyse de la jurisprudence canadienne ont été réalisés dans le but de déterminer, le cas échéant, les stratégies et les approches adoptées dans la poursuite d’individus accusés d’infractions sexuelles à l’encontre d’adultes autochtones. Comme dans la plupart des cas il s’agit d’agressions contre des femmes autochtones, une analyse de la façon dont les tribunaux canadiens traitent ces dernières a été très instructive pour évaluer les besoins des femmes autochtones et, dans la mesure du possible, ceux des transsexuels et des personnes bispirituelles ayant survécu à des violences et à des agressions sexuelles. Dans la plupart des cas, quand les tribunaux ont tenu compte des circonstances particulières des adultes autochtones victimes d’agressions sexuelles, il est apparu que des attitudes et des croyances continues et omniprésentes induites par le colonialisme, le racisme et le sexisme systémiques avaient une incidence négative sur la façon dont les survivants autochtones adultes étaient traités dans le système de justice canadien. Alors que les tribunaux ont observé la réalité complexe de la vie des peuples autochtones au Canada, ces observations incluent rarement la façon dont la colonisation naturalise la violence contre les individus, les familles et les collectivités autochtones. L’histoire visible de la violence légale instituée par le droit canadien est passée sous silence. Les tribunaux canadiens ne répondent pas véritablement aux préoccupations et aux besoins des Autochtones adultes ayant survécu à une agression sexuelle. Les décisions judiciaires semblent au contraire réitérer les discours racistes, sexistes et coloniaux qui créent des problèmes permanents d’accès à la justice pour les peuples autochtones au sein du système judiciaire. La triste réalité pour les Autochtones adultes ayant survécu à une agression sexuelle est que le système de justice canadien formel leur permet très rarement d’obtenir justice.

Obstacles à la justice

Alors que les obstacles liés à l’accès à la justice des peuples autochtones sont nombreux au Canada, ce rapport souligne les quatre problèmes persistants suivants qui constituent des obstacles importants à l’accès à la justice des Autochtones adultes ayant survécu à une agression sexuelle : 1) la culture coloniale du système judiciaire canadien, 2) le racisme, 3) la peur et la méfiance et 4) des approches individualisées à l’égard des crimes violents. Notre analyse des obstacles auxquels sont confrontés les Autochtones ayant survécu à des agressions sexuelles dans l’accès à la justice est fondée sur une évaluation critique de ce que signifie la justice dans ce contexte. Comme l’examen et l’analyse de la jurisprudence l’indiquent, le système officiel de justice ne semble pas offrir un accès véritable à la justice aux Autochtones adultes ayant survécu à des agressions sexuelles. En revanche, ce rapport détermine que les obstacles auxquels se heurtent les Autochtones dans l’accès à la justice sont issus d’un long historique de la contribution du colonialisme, et de l’impact persistant de la violence colonialiste inscrite dans le système de justice canadien. En fait, les systèmes judiciaires officiels s’avèrent parfois plus néfastes dans la perpétuation de stéréotypes racistes, sexistes et coloniaux quant à la question de savoir comment et pourquoi les Autochtones en viennent à subir des violences. Notre analyse établit des liens entre l’échec du système judiciaire à offrir un accès véritable à la justice et les lacunes historiques et persistantes du gouvernement canadien à aborder le fait que l’injustice du colonialisme a des répercussions directes sur le rythme auquel les Autochtones subissent des violences à caractère sexuel. Le racisme institutionnel au sein du système judiciaire canadien est lié à celui d’autres institutions de l’État, notamment le système de protection de l’enfance, les systèmes de justice pénale et familiale, les systèmes de santé et de soins médicaux qui façonnent les conditions de vie de la population autochtone. En raison de leurs diverses rencontres sur un large éventail d’expériences avec les institutions étatiques et leurs acteurs, dont l’approche est alimentée par un racisme inhérent, les Autochtones développent la peur et la méfiance en raison de la discrimination permanente qu’ils subissent. Ces expériences négatives individuelles s’ajoutent au bilan historique collectif de la violence coloniale quotidienne que rencontrent les individus, les familles et les collectivités autochtones. Même une fois révélé, le manque de responsabilité au sein des institutions canadiennes conforte les systèmes qui maintiennent le statu quo. Cette mauvaise volonté permanente à aborder le racisme sous-jacent réifie les pratiques et les politiques racistes et sexistes, et contribue à l’incapacité des peuples autochtones à faire confiance aux acteurs et aux institutions de l’État. Pour ce qui est de l’accès à la justice des Autochtones adultes ayant été victimes d’agressions sexuelles, il ne peut y avoir de justice sans responsabilité de l’État à l’égard des violences coloniales passées et actuelles. Cela ne peut avoir lieu que par la reconnaissance de l’incidence de la violence du colonialisme comme cause fondamentale de la violence sexuelle dirigée contre les Autochtones. Cependant, le système de justice canadien traite désormais séparément les accusations criminelles et les circonstances invoquées par chaque victime. Cela ne veut pas dire que chaque accusé, crime ou victime ne devrait pas être considéré comme étant un cas d’espèce, en fonction de la preuve ou et des faits, mais plutôt que les causes fondamentales sous-jacentes de la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice, que ce soit à titre de victimes ou de délinquants, doivent être reconnues.

Analyse intersectionnelle des besoins des survivants

Les publications nord-américaines sur la violence sexuelle tendent à présenter la question d’un point de vue féministe suivant lequel la violence sexuelle est commise par des hommes contre des femmes. Ce point de vue est souvent repris dans les publications sur les épisodes de violence sexuelle subis par les femmes autochtones, le colonialisme et la race étant considérés comme des facteurs additionnels d’accroissement des risques et des répercussions. Dans ces schémas, les femmes autochtones sont souvent représentées exclusivement sous l’angle de leur vulnérabilité accrue à la victimisation. En ignorant le rôle fondamental du colonialisme de peuplement et de la violence systémique, la vulnérabilité est entérinée comme inhérente au fait d’être une femme ou une fille autochtone. Cependant, les militants anti-violence et les auteurs autochtones défendent des démarches intersectionnelles qui considèrent les recoupements structurels dans la vie des Autochtones comme une forme et une source de violence ne pouvant être isolée des cas individuels de viols, d’agressions sexuelles, de harcèlement sexuel et d’exploitation sexuelle des enfants. Plutôt que d’isoler la violence sexuelle des autres aspects de la vie des Autochtones — comme c’est souvent le cas lorsque la fréquence de la violence n’est documentée qu’au moyen de statistiques concernant des incidents individuels de victimisation—, ce rapport fait valoir que la violence sexuelle doit être considérée comme étant liée à d’autres formes de violence, y compris la marginalisation interpersonnelle et systémique. Les besoins individuels des survivants sont donc compris comme inséparables des facteurs communautaires systémiques et historiques. L’approche intersectionnelle autochtone de l’accès à la justice pour les Autochtones ayant survécu à des agressions sexuelles est avancée dans les cinq principes suivants : 1) le respect de la souveraineté et de l’autodétermination, 2) un savoir local et global basé sur la terre, 3) la santé holistique à l’intérieur d’un cadre reconnaissant la diversité de la santé autochtone, 4) la capacité d’agir et la résistance et 5) des approches ancrées dans les relations, les langues, les terres et les cérémonies propres aux nations autochtones. Les survivants autochtones se heurtent à des obstacles particuliers lorsqu’il s’agit de décrire leur vécu et de se sentir valorisés compte tenu du bâillonnement et de la normalisation de la violence sexuelle dans de nombreuses collectivités autochtones ainsi que de la discrimination sociétale qui délégitimise les expériences vécues par les Autochtones. Les Autochtones sexuellement agressés à l’âge adulte connaissent également la honte et le secret liés à l’indignité, à l’embarras et à la peur de ne pas être crus ou d’être victimes de représailles pour avoir divulgué les agressions. Dans ces conditions complexes de musellement, les survivants autochtones ont besoin d’approches leur permettant de raconter leurs histoires dans leurs propres mots. Pour une personne, raconter qu’elle a été victime d’abus sexuel, ainsi qu’être entendue et crue est une étape essentielle reconnue de la reprise de son pouvoir personnel, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du système de justice. Le rôle des récits au sein des pratiques culturelles autochtones de la justice et de la résurgence est essentiel à une démarche intersectionnelle de l’accès à la justice, adaptée aux besoins particuliers de la population autochtone marginalisée, comme les travailleurs du sexe, les individus aux prises avec une toxicomanie, les personnes bispirituelles et les transgenres. Il a été avancé que les Autochtones sont représentés soit par leur victimisation soit par leur criminalisation dans la plupart des paradigmes de la justice autochtone. Ces approches restreignent les possibilités de reconnaître la plénitude des connaissances et de l’expérience des survivants et la plénitude de leur subjectivité politique au sein du cadre de l’autodétermination autochtone. Pour dépasser les paradigmes criminel-victime suivant lesquels les Autochtones sont soit des criminels soit des victimes, des changements idéologiques et systémiques s’imposent pour migrer vers des paradigmes ancrés dans l’autodétermination autochtone. Cette section aborde en outre l’importance qu’il y a d’aller au-delà des excuses de l’État pour encourager la prise de responsabilité des maux systémiques de la colonisation, notamment les abus de pouvoir de la police. En outre, le rapport préconise une analyse fondée sur un genre autochtone tenant compte à la fois de la nature sexuée des infractions sexuelles visant principalement les femmes, et du fait que les Autochtones de tous genres subissent des violences sexuelles. Une démarche intersectionnelle autochtone utilise les analyses du genre autochtone qui tiennent compte de la spécificité du genre au sein des diverses expériences vécues par les Autochtones, les pratiques culturelles et les enseignements. D’autres sujets incluent des approches localisées, la santé et la réduction des risques, et des approches allant au-delà d’une définition coloniale de la justice afin d’imaginer un monde sans violence sexuelle.

Définition de l’accès à la justice à l’intérieur et à l’extérieur du système judiciaire

Une analyse autochtone intersectionnelle de l’accès à la justice pour les Autochtones ayant été victimes de violences sexuelles révèle que la violence systémique a été, et continue d’être, un obstacle majeur à la justice recherchée par les Autochtones et leurs collectivités. Dans le contexte du colonialisme canadien, il faut bien comprendre que le processus consistant à redéfinir la justice pour les survivants autochtones est toujours délimité par les facteurs structurels qui continuent de priver ces derniers de l’autodétermination sur les plans individuels et collectifs. Bien que les critiques à l’intérieur et à l’extérieur du système de justice reconnaissent les lacunes et les échecs systémiques dans le traitement des violences sexuelles subies par les Autochtones, un grand nombre d’entre eux continuent de défendre un modèle mixte dans lequel les institutions et les acteurs judiciaires travaillent en parallèle avec le savoir et l’expérience des collectivités autochtones. D’autres se méfient légitimement des systèmes de justice canadiens, estimant que la justice doit nécessairement être obtenue hors du système judiciaire, surtout lorsque la violence sexuelle se produit dans des familles autochtones. De nombreux efforts visant à définir l’accès à la justice pour les survivants autochtones essayent de composer avec l’impossibilité d’obtenir une justice véritable pour ceux dont les vies ont toujours partie liée avec les idéologies et les systèmes coloniaux. L’accès à la justice est plutôt défini dans l’optique d’éviter la perpétuation des traumatismes en privilégiant activement les connaissances, les perspectives et les voix autochtones. Le rapport examine, en outre, les efforts visant à définir l’accès à la justice pour les Autochtones adultes ayant été victimes de violences sexuelles dans le contexte de ces tensions systémiques et historiques.

Pratiques prometteuses et modèles novateurs

Le présent rapport détermine des pratiques prometteuses et des modèles novateurs à l’intérieur et à l’extérieur du système judiciaire qui peuvent servir de lignes directrices pour permettre aux Autochtones adultes ayant survécu à des agressions sexuelles d’avoir accès à la justice. Trois domaines d’intérêt ont été déterminés : 1) guérison et justice communautaire et locale, 2) pratiques policières de soutien, et 3) modèles de justice alternative et réparatrice. La guérison et la justice communautaires et locales ont un rôle important dans les processus de justice, là où une telle chose est souhaitable ou lorsque le survivant ou la victime choisit, de manière responsabilisée, de s’engager ou de se désengager dans de tels processus. Avec un soutien et des ressources appropriés, des initiatives communautaires qui pour le moment sont des modèles de justice informels, pourraient être constituées en processus formels dirigés par la collectivité, spécifiques à la collectivité et culturellement appropriés à la justice ayant la capacité de répondre directement aux besoins des survivants adultes autochtones. Pour réussir, ces modèles, aussi variés et spécifiques à la collectivité qu’ils soient, doivent également prendre en compte le sexisme, l’homophobie et la transphobie. Comme la justice est relationnelle, tout programme visant à la création de pratiques policières de soutien doit aller au-delà des politiques et se préoccuper de la mise en œuvre. Les suggestions avancées par les collectivités autochtones à ce chapitre sont décrites dans divers rapports et travaux de recherches. Les consultations auprès des Autochtones désignent trois chantiers importants auxquels doivent se consacrer les forces policières du Canada pour bâtir des pratiques policières de soutien : 1) responsabilité policière, 2) développement des relations et 3) initiatives policières communautaires dirigées par les Autochtones. Il est essentiel que, pour mettre en œuvre les démarches tenant compte des traumatismes et des pratiques sûres d’un point de vue culturel, toutes ces initiatives reposent sur une instruction antiraciste et décolonisante ainsi que sur une formation axée sur la compétence culturelle destinée aux policiers. Les grands objectifs du processus de justice réparatrice (JR) sont les suivants : 1) rendre les délinquants responsables envers les victimes et la collectivité, 2) intensifier le rôle des victimes et de la collectivité en vue d’assurer cette responsabilité, 3) réparer le préjudice causé et rétablir les relations qui ont été endommagées par l’acte criminel commis. Les mêmes attitudes coloniales sexistes et racistes sous-jacentes au système de justice canadien compromettent et continueront de compromettre largement le bon usage de mécanismes de JR dans les affaires d’agression sexuelle. À moins que les problèmes fondamentaux liés aux attitudes coloniales, sexistes et racistes qui imprègnent les procédures formelles de justice au Canada ne soient directement pris en compte, il est improbable que le recours à la JR atteigne ses principaux objectifs. En outre, les processus de JR doivent prévoir un rôle accru et significatif pour les survivants, les familles et les collectivités en assurant la responsabilité du délinquant ou en réparant le préjudice causé et en rétablissant les relations qui ont été endommagées par l’agression sexuelle commise. Cela pourrait s’avérer impossible dans de nombreux cas. Les tribunaux des Premières Nations (TPN), les tribunaux de type Gladue et les tribunaux autochtones sont généralement désignés comme des tribunaux spécialisés ou de résolution des problèmes. Les tribunaux subsidiaires formels opèrent au sein du système de justice canadien et ne traitent que de la détermination de la peine des délinquants autochtones ayant plaidé coupables. En outre, les processus subsidiaires de détermination de la peine, comme les cercles de détermination de la peine, reposent sur les pouvoirs, issus de la common law, que les juges ont de modifier le format judiciaire. Le recours à ces cercles dans les cas de violence conjugale et de violence infligée par des partenaires intimes a fait l’objet de travaux de recherche; cependant, les données sont insuffisantes quant à l’utilité que peuvent avoir ces modèles pour les adultes autochtones ayant été victimes d’agressions sexuelles ou leurs familles, aux fins de leur guérison et de la responsabilisation des agresseurs. Même si ces tribunaux ou ces cercles de détermination de la peine examinaient des cas d’agressions sexuelles, une autre limite de ces processus subsidiaires tient au fait que la participation ne servira pas nécessairement l’intérêt supérieur des victimes, surtout si le crime est particulièrement violent ou s’il s’agit d’une agression sexuelle. Les options dont peuvent se prévaloir les victimes d’agression sexuelle pour participer au processus de justice peuvent être limitées non seulement par l’absence de soutiens formels qui leur sont destinés, mais également par la réponse ou les pressions de la collectivité. Bien que les Aînés ou les membres de la collectivité puissent dans une certaine mesure participer à ces processus, ces modèles manquent de lois ou de concepts de justice autochtones, car ils reposent encore sur le système de justice canadien officiel.

Suggestions pour aller de l’avant

Le présent rapport détermine les possibilités d’innover dans les secteurs de la formation, de la justice communautaire et des recherches soutenues et financées par le gouvernement :
1. Formation
Formation des représentants de la Couronne et de la défense, des juges et des autres acteurs juridiques au sujet des répercussions historiques et actuelles de la violence du colonialisme. Formation des représentants de la Couronne et de la défense, des juges et des autres acteurs juridiques à propos des réalités historiques et actuelles des peuples autochtones locaux, y compris la consultation de la collectivité qui permet la progression de l’intégration des suggestions dans la conception et la mise en œuvre des pratiques de justice.
2. Modèles de justice communautaire
Accroissement du financement pour la création et le soutien de cliniques d’aide juridique autochtones, imbriquées dans la collectivité, offrant des voies d’accès à la justice enracinées dans des pratiques sûres d’un point de vue culturel, tenant compte des traumatismes et individualisées et qui visent à diminuer les préjudices subis par les individus ayant survécu à des violences sexuelles et leurs familles lorsqu’ils s’engagent dans une procédure pénale. Compte tenu des lacunes du système de justice à traiter de façon appropriée les violences sexuelles endémiques subies par la population autochtone, de nombreuses collectivités ont élaboré des systèmes de soutien informels pour les survivants, dans lesquelles des personnes de la localité travaillent individuellement et collectivement pour offrir un soutien ou des services de justice sûrs du point de vue culturel. Ceci est particulièrement évident dans les collectivités disposant de ressources de justice formelles insuffisantes ou inadaptées. Un soutien devrait être apporté pour former ces individus et les rémunérer afin qu’ils agissent dans un rôle de liaison ou offrent un soutien culturellement et personnellement approprié, si le survivant ne souhaite pas choisir une option formelle de dénonciation de violence sexuelle.
3. Recherches soutenues et financées par le gouvernement
Soutien destiné à des recherches appropriées du point de vue culturel portant sur l’accès spécifique aux besoins en matière de justice des personnes bispirituelles et transsexuelles ayant survécu à des agressions sexuelles, des travailleurs du sexe, des hommes, des aînés et d’autres groupes faisant l’objet d’études menées par des chercheurs certifiés formés aux approches tenant compte des traumatismes et ancrés dans divers contextes communautaires et judiciaires. Engagements pour des investissements à long terme dans des études qui suivent la réussite d’approches intégrées et novatrices pour l’accès à la justice des Autochtones ayant survécu à des violences sexuelles; aussi, fournir un renforcement permanent des capacités pour les adaptations et les modifications nécessaires des modèles de programme. Du fait que la constitution prévoit que la responsabilité à l’égard des Autochtones au Canada incombe au gouvernement fédéral, un mécanisme mis en œuvre au niveau fédéral dans toutes les régions du Canada pour consigner les violences sexuelles subies par des Autochtones, et ce, quelles que soient les mesures prises par la police, les représentants de la Couronne et d’autres représentants de la justice, notamment la consignation de la non-intervention ou d’interventions inappropriées ou nuisibles de la part de représentants de la justice et de fournisseurs de services pour fournir aux survivants l’accès à la justice. Le rapport contient des recommandations supplémentaires pour répondre aux lacunes particulières des recherches.

Bibliographie

Lois applicables

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  • R. c. DD,2000 CSC 43, [2000] 2 RCS 275
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  • R. c. SJL,2009 CSC 14, [2009] 1 RCS 426
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