Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice et de la sécurité publique

Rapport final à l’intention des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice et de la Sécurité publique

Sommaire

Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) décrit une vaste gamme de présentations et de déficiences causées par l’exposition prénatale à l’alcool. Bien que certaines personnes souffrant du TSAF aient des malformations physiques apparentes, la plupart n’en n’ont pas, ce qui rend difficle le diagnostic. Les personnes souffrant du TSAF ont souvent des problèmes de toxicomanie et de santé mentale, des difficultés d’adaptation à l’école et au travail, des difficultés à atteindre l’autonomie et une propension à avoir des démêlés avec le système de justice pénale. En ce qui concerne la question des démêlés avec le système de justice pénale, les travaux de recherche indiquent qu’il y existe une surreprésentation des personnes atteintes du TSAF.

En vue d’examiner le TSAF dans le contexte du système de justice pénale, une conférence nationale sur l’ETCAF (TSAF) a eu lieu à Whitehorse (Yukon) en 2008. Cette conférence, intitulée « La voie de la Justice : L’accès à la justice pour les personnes souffrant de troubles causés par l’alcoolisation fœtale » a établi qu’il était nécessaire de combler les lacunes du système de justice pénale qui touchent les personnes atteintes du TSAF dans les secteurs suivants : la communication de renseignements, l’éducation et la sensibilisation, les initiatives et les programmes spécialisés ainsi que le diagnostic des TSAF.

À la suite de cette conférence, les ministres et les sous-ministres responsables de la Justice et de la Sécurité publique des paliers fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) ont convenu qu’il était nécessaire de mieux comprendre l’incidence que le TSAF a sur les personnes ayant des démêlés avec le système de système de justice pénale. Il y a donc eu  création d’un Comité directeur sur le TSAF et l’accès à la justice (le Comité directeur), composé de représentants de divers ministères de la Justice au Canada. Le présent rapport reflète les résultats du travail du Comité directeur, qui a été le fruit d’une collaboration et d’une consultation importante avec un certain nombre d’autres groupes de travail gouvernementaux et d’organismes non gouvernementaux.

La section 1 du rapport présente un contexte qui présente un apercu du TSAF dans le contexte du système de justice pénale ainsi qu’un résumé de la démarche du Comité directeur en vue de l’examen de la question du TSAF. La section 2 présente l’analyse de plusieurs recommandations relatives à une réforme du Code criminel en vue de lutter contre le TSAF. Enfin, la section 3 présente les recommandations du Comité directeur sur le TSAF en ce qui a trait à la question de l’accès à la justice pour les personnes souffrant du TSAF.

Ces recommandations sont présentées pour examen en vue de faire avancer le dossier du TSAF dans le système de justice pénale en mettant l’accent sur les points ci-après : une considération élargie de la santé mentale et les déficiences neurocognitives, la prévention des démêlés avec les système de justice pénale et de la récidive, la révision du système de justice pénale, les possibilités de recherche supplémentaire, le dépistage et la prévalence, la justice réparatrice, la mise à profit des services actuels de psychiatrie légale, l’échange de renseignements et l’éducation.

Section 1 : Contexte

Trouble du spectre de l’alcoolisation foetale

 Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) décrit une vaste gamme de présentations et de déficiences causées par l’exposition prénatale à l’alcool. Bien que certaines personnes souffrant du TSAF aient des malformations physiques apparentes, la plupart n’en n’ont pas. Pour cette raison, on dit souvent que le TSAF est un
« handicap invisible ». Règle générale, les personnes atteintes du TSAF présentent des défaillances du système nerveux central, susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur les habiletés motrices, la neuroanatomie/neurophysiologie, la cognition, le langage, le rendement scolaire, la mémoire, l’attention, le fonctionement exécutif, y compris le contrôle des impulsions et l’hyperactivité, la régulation de l’affect; et le comportement adaptatif, les aptitudes sociales ou la communication sociale. En outre, ces incapacités peuvent comprendre des problèmes de toxicomanie et de santé mentale, des difficultés d’adaptation à l’école et au travail, des difficultés à atteindre l’autonomie et ainsi qu’une propension à avoir des démêlés avec le système de justice pénale.

Les travaux de recherche indiquent qu’il existe une surreprésentation des personnes souffrant du TSAF dans le système de justice pénale. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, le TSAF toucherait environ 1 % de la population canadienne1. Des études menées récemment en milieu correctionnel font état d’une prévalence du TSAF beaucoup plus élevée, soit 10 % dans un établissement fédéral2 et 17,5 % dans un établissement du Yukon3. Par ailleurs, selon l’étude menée au Yukon, 13,75 % des détenus avaient reçu un diagnostic du TSAF, mais ce diagnostic a été reporté, en attendant la confirmation de l’exposition prénatale à l’alcool. Au total, c’est donc 31 % des délinquants visés par l’étude au Yukon chez qui l’on a confirmé comme atteint du TSAF ou de déficiences semblables, mais sans confirmation de l’exposition prénatale à l’alcool.

Par ailleurs, ces deux études canadiennes font état d’un taux élevé de déficiences cognitives légères à modérées, à savoir 70 % dans l’étude fédérale4 et environ 94 % dans l’étude du Yukon study5. La portée de ces études est limitée, mais les résultats montrent que des interventions ciblées et des recherches supplémentaires sur l’accès à la justice pour les délinquants atteints du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs sont nécessaires.

 Le Comité directeur sur le TSAF et l’accès à la justice

 En 2008, une conférence nationale sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation foetale (ETCAF ou TSAF) a été organisée à Whitehorse (Yukon). Cette conférence, intitulée « La voie de la Justice : L’accès à la justice pour les personnes souffrant de l’alcoolisation foetale » a établi qu’il était nécessaire de combles les lacunes du système de justice pénale qui touchent les personnes atteintes d’un TSAF dans les secteurs
ci-après : la communication de renseignements, l’éducation et la sensibilisation, les initiatives et les programmes spécialisés ainsi que le diagnostic des TSAF.

À la suite de cette conférence, les ministres et les sous-ministres responsables de la Justice et de la Sécurité publique des paliers fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) ont convenu qu’il était nécessaire de mieux comprendre l’incidence que le TSAF a sur les personnes ayant des démêlés avec le système de système de justice pénale, et il y a eu création d’un Comité directeur sur le TSAF et l’accès à la justice (le Comité directeur), composé de représentants de fonctionnaires de divers ministères de la Justice au Canada. Le Comité directeur était chargé d’examiner la façon de faciliter l’accès à la justice aux personnes atteintes de TSAF en consultation et en collaboration avec des hauts fonctionnaires responsables des questions connexes, et avec des organisations non gouvernementales6.

Les travaux du Comité directeur se sont articulés autour de deux plans de travail   (2009 et 2013 respectivement), qui étaient en grande partie fondés sur les recommandations découlant de la conférence nationale de 20087. Au début de son mandat, le Comité directeur a également collaboré avec l’Association du Barreau canadien (ABC), ce qui a donné lieu à certaines recommandations de changements en matière politique et législative. Le Comité directeur a ensuite collaboré avec d’autres fonctionnaires FPT possédant une expertise connexe afin d’analyser un certain nombre de proposition de réforme du Code criminel dans le but de lutter contre le TSAF dans le système de justice pénale. Ces propositions comprenaient deux résolutions émanant de l’ABC, des recommandations tirées du Consensus Statement of Legal Issues on Fetal Alcohol Spectrum Disorder (2013) [Déclaration consensuelle sur les questions de droit touchant le Trouble du spectre de l’alcoolisation foetale] (Déclaration consensuelle), élaborée par l’Institute of Health Economics, ainsi qu’un ensemble de projets de loi d’initiative parlementaire déposées devant le Parlement du Canada.

De plus, le Rapport de la Commission de vérité et reconciliation du Canada comprenait deux appels à l’action visant à traiter spécifiquement du TSAF du point de vue de la prévention, de même qu’au sein du système de justice pénale. Ces événements et ces initiatives ont servi de fondement aux travaux du Comité directeur sur le TSAF en tant que problème d’accès à la justice.

 Section 2 : Considérations relatives aux recommandations de réforme législative pour les personnes atteintes du TSAF

Au cours des dernières années, il y a eu de nombreuses initiatives appelant à une réforme législative afin de répondre aux préoccupations relatives aux personnes atteintes du TSAF dans le système de justice pénale. Ces initiatives comprennent deux résolutions  formulées par l’ABC, la Déclaration consensuelle de l’Institute for Health Economics (2013), trois projets de loi d’initiative parlementaire (projets de loi C-583, C-656 et C-235) ainsi que les appels à l’action du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui ciblaient tout particulièrement le TSAF.

Des fonctionnaires FPT possédant une expertise dans la détermination de la peine, la justice réparatrice, la procédure pénale et les troubles mentaux ont effectué une analyse des recommandations sur la réforme du droit pénal; en général, ils ont conclu que la plupart des objectifs formulés dans ces recommandations pourraient être atteints à l’aide de méthodes autres qu’une réforme législative, par exemple, au moyen de changements aux politiques ou aux programmes.

De plus, l’établissement de modifications législatives qui cibleraient un trouble particulier afin de lui accorder un traitement spécial au détriment des autres troubles n’a reçu aucun appui. On a fait observer que le droit pénal ne cible pas actuellement de troubles particuliers et qu’il n’existe aucune raison de principe de distinguer les TSAF de cette manière. Cela a été reconnu dans la Déclaration consensuelle, laquelle prône l’utilisation de termes plus généraux dans ses recommandations afin d’inclure les déficiences intellectuelles, comme les TSAF. Toutefois, même en utilisant les termes plus généraux proposés, il se pourrait que certains troubles ne soient pas inclus, créant du même coup une incidence différentielle chez les personnes.

L’analyse des recommandations de réforme législative peut être divisée dans les catégories suivantes : définition du TSAF, élargir les pouvoirs d’évaluation prévus dans le Code criminel, mise en liberté provisoire par voie judiciaire, défense de capacité réduite, et détermination de la peine.

Définition du TSAF

 Il a été proposé que le TSAF soit spécifiquement défini dans le Code criminel par renvoi aux Lignes directrices médicales. La définition proposée devrait permettre à un juge de conclure qu’une personne accusée est atteinte du TSAF, même dans les cas où l’on ne dispose pas de preuve attestant que la mère a consommé de l’alcool pendant sa grossesse (un élément essentiel du diagnostic médical).

Puisque le Code criminel ne définit pas d’autre trouble mental ou neurocognitif, les fonctionnaires n’ont pas été en mesure de cerner une raison de principe de distinguer un type de déficience au détriment de toutes les autres, et n’ont pas appuyé cette recommandation.

Par ailleurs, les fonctionnaires n’ont pas appuyé l’autre proposition visant à permettre à un juge de conclure qu’une personne est atteinte du TSAF. Des réserves ont été exprimées quant au fait que cela pourrait placer les juges dans un rôle inapproprié de diagnosticien, qui serait encore plus inapproprié s’il leur était permis d’établir un diagnostic en l’absence de preuve médicale.

Élargir les pouvoirs d’évaluation prévus dans le Code criminel

 Il y avait de nombreuses recommandations visant à permettre au tribunal d’ordonner une évaluation particulière pour déterminer si une personne est atteinte du TSAF. Les objectifs juridiques précis pour lesquelles la tenue d’une évaluation visant à déterminer la présence du TSAF pourrait être ordonnée varient d’une recommandation à l’autre. Dans certains cas, aucune fin légale particulière n’a été précisée, dans d’autres cas, on croit qu’une évaluation pourrait être nécessaire pour les besoins de la mise en liberté provisoire, de la détermination de la peine et, dans certaines situations, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Les fonctionnaires ont déterminé qu’il n’y a pas de justification sur le plan de la politique pour conférer un pouvoir d’évaluation dans le but de déterminer la présence d’un trouble spécifique.

Les fonctionnaires avaient certaines réserves à l’égard du pouvoir d’évaluation proposé pour les besoins de la mise en liberté provisoire. Ces réserves sont imputables à un certain nombre de raisons, notamment en ce qui a trait à l’utilisation susceptible d’être faite des déclarations faites par l’accusé au cours de l’évaluation, au temps et aux ressources nécessaires, ainsi qu’à la détention possible de l’accusé pour une période pouvant aller jusqu’à 60 jours aux fins de l’évaluation.

Il a été convenu qu’il pourrait être justifié de clarifier les pouvoirs des tribunaux d’ordonner des évaluations de l’état mental de l’accusé pour les besoins de la détermination de la peine. Actuellement, les évaluations aux fins de la détermination de la peine sont réalisées en vertu de différents pouvoirs à l’échelle du pays. Certaines administrations obtiennent des évaluations par le truchement des pouvoirs prévus dans les lois provinciales relatives à la santé mentale, d’autres administrations s’appuient sur la jurisprudence alors que d’autres ne sont tout simplement pas en mesure d’ordonner que de telles évaluations soient réalisées.

Les fonctionnaires étaient d’avis que le fait de préciser les pouvoirs d’évaluation prévus par le Code criminel aux fins de la détermination de la peine, au lieu de créer une évaluation spécifique du TSAF, permettrait au tribunal de rassembler la preuve pertinente au sujet de l’accusé, qui pourrait inclure de l’information concernant les capacités, les limites et les besoins en matière de soutien du délinquant. Cela permettrait de répondre à de nombreuses préoccupations soulevées par la proposition initiale et pourrait avoir des répercussions positives sur l’ensemble des délinquants du système de justice pénale, et non seulement pour ceux atteints du TSAF. Des fonctionnaires ont également remarqué que le diagnostic d’une déficience au cours d’une évaluation pour les besoins de la détermination de la peine n’entraînera pas nécessairement la réduction de la peine du délinquant, tout particulièrement si l’évaluation indique que le délinquant ne peut être géré dans la collectivité.

 Puisque les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent assumer les coûts associés à l’établissement de nouveaux pouvoirs d’évaluation, cette approche devrait faire l’objet d’études et de consultations plus approfondies en vue d’établir notamment quelles seront les répercussons sur le plan des ressources et des finances.

Mise en liberté provisoire par voie judiciaire (cautionnement)

 Certaines des propositions visant à lutter contre le TSAF préconisent une réforme législative et des changements à apporter aux normes opérationnelles et aux procédures relatives à la mise en liberté provisoire des accusés atteints du TSAF. Ces recommandations visaient à remédier à ce qui est perçu comme étant un traitement injuste des accusés atteints du TSAF, qui sont devant le tribunal pour une enquête sur la mise en liberté provisoire lorsqu’il existe une preuve indiquent qu’ils pourraient bien ne pas être de bons candidats pour la mise en liberté provisoire puisqu’ils ont des antécédents de défaut de comparution et de non-conformité aux des conditions de mises en liberté provisoire.

Comme il a été susmentionné, des fonctionnaires ont conclu qu’il était déconseillé de procéder à une réforme législative ciblant spécifiquement le TSAF et d’exclure d’autres troubles. À leur avis, les préoccupations soulevées quant à l’incidence du TSAF sur l’issue d’une enquête sur la mise en liberté provisoire sont bien fondées; cependant, on pourrait y répondre d’autres façons. Par exemple, des programmes de supervision de la mise en liberté provisoire et des cautions pourraient être utilisés pour surmonter les difficultés.

Il avait été recommandé que l’accent soit mis sur les pratiques et les politiques opérationnelles comme la formation et les méthodes ou techniques visant à prendre en considération les TSAF aux différentes étapes précédant le procès.

Défense de capacité réduite

 L’une des recommandations préconisait la création d’un moyen de défense prévu par la loi, fondé sur la capacité réduite. Cela pourrait s’appliquer aux situations où un accusé ne satisfait aux critères lui permettant de faire valoir une défense de troubles mentaux, mais, du fait qu’il est atteint du TSAF, il ne serait pas jugé selon les mêmes critères qu’une personne en pleine possession de ses moyens.

Des fonctionnaires étaient d’avis que le fait d’apporter un changement de cette nature au droit pénal aurait de grandes répercussions et qu’avant d’effectuer un tel changement, il faudrait obtenir de plus amples directives des sous-ministres. En effet, on ne sait pas si la loi en vigueur contient une lacune à cet égard. De plus, il faudrait organiser d’importantes consultations avec l’ensemble de la communauté juridique de même qu’avec les experts en psychiatrie légale.

Par ailleurs, il a été signalé que l’élaboration de moyens de défense partiels, comme celui qui est proposé, découle souvent d’un manque de pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait aux décisions possibles à l’étape de la détermination de la peine. Puisque le gouvernement fédéral s’est engagé à réexaminer la question des PMO et d’autres questions connexes en matière de détermination de la peine, il serait plus approprié et plus efficace d’examiner la question de la capacité réduite dans le contexte des réformes de la détermination de la peine.

Détermination de la peine

 La majorité des recommandations de réforme législative ont trait aux questions de détermination de la peine. Chacune de ces recommandations sera maintenant examinée à tour de rôle.

Le TSAF comme facteur atténuant – Il a été recommandé que le Code criminel soit modifié pour que les TSAF soient spécifiquement considérés comme étant une circonstance atténuante dans tous les cas.

En plus des préoccupations que soulève le fait d’inclure seulement les TSAF , des fonctionnaires ont souligné que rien dans les lois en vigueur n’interdit que les TSAF soient pris en compte à titre de facteur atténuant lorsque les circonstances sont appropriées. L’adoption d’une telle mesure dérogerait de la démarche juridique traditionnelle consistant à codifier seulement les facteurs aggravants qui peuvent facilement être considérés comme étant aggravants dans tous les cas. Par contre, on ne peut en dire autant des facteurs atténuants et, en fait, il existe certaines situations où des troubles comme des TSAF ne seraient pas considérés comme étant des facteurs atténuants (p. ex. durant le procès d’un délinquant dangereux où l’on entretient des doutes concernant la capacité de gérer ledit délinquant dans la collectivité). Le Code criminel devrait maintenir cette souplesse.

Légiférer la responsabilité réduite pour le TSAF – Il a également été recommandé que le Code criminel soit modifié de façon à prévoir que, pour la détermination de la peine, le degré de responsabilité de l’accusé est moindre si ce dernier souffre de TSAF. Une fois de plus, des fonctionnaires ont exprimé des réserves relatives au fait d’inclure seulement certaines déficiences. D’autres fonctionnaires ont conclu que le principe fondamental de la détermination de la peine, qui exige que le juge inflige une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, est la façon la plus appropriée de reconnaître tout niveau réduit de responsabilité d’un délinquant.

Principale considération à l’égard de la réinsertion sociale des délinquants atteintes du TSAF et de l’imposition de peines à purger dans la collectivité – Un certain nombre de recommandations visant à prévoir le TSAF dans le Code criminel mettaient l’accent sur la question de la réinsertion sociale. Tout particulièrement, que les objectifs en matière de la détermination de la peine soient modifiés afin de prévoir que, lorsque le délinquant souffre de déficience intellectuelle ou de troubles neurocognitifs (comme le TSAF), le tribunal accorde une attention particulière à l’objectif de réinsertion sociale et impose une peine à purger dans la collectivité. Il a également été recommandé que l’expression « réinsertion sociale » soit précisée à l’alinéa 718d) (principe fondamental de détermination de la peine) de façon à ce qu’elle signifie qu’il y a une probabilité raisonnable que le délinquant soit réintégré dans la collectivité.

 La modification des principes de détermination de la peine de manière à laisser entendre que la réadaptation sociale est le principal objectif de la détermination de la peine dans les affaires impliquant des personnes atteintes de TSAF (autres déficiences). Des fonctonnaires ont conclu que les principes actuels de détermination de la peine sont suffisamment larges pour que le principe de la réinsertion sociale soit pris en considération de façon adéquate dans les cas appropriés.

Il a été déterminé que le texte actuel de l’alinéa 718d) du Code criminel, qui fait état du fait de favoriser la réinsertion sociale des délinquants, était suffisant pour répondre à la préoccupation soulevée. Des fonctionnaires ont également soutenu que la version française de l’alinéa 718d) reflète déjà dans une certaine mesure cet élément :
« d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants ». Cependant, ils conviennent que, bien qu’il ne soit pas nécessaire de le faire, on ne porterait pas atteinte à l’objectif de l’alinéa 718d) si on le modifiait pour qu’il reflète le fait que la capacité de gérer un délinquant dans la collectivité est un élément important de la réinsertion sociale.

Exemptions de l’application des PMO et plus grande admissibilité aux peines d’emprisonnement avec sursis – Il y a eu de nombreuses recommandations visant à édicter une exemption au Code criminel afin de permettre à un juge de s’écarter des peines minimales obligatoires pour les individus atteints de TSAF. Il a également été recommandéque le Code criminel soit modifié afin de retirer certaines des restrictions législatives aux peines avec sursis. Les peines d’emprisonnement avec sursis (qui permettent aux délinquants de purger leur peine dans la collectivité), y compris en détention à domicile, sont perçues par certains comme étant un moyen plus efficace de gérer dans la collectivité des délinquants atteints de TSAF.

Des fonctionnaires ont répété que toute exemption des PMO ne pourrait se limiter aux personnes atteintes de TSAF, mais devrait suffisamment large pour s’appliquer à diverses circonstances. Cette même approche fondée sur des principes pourrait également être prise en compte pour les peines d’emprisonnement avec sursis. Il a été convenu que ces questions devraient être considérées comme faisant partie de la révision fédérale du système de justice pénale, qui devrait inclure une révision des principes de détermination de la peine.

Mesures de rechange – Un certain nombre de recommandations ont porté sur l’utilisation de mesures de rechange ou à l’accès à celles-ci pour les personnes atteintes de TSAF. Plus précisément, il est recommandé que l’article 717 (application des mesures de rechange) du Code criminel soit modifié pour accorder une considération primordiale à l’objectif de réinsertion sociale et à la prise de mesures les plus susceptibles d’offrir la possibilité aux délinquants d’être réadaptés et réinsérés dans la société de façon paisible. De plus, il est recommandé que le Code criminel soit modifié pour indiquer qu’une preuve portant qu’un délinquant est atteint de TSAF est réputée être un facteur pertinent pour décider si celui-ci doit pouvoir avoir accès à des mesures de rechange.

En dépit du fait que le recours à la justice réparatrice pour les personnes atteintes du TSAF était possible et prometteur, des fonctionnaires ont conclu que, pour l’application des mesures de rechange, l’établissement de la réinservation sociale comme considération primordiale ne bénéficiait d’aucun appui. Par ailleurs, l’article 717 du Code criminel a été jugé approprié pour répondre aux besoins des victimes, des accusés et de la collectivité.

Cependant, en réponse à cette recommandation, un sondage a été effectué auprès des admnistrations en vue de recueillir des renseignements concernant le recours aux programmes de justice réparatrice et de justice alternative qui fonctionnent avec les personnes qui sont atteintes ou pourraient être atteintes de TSAF. Des fonctionnaires ont constaté qu’il y a peu de programmes de justice réparatrice au Canada qui ciblaient spécifiquement les personnes atteintes de TSAF. Malgré ce fait, il existe certains programmes de justice réparatrice qui ont permis d’acquérir de l’expérience en travaillant avec des clients qui sont atteints de TSAF, ce qui laisse entendre que les programmes de justice réparatrice peuvent convenir si le processus est adapté aux besoins de ces personnes.

Sur le fondement de ce sondage, des fonctionnaires ont indiqué que plusieurs types de soutien étaient nécessaires pour permettre aux personnes atteintes de TSAF de participer efficacement aux programmes de justice réparatrice, notamment s’assurer que les personnes souffrant de TSAF bénéficient du soutien d’une personne; avoir recours à des aides visuelles pour aider la personne à se preparer à ce à quoi elle doit s’attendre, et accorder à une telle personne une période plus longue pour remplir les conditions d’un accord.

Des fonctionnaires ont également suggéré des points sur lesquels les administrations pourraient mettre l’accent si elles sont intéressées à élaborer des programmes de justice réparatrice pour les personnes souffrant de TSAF, notamment l’amélioration des outils et de la capacité en matière de dépistage de TSAF; l’amélioration de la tenue de dossiers dans le cadre des programmes de justice réparatrice existants afin de mieux comprendre la prévalence du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs; une meilleure formation pour les praticiens de la justice réparatrice, et la prise de mesures visant à stimuler la capacité en matière de recherche et d’évaluation sur le recours à la justice réparatrice pour les clients atteints du TSAF.

Plans de soutien externe – Il a été proposé que le Code criminel soit modifié pour permettre aux juges d’ordonner des « plans de soutien externe » recommandés par un agent de probation. Certaines recommandations proposaient également que l’ordonnance de soutien externe puisse être intégrée après l’expiration d’une ordonnance de probation. Les « plans de soutien externe » n’étaient pas définis dans la recommandation, mais des fonctionnaires ont jugé qu’il s’agissait d’un type unique de surveillance dans la collectivité, qui pourrait offrir un soutien spécialisé à une personne atteinte du TSAF.

Des fonctionnaires ont indiqué que la prolongation d’un plan de soutien externe après que le délinquant a terminé de purger sa peine dépasse le cadre du droit pénal, et soulèvait des préoccupations relatives à la Charte canadienne des droits et libertés.

En ce qui concerne le concept général des plans de soutien externe, des fonctionnaires ont  indiqué qu’une telle proposition ne pourrait être avalisée tout particulièrement en ce qui a trait aux personnes souffrant de TSAF, et soulevait aussi des préoccupations relatives au fait qu’une telle ordonnance pourrait entraîner une iniquité envers un délinquant en exigeant de ce dernier qu’il se conforme à des conditions additionnelles qui ne s’appliquent pas à d’autres, ce qui risquerait de l’exposer davantage au dépôt d’accusations relatives à des infractions contre l’administration de la justice. La proposition visant à permettre à l’agent de probation à formuler les conditions d’un tel plan transférerait ainsi, de façon inappropriée, la responsabilité d’un juge à un agent de probation. Par conséquent, cette recommandation n’a pas été appuyée.

Résumé des conclusions relatives à la réforme législative

 À la suite d’un examen et d’une analyse approfondis, les fonctionnaires n’ont pas appuyé un grand nombre des réformes législatives proposées puisque de nombreux objectifs pourraient être atteints par le truchement de mesures non législatives. Ces mesures pourraient comprendre des options comme de nouvelles politiques opérationnelles sur la mise en liberté provisoire, le recours à des mesures de rechange, la disponibilité/la pertinence des programmes de surveillance dans la collectivité, et une formation plus poussée pour les professionnels du système de justice pénale.

Les fonctionnaires ont indiqué qu’il existait un intérêt à l’égard de l’étude des répercussions possibles de la clarification des pouvoirs de la cour d’ordonner la tenue d’évaluations générales de l’état mental des délinquants pour la détermination de la peine. Cela a également été soulevé par la Section pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada dans une résolution de 2011. De nombreuses administrations obtiennent actuellement des évaluations aux fins de la détermination de la peine en application à la fois de la jurisprudence et de textes législatifs provinciaux sur la santé mentale, et certains se sont dits intéressés à rendre ce pouvoir explicite dans le Code criminel.

Recommandation 1 : Les ministres FPT demandent aux fonctionnaires d’évaluer l’opportunité et l’incidence possible d’une clarification du pouvoir des tribunaux, prévu dans le Code criminel, afin de leur permettre d’ordonner une évaluation de la santé mentale du délinquant pour la détermination d’une peine juste et appropriée.

Section 3 : Recommandations de nature non législative

La demande initiale initiale que les sous-ministres ont faite de procéder à une étude des façons permettant d’améliorer l’accès à la justice pour les personnes atteintes du TSAF a donné lieu à bon nombre d’examens et d’analyses par des fonctionnaires FPT possédant une expertise dans un certain nombre de domaines liés à la justice pénale. D’après ces travaux, il apparaît que le TSAF pose des problèmes importants au système de justice pénale. Tous les ordres de gouvernement doivent être bien informés lorsqu’ils procèdent à l’élaboaraton de programmes, de politiques et envisagent des réformes législatives, et devraient continuer d’examiner des façons d’améliorer l’accès à la justkice pour les personnes atteintes du TSAF, d’autres troubles neurognitifs et de problèmes de santé mentale. Au final, il s’agit d’un problème complexe pour le système de justice pénale, et aucune recommandation ou nouvelle politique en particulier ne peut y remédier.   Outre l’examen des recommandations relatives à la réforme du droit pénal, le Comité directeur sur le TSAF a identifié, à l’intérieur du système de justice pénale, des possibilités d’amélioration sans qu’il soit procédé à une réforme législative. Le Comité directeur reconnaît également qu’il peut y avoir des recommandations dans d’autres domaines telsque le droit civil/droit de la famille qui mériteraient d’être examinées plus à fond. L’examen de l’ensemble des recommandations va au-delà de la portée du présent rapport, mais les administrations et les comités FPT du secteur de la justice devraient être au courant de leur existence.

Les recommandations ci-après proposent des façons d’améliorer l’accès à la justice pénale pour les personnes atteintes du TSAS.

Recommandation 2 : Les administrations et les fonctionnaires devraient continuer d’étudier des façons d’accroître l’accès à la justice pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et de problèmes de santé mentale, y compris du TSAF.

Orientation plus large que seulement le TSAF

 Il est reconnu que le TSAF représente un défi important pour le système de justice pénale, toutefois, accorder un traitement différent aux personnes souffrant du TSAF par rapport aux personnes ayant des troubles mentaux ou neurocognitifs dans le système de justice pénale ne repose sur aucune politique établie. Bien qu’il puisse y avoir des différences pour ce qui est du diagnostic, du traitement médical et de la prestation de services, les questions de politique juridique ne sont pas exclusives aux personnes attteintes du TSAF. Comme le montrent les études réalisées sur la prévalence chez les détenus au Canada, il existe des taux élevés de déficiences cognitives, indépendamment du diagnostic sous-jacent.

Recommandation 3 : Aucun des projets de réformes du droit pénal ne devrait être axé exclusivement sur le TSAF; ces projets devraient toutefois tenir compte de toutes les personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou d’autres troubles neurocognitifs.

Prévenir la judiciarisation et la récidive

 Il est communément admis que la façon la plus efficace de répondre aux défis que présentent les personnes atteintes du TSAF dans le système de justice pénale est la prévention en amont. Lorsqu’une personne atteinte du TSAF a des démêlés avec la justice pénale, c’est trop souvent le début d’un cycle d’infractions liées à l’administration de la justice et de récidive.

Plusieurs facteurs ont été énoncés comme contribuant à l’accroissement du nombre de personnes atteintes du TSAF qui ont des démêlés avec le système de justice pénale, notamment l’absence de diagnostic, l’insuffisance de soutien de la communauté, les défis de la vie autonome ainsi que les problèmes concomitants de santé mentale et de toxicomanie. Ces facteurs contribuent à faire en sorte que les personnes atteintes du TSAF continuent d’avoir des démêlés avec le système de justice pénale.

Le système de justice pénale devient trop souvent le prestataire par défaut de services aux personnes dont les troubles et/ou problèmes de toxocomanie ne sont pas gérés par les systèmes de santé et de services sociaux provinciaux existants. Toute solution prodiguée par le système de justice pénale pourrait ne pas constituer un substitut pour un diagnostic précoce, des services adéquats, un logement supervisé et autres services, qui tous appuient l’objectif de prévenir le contact initial avec le système de justice pénale.

Au Canada, il existe de nombreux modèles pour les programmes et les services qui visent à ce que les personnes atteintes du TSAF n’aient pas de démêlés avec le système de justice pénale. Il y a aussi des programmes pour ceux qui ont déjà des démêles avec le système de justice pénale, qui visent à faciliter dans la collectivité des personnes atteintes du TSAF, comme le FASD Youth Justice Program and Community Wellness Courts au Manitoba, les tribunaux communautaires du bien-être et les tribunaux de la santé mentale qui existent dans de nombreuses administrations. Une liste des programmes actuels sur le TSAF figure à l’Annexe 1.

Recommandation 4 : On invite les administrations à étudier des programmes et des services qui visent à prévenir que les personnes atteintes du TSAF commencent à avoir des démêlés avec la justice pénale, et ceux qui permettent de réduire la récidive chez les personnes atteintes du TSAF qui ont déjà dans le système de justice pénale.

Révision du système de justice pénale par le gouvernement fédéral

 Le Comité directeur estime que la révision fédérale en cours du système de justice pénale offre une excellente occasion de tenir compte spécifiquement des défis complexes que le TSAF et autres troubles neurologiques du développement présentent pour le système. En outre, toute modification proposée aux lois pénales en vue de réduire la surreprésentation des Canadiens vulnérables aurait vraisemblablement une incidence sur les personnes souffrant de TSAF et d’autres troubles neurocognitifs.

L’inclusion du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs dans cet examen permettra une étude plus complète des solutions en vue d’une réforme adéquate du système, au lieu des changements ponctuels.

Recommandation 5 : Que les ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique examinent la question du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs dans le cadre de la révision du système de justice pénale.

Possibilités de recherche future

 Le travail au niveau FPTmet principalement l’accent sur le système de justice pénale et tout particulièrement sur l’accroissement de l’accès la justice pour la population de délinquants. Même si l’on dispose de plus en plus d’informations sur le TSAF et le système de justice, des recherches supplémentaires sont nécessaires. Une bonne politique publique devrait reposer sur des éléments probants, et il faudrait donc mener d’autres recherches sur les types de programmes et de services qui seraient des plus efficaces pour les délinquants atteints du TSAF ayant des démêlés avec le système de justice pénale.

Le Comité directeur sur le TSAF a défini plusieurs domaines où des recherches supplémentaires serviraient de fondement aux politiques sociales et aux interventions du système de justice pénale auprès des personnes souffrant du TSAF.

(1) Dépistage et prévalence

L’un des défis associés à l’élaboration des options stratégiques pour cibler le TSAF dans le système de justice pénale est le fait qu’il existe des données limités sur l’étendue du problème et l’inexistence d’outils validés pour dépister et identifier les personnes qui dans le système sont atteintes du TSAF ou d’autres troubles neurocognitifs. À l’heure actuelle, il n’y a que deux études de petite envergure qui ont été réalisées sur la prévalence dans le système correctionnel canadien, et une autre étude est en cours. Les deux études révèlent qu’un pourcentage important des délinquants sont atteints du TSAF et d’autres déficiences neurocognitives dans les établissements où ces études ont été réalisées. Dans les deux cas, les auteurs ont également tenté d’utiliser et de valider des outils de dépistage destinés aux délinquants adultes. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour obtenir une meilleure idée du taux de prévalence du TSAF chez les délinquants et pour valider un outil de dépistage du TSAF efficace pour les adultes.

Recommandation 6 : Que les administrations envisagent de mener des études pour déterminer la prévalence du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs au sein des populations carcérales.

Recommandation 7 : Que les administrations envisagent de mener des études pour valider des outils de dépistage du TSAF chez les délinquants adultes.

(2) Justice réparatrice

Des fonctionnaires ont indiqué que le recours à la justice réparatrice avec les personnes atteintes du TSAF était possible et prometteur. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer l’efficacité des approches en matière de justice réparatrice à l’égard des personnes atteintes du TSAF, et il faudrait déployer des efforts dans les domaines de la formation, de la collecte de données et du recours aux programmes de justice réparatrice.

Recommandation 8 : Que les administrations envisagent de procéder à une évaluation de l’efficacité des approches de justice réparatrice avec les délinquants souffrant du TSAF.

(3) Mettre à profit les services actuels de santé psycholégale

Un grand nombre de provinces et de territoires du Canada ont des systèmes de santé psycholégale qui procèdent aux évaluations des jeunes et des adultes du système de justice pénale; cependant, la plupart de ces systèmes ne détectent pas systématiquement le TSAF. Il a été établi que l’utilisation efficace du système de santé psycholégale pour l’évaluation et le soutien des personnes ayant des troubles neurocognitifs a été relevé comme un domaine nécessitant d’être examiné davantage.

En juin 2015, Justice Canada a animé une discussion d’experts portant sur les façons de mieux utiliser les services de santé psycholégale pour diagnostiquer les cas de TSAF dans le système de justice pénale. Les administrations pourraient continuer d’étudier comment le système de santé psycholégale pourrait dépister le TSAF et fournir un supplément d’information aux tribunaux sur les capacités neurocognitives des personnes dans le système de santé mentale dans le contexte judiciaire.

Recommandation 9 : S’il y a lieu, les administrations devraient examiner la capacité des services de santé psycholégale de procéder au dépistage du TSAF et de fournir aux tribunaux de l’information fonctionnelle sur les capacités neurocognitives des personnes souffrant de ces troubles.

Échange de renseignements

 Dans de nombreuses administrations, on reconnaît déjà que le TSAF et les autres troubles neurocognitifs (de même que les troubles mentaux et la toxicomanie) posent des défis de taille au système de justice pénale. Ils ont donc pris des initiatives pour relever ces défis (par ex., l’établissement de tribunaux de la santé mentale). Ces efforts devraient se poursuivre sur une base continue à tous les ordres de gouvernement et dans de multiples secteurs (par ex., santé, hébergement et éducation).

 De nombreuses administrations ont créé des comités interministériels ou interorganismes pour concevoir une intervention plus efficace et plus collaborative sur le TSAF dans l’ensemble du système. De plus, des partenariats ont été formés. Par exemple, le Partenariat Canada-Nord-Ouest sur le TSAF a été créé en 1998. Cette association de sept provinces et territoires (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, Saskatchewan et Yukon) vise l’adoption et la promotion d’une approche intergouvernementale de la prévention, de l’intervention, des soins et du soutien auprès des personnes atteintes du TSAF. Un des principaux objectifs de ce partenariat est la création et le développement du Canada FASD Northwest Research Network, lancé en mars 2005. Ce type d’organisation offre aux administrations une excellente occasion pour communiquer les pratiques exemplaires, définir les secteurs prioritaires où poursuivre la recherche et étudier les problèmes complexes associés au TSAF.

Recommandation 10 : On invite les administrations à examiner les possibilités d’échange d’information et de collaboration entre ministères et organismes sur le TSAF et d’autres troubles neurocognitifs.

Éducation

 L’éducation des professionnels du système de justice sur le TSAF et ses répercussions sur la prestation des services est l’une des recommandations les plus fréquentes pour améliorer l’accès à la justice pour les personnes atteintes du TSAF. Tous les professionnels du système de justice devraient suivre une formation initiale et régulière sur le TSAF et d’autres troubles neurocognitifs ainsi que sur leurs répercussions sur la prestation des services. Si l’on veut améliorer l’accès à la justice pour les personnes atteintes du TSAF, il est primordial de bien comprendre les personnes avec qui ils travaillent, et d’être en mesure d’obtenir les  outils adéquats.

Recommandation 11 : Tous les ordres de gouvernement devraient encourager l’élaboration et la prestation de programmes d’éducation et de formation sur le TSAF et d’autres troubles neurocognitifs pour l’ensemble des professionnels du système de justice pénale.

Conclusions

Un travail considérable a été accompli et un niveau sans précédent de collaboration à l’échelle FPT pour examiner et analyser la question du TSAF dans le contexte du système de justice pénale. Le Comité directeur est d’avis que les ministres FPT disposent maintenant d’une solide base d’information à considérer pour faire progresser ce dossier. Ce rapport fournit un point de départ pour relever certains de ces défis. Le Comité directeur sur le TSAF demeure disposé à fournir aux ministres FPT tout supplément d’information dont ils pourraient avoir besoin.

Résumé des recommandations

Recommandation 1 : Les ministres FPT demandent aux fonctionnaires d’évaluer l’opportunité et l’incidence possible d’une clarification du pouvoir des tribunaux prévu dans le Code criminel afin de leur permettre d’ordonner une évaluation de la santé mentale du délinquant pour la détermination d’une peine juste et appropriée.

Recommandation 2 : Les administrations et les fonctionnaires devraient continuer d’étudier des façons d’accroître l’accès à la justice pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs et de problèmes de santé mentale, y compris du TSAF.

Recommandation 3 : Aucun des projets de réformes du droit pénal ne devrait être axé exclusivement sur l’ETCAF; ces projets devraient toutefois tenir compte de toutes les personnes ayant des troubles mentaux ou neurologiques qui peuvent avoir des répercussions sur leur degré de responsabilité.

Recommandation 4 : On invite les administrations à étudier des programmes et des services qui visent à prévenir que les personnes atteintes du TSAF commencent à avoir des démêlés avec la justice pénale, et ceux qui permettent de réduire la récidive chez les personnes atteintes du TSAF qui ont déjà dans le système de justice pénale.

Recommandation 5 : Que les ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique examinent la question du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs dans le cadre de la révision du système de justice pénale.

Recommandation 6 : Que les administrations envisagent de mener des études pour déterminer la prévalence du TSAF et d’autres troubles neurocognitifs au sein des populations carcérales.

Recommandation 7 : Que les administrations envisagent de mener des études pour valider des outils de dépistage du TSAF chez les délinquants adultes.

Recommandation 8 : Que les administrations envisagent de procéder à une évaluation de l’efficacité des approches de justice réparatrice avec les délinquants souffrant du TSAF.

Recommandation 9 : S’il y a lieu, les administrations devraient examiner la capacité des services de santé psycholégale de procéder au dépistage du TSAF et de fournir aux tribunaux de l’information fonctionnelle sur les capacités neurocognitives des personnes souffrant de ces troubles.

Recommandation 10 : On invite toutes les administrations à examiner les possibilités d’échange d’information et de collaboration entre ministères et organismes sur le TSAF et d’autres troubles neurocognitifs.

Recommandation 11 : Tous les ordres de gouvernement devraient encourager l’élaboration et la prestation de programmes d’éducation et de formation sur l’ETCAF et d’autres déficiences neurocognitives destinés à l’ensemble des professionnels du système de justice pénale.


1. Ensemble des troubles  causés par l'alcoolisation foetale (ETCAF), Consulté l e 9 mai 2016 à l'adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/hp-ps/dca-dea/prog-ini/fasd-etcaf/index-fra.php

2. MacPherson, P.H., Chudley, A.E. & Grant, B.A. (2011). Ensemble des troubles  causés par l'alcoolisation foetale (ETCAF) dans une population carcérale : prévalence,  dépistage et caractéristiques, Rapport de recherche no R-247, Ottawa  (Ontario) : Service correctionnel du Canada.

3. McLachlan, K., &  Stewart, L. (avril 2016). Preliminary findings from the Yukon FASD  prevalence study: Understanding the cognitive and mental health needs of adult  offenders in Yukon, document  présenté à la 7e conférence biennale sur les adolescents et  les adultes atteints du Trouble du spectre de l'alcoolisation foetale (TSAF)

4. Supra, note 2.

5. Supra, note 3.

6. Ce qui  comprend l'élaboration d'un module de formation sur le TSAF à l'intention des  professionnels du système de justice pénale, et l'établissement de partenariats  et de programmes en matière de TSAF à travers le Canada.

7. Ce qui  comprend l'élaboration d'un module de formation sur le TSAF à l'intention des  professionnels du système de justice pénale, et l'établissement de partenariats  et de programmes en matière de TSAF à travers le Canada.