Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice

COMMUNIQUÉ –

La Malbaie (Québec) – 1er octobre 2003 – Lors de leur réunion, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) responsables de la justice ont abordé les enjeux importants auxquels fait face le système de justice pénale au Canada, notamment l’exploitation sexuelle des enfants, les méga-procès et les drogues illicites.

La réunion était coprésidée par le ministre de la Justice, M. Martin Cauchon, et par le solliciteur général du Canada, M. Wayne Easter, de même que par leurs hôtes du Québec, M. Marc Bellemare, ministre de la Justice, et M. Jacques Chagnon, ministre de la Sécurité publique.

Cette année, les ministres de l’Ontario, de Terre-Neuve et Labrador, et des Territoires du Nord-Ouest n’ont pas été en mesure de participer à la réunion pour diverses raisons, notamment la tenue d’élections.

QUESTIONS LIÉES AUX DROGUES

Les ministres ont discuté du projet de loi sur la réforme des dispositions législatives concernant le cannabis qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue. Cette réforme aurait pour effet d’introduire un régime de constats d’infraction pour la possession de petites quantités de cannabis, tout en augmentant la sévérité des peines pour la culture de la marijuana.

En général, les ministres ont reconnu l’importance d’adopter des mesures législatives afin de permettre l’administration de nouveaux tests de dépistage par les policiers lorsqu’ils font face à un conducteur dont les facultés sont affaiblies par la drogue. D’ici peu, le ministère de la Justice du Canada diffusera un document de consultation rédigé par un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur cette question.

Les ministres présents ont approuvé les recommandations du rapport du Groupe de travail du Comité national de coordination sur le crime organisé au sujet de la prolifération des installations de culture de marijuana au Canada. Celles-ci incluent une coordination accrue entre les organismes d’application des lois, des peines plus sévères pour la culture de marijuana, l’élaboration d’une stratégie coordonnée de recherche et une plus grande sensibilisation du public. Les ministres ont demandé une intervention immédiate et concertée de tous les gouvernements et des principales parties intéressées. Ils ont mandaté leurs fonctionnaires pour entreprendre la mise en œuvre des recommandations du rapport et d’examiner plus en profondeur la question des peines.

Les ministres ont reconnu que la loi actuelle n’a pas réussi à décourager la consommation de marijuana et que son application dans tout le Canada n’est pas uniforme. La toxicité accrue de cette substance et le lien entre sa culture, sa vente et sa possession, et le crime organisé, constituent des facteurs à considérer dans la détermination d’une solution acceptable pour tous les gouvernements.

Les ministres ont aussi discuté du problème croissant que représentent les laboratoires de production de méthamphétamine et de l’importance d’une intervention concertée.

PROTECTION DES ENFANTS

Le solliciteur général du Canada a fait état du problème croissant que pose l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet et a consulté les ministres FPT sur les paramètres d’une stratégie pancanadienne visant à solutionner ce problème. Dans le cadre de cette stratégie, il a annoncé la création du Centre national de coordination à la GRC,chargé de la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. Ce centre, maintenant en phase d’implantation, appuiera les organismes d’application des lois dans la répression de ce crime grave.

Toujours dans le cadre de cette stratégie, le ministre de la Justice du Manitoba a fait le bilan du projet Cyberaide.ca de Winnipeg, mécanisme destiné à dénoncer en ligne la pornographie juvénile et d’autres formes d’exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Les deux ministres fédéraux appuient fortement ce projet et ont signifié leur intention de solliciter un financement à long terme permettant d’offrir ce service à l’échelle canadienne aussi rapidement que possible.

Le Manitoba a présenté une proposition visant à inclure trois autres infractions sexuelles à l’égard des enfants (exploitation sexuelle, contacts sexuels et incitation à des contacts sexuels) dans les dispositions du Code criminel concernant les délinquants dangereux. Les ministres ont accepté de renvoyer la proposition aux fonctionnaires FPT qui analyseront également les conséquences des décisions récentes de la Cour suprême du Canada sur les délinquants dangereux et feront rapport aux ministres.

Les ministres ont reconnu que le projet de loi C-20, portant sur la protection des enfants et d’autres personnes vulnérables, représente un élément de réponse au problème de l’exploitation sexuelle des enfants. Les ministres ont convenu qu’il faut faire davantage pour protéger les jeunes contre l’exploitation sexuelle.

GAINS D’EFFICACITÉ DANS LE SYSTÈME DE JUSTICE

Les ministres ont discuté des défis associés à l’amélioration de l’efficacité du système de justice pénale. Ils ont appuyé la création d’un Comité directeur sur les gains d’efficacité dans le système de justice et l’accès à la justice.

Leur discussion a été facilitée par un exposé complet dans lequel le ministre de la Justice du Québec a fait état des différents problèmes éprouvés lors des méga-procès, tels que les coûts, la complexité, les délais et la durée des procédures criminelles, tout en faisant ressortir des pistes de solution. Les ministres ont convenu qu’il faut agir rapidement, en collaboration avec la magistrature et le Barreau, et examiner des modifications possibles au Code criminel, telles la notion d’un juge suppléant, la diminution du nombre de jurés et le pouvoir des juges dans la gouverne du procès. Ce sera une priorité pour le nouveau comité directeur.

Les ministres ont discuté de l’opportunité de maintenir le processus d’enquête préliminaire, notamment en raison des coûts et de doutes quant à son utilité. Cependant, tous s’entendent pour que les fonctionnaires poursuivent les travaux sur une nouvelle classification des infractions. À cette fin, il pourrait être envisagé de créer davantage d’infractions offrant un choix de procédures ou d’infractions « mixtes », ce qui réduirait la nécessité d’avoir recours à l’enquête préliminaire.

Les ministres ont aussi confié aux fonctionnaires le mandat d’examiner les dispositions en matière de mise en liberté sous caution contenues dans le Code criminel afin de veiller à ce qu’elles protègent le public comme il se doit.

LÉGISLATION RELATIVE AUX BANQUES DE DONNÉES GÉNÉTIQUES

Prenant appui sur le succès de la Banque canadienne de données génétiques, les ministres ont discuté de la mise sur pied à l’échelle pancanadienne d’un répertoire de données génétiques sur les personnes disparues proposée par le solliciteur général du Canada. Le répertoire aiderait à mettre fin à l’incertitude et à l’attente des familles des personnes disparues. Il faudrait aussi explorer la possibilité de s’en servir comme outil d’enquête. Les fonctionnaires ont reçu pour mandat d’examiner les incidences en matière de politiques, de protection des renseignements personnels, de lois et de financement.

Le ministre fédéral de la Justice a informé ses collègues qu’il espère déposer sous peu des modifications visant à mettre à jour et à préciser la législation relative aux banques de données génétiques.

AIDE JURIDIQUE

Les ministres responsables de la justice se sont entendus sur la mise en œuvre d’une stratégie triennale de renouvellement de l’aide juridique couvrant les exercices 2003-2004, 2004-2005 et 2005-2006. La stratégie prévoit d’accroître de 10 millions de dollars par année le financement de base de 82 millions de dollars, versé aux provinces et territoires, ainsi que de verser 20 millions par année dans un nouveau Fonds d’investissement visant à favoriser l’élaboration de moyens innovateurs de répondre aux besoins non satisfaits dans le domaine de l’aide juridique en matière pénale. Certains gouvernements ont dit qu’ils sont soumis à des pressions uniques dans le secteur de l’aide juridique en matière d’immigration et de statut de réfugié.

Les ministres provinciaux et territoriaux ont aussi demandé l’appui du ministre fédéral afin de s’assurer que les gouvernements puissent avoir pleinement accès à ces fonds au cours des trois années de l’accord.

La stratégie de renouvellement de l’aide juridique a comme objectif général de répondre aux besoins non satisfaits dans le domaine de l’aide juridique en matière pénale, dans le cadre de l’initiative conjointe de recherche exhaustive des deux dernières années.

LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

On a signalé que la mise en œuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents semblait se faire en douceur. Le ministre fédéral de la Justice a réitéré son intention de présenter des modifications à la Loi à la suite de la décision de la Cour d’appel du Québec qui en a annulé deux éléments : l’un se rapportant aux peines applicables aux adultes et l’autre à la publication de l’identité d’un adolescent. Certains ministres ont exprimé des préoccupations face à la décision de ne pas interjeter appel de la décision de la Cour d’appel du Québec. Le ministre fédéral de la Justice a invité les provinces et les territoires à faire part de leurs points de vue à l’égard des modifications proposées.

PEINES D’EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS

Les ministres ont examiné le document de réflexion préparé par l’Alberta au sujet des peines d’emprisonnement avec sursis et plusieurs l’ont appuyé.

Le ministre fédéral de la Justice a bien accueilli le document qu’il considère comme un apport constructif au débat et s’est engagé à demander au président du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes de mener à terme la recherche sur les peines d’emprisonnement avec sursis le plus vite possible.

APPUI AUX POLICIERS

Le ministre de la Justice du Manitoba a proposé de modifier le Code criminel pour adopter des peines plus sévères pour les infractions suivantes : voies de fait contre un agent de la paix, désarmer un agent de la paix et entraver un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions. Les ministres ont renvoyé les propositions au Groupe de travail FTP sur la détermination de la peine pour discussion et examen en profondeur.

REGISTRE NATIONAL DES DÉLINQUANTS SEXUELS

Les ministres ont discuté de la constitutionnalité, de la portée et du coût du Registre national des délinquants sexuels proposé. Les ministres provinciaux et territoriaux ont demandé que le registre ait une plus grande portée et ont réitéré leur intérêt à ce que des photographies des délinquants y soient versées.

Le solliciteur général du Canada a indiqué qu’il s’efforcera de modifier la loi proposée afin de permettre qu’elle s’applique aux délinquants qui sont actuellement dans le système pénal, s’il est possible de dégager un consensus sur tous les points. Il a aussi répété que le registre inclurait des photos.

Les ministres de la Justice ont demandé que les aspects constitutionnels de l’inclusion d’un plus grand nombre de délinquants dans le registre soient analysés par les conseillers juridiques fédéraux et provinciaux.

CRIME ORGANISÉ

Le solliciteur général du Canada a déposé le Rapport annuel aux ministres sur le Programme national de lutte contre le crime organisé. Le Programme national appuie une action coordonnée sur quatre fronts : coordination pancanadienne et régionale; outils législatifs et réglementaires; recherche et analyse; et éducation du public. Le solliciteur général a aussi annoncé que le premier rapport public détaillé sur les progrès réalisés dans le cadre du Programme national serait publié plus tard en cours d’année.

Plusieurs ministres ont parlé de la croissance du crime organisé, de son omniprésence et de sa poussée dans des activités commerciales légitimes, ainsi que de la nécessité d’informer le public à ce sujet.

Les ministres fédéraux et provinciaux ont insisté sur leur détermination à s’attaquer à ce problème grave.

VICTIMES D’ACTES CRIMINELS

Les ministres ont entériné la Déclaration canadienne de 2003 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité. La déclaration de 2003 modernise l’énoncé des principes, rendu public à la réunion FPT de 1988 et est jointe au présent communiqué.

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Rens. :

                                                                                                                                                                       
           
Catherine Gagnaire
           
Ken Moreau
Cabinet du ministre de la Justice du CanadaCabinet du Soliciteur général du Canada
(613) 992-4621(613) 991-2924
  

Internet : www.canada.justice.gc.ca


                                   
           
DÉCLARATION CANADIENNE DE 2003
           DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE JUSTICE RELATIFS
           AUX VICTIMES DE LA CRIMINALITÉ
           


           En l’honneur de la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité, et conscients des répercussions préjudiciables de la criminalité à l’égard des victimes d’actes criminels et de la société, du fait que tous doivent bénéficier de l’entière protection de leurs droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, et les autres Chartes provinciales régissant les droits et libertés des personnes qu’il est nécessaire de trouver un équilibre entre les droits des victimes et les droits des délinquants et que la compétence en matière de droit pénal est partagée entre les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice pénale ont convenu que les principes énoncés ci-après doivent guider le traitement des victimes, plus particulièrement dans le cadre du processus de justice pénale.

           

Les principes énoncés ci-après visent à promouvoir le traitement juste et équitable des victimes et doivent se refléter dans les lois, les politiques et les procédures adoptées par les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux :

           

1. Les victimes d’actes criminels doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect.

           

2. Il convient de tenir compte des impératifs de la vie privée des victimes et de les respecter autant que possible.

           

3. Il convient de prendre toutes les mesures raisonnables pour minimiser les inconvénients subis par les victimes.

           

4. Il convient de tenir compte de la sécurité des victimes à toutes les étapes du processus de justice pénale et de prendre les mesures nécessaires afin de protéger les victimes contre l’intimidation et les représailles.

           

5. Il convient de renseigner les victimes au sujet du système de justice pénale, de leur rôle et des occasions qui leur sont offertes d’y participer.

           

6. Il convient de renseigner les victimes au sujet de l’état de l’enquête, du calendrier des événements, des progrès de la cause et de l’issue des procédures ainsi que de la situation du délinquant dans le système correctionnel, compte tenu des lois, des politiques et des procédures en vigueur.

           

7. Il convient de renseigner les victimes au sujet des services d’aide disponibles et des autres programmes dont elles peuvent se prévaloir ainsi que des moyens qui s’offrent afin d’obtenir une indemnisation financière.

           

8. Les opinions, les préoccupations et les commentaires des victimes constituent des éléments importants du processus de justice pénale et il convient d’en tenir compte conformément aux lois, aux politiques et aux procédures en vigueur.

           

9. Il convient de tenir compte des besoins, des préoccupations et de la diversité des victimes dans l’élaboration et la prestation des programmes et des services, ainsi que dans la formation et la promotion.

           

10. Il convient de renseigner les victimes au sujet des options dont elles peuvent se prévaloir pour qu’elles fassent état de leurs préoccupations lorsqu’elles sont d’avis que les principes énoncés ci-dessus n’ont pas été respectés.