Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice

COMMUNIQUÉ – LE QUÉBEC RÉAFFIRME SON LEADERSHIP EN MATIÈRE DE JUSTICE

MONTRÉAL, le 5 décembre 1997 -- À l'issue de la rencontre fédérale-provinciale- territoriale des ministres responsables de la Justice, qui s'est tenue les 4 et 5 décembre à Montréal, le ministre de la Justice, Monsieur Serge Ménard et le ministre de la Sécurité publique, Monsieur Pierre Bélanger ont fait le point sur les résultats de leur participation à cette rencontre.

Améliorer la confiance du public envers le système de justice

Les ministres ont constaté l'écart entre la perception du public qui estime que le crime est à la hausse et la réalité reflétée par une baisse constante du taux de criminalité. La conséquence la plus évidente de cette situation est l'exigence par le public d'une justice plus sévère.

Pour les ministres québécois, ce phénomène s'explique en partie par le fait que les informations à la disposition du public ne reflètent pas les activités quotidiennes qui se déroulent dans les palais de justice. En effet, le public est généralement exposé aux cas les plus graves, aux sentences les plus spectaculaires et n'a qu'une partie des informations qui ont motivé une décision judiciaire dans un cas donné.

Cette affirmation trouve d'ailleurs confirmation dans les travaux du professeur de criminologie de l'université de Toronto, M. Anthony N. Doob qui publiait, en 1995, une recherche sur la question intitulée "Criminal Justice Reform in a Hostile Climate". Les conclusions sont révélatrices: lorsque le public se fie aux informations publiées dans les journaux au sujet d'une affaire criminelle, 63% des personnes interrogées considèrent la sentence imposée comme trop clémente; ce pourcentage diminue à 19% lorsque les mêmes personnes fondent leur opinion sur les documents mis à la disposition de la cour.

Les ministres québécois ont tenu à faire valoir à leurs collègues que les politiciens ont un rôle à jouer pour présenter un portrait plus réaliste de l'état actuel du système de justice. Cette tâche prend d'ailleurs beaucoup d'importance alors que le Québec souhaite réfléchir à la mise en place de moyens alternatifs et plus adéquats de sanction des crimes.

Assumer ses compétences dans l'aide aux victimes

Le Québec est favorable à l'échange d'information et à la concertation avec le gouvernement fédéral et les autres provinces sur toute question susceptible d'améliorer la situation des victimes d'actes criminels, dans le respect des compétences constitutionnelles de chaque gouvernement et des droits des accusés à une défense pleine et entière.

Le Québec entend continuer à assumer pleinement ses responsabilités dans le domaine de l'aide aux victimes et s'objecte à toute initiative qui pourrait faire pression sur l'exercice de ses compétences en cette matière. Il a insisté auprès du fédéral sur la nécessité de modifier sans délai le Code criminel relativement à la suramende compensatoire et il a demandé au gouvernement canadien de partager avec les provinces une partie des fonds perçus suite à la confiscation des produits de la criminalité.

Exercer son leadership dans la prévention du crime

Le Québec a indiqué qu'il lui appartient d'exercer le leadership sur son territoire en matière de prévention de la criminalité auprès des organismes communautaires, des municipalités et de tous les autres partenaires dans ce domaine.

Il ne saurait être question que le gouvernement fédéral intervienne directement auprès d'organismes communautaires du Québec, ni ne verse d'argent directement aux municipalités sans approbation du Québec. Pour ces raisons, il a préconisé une entente Canada-Québec prévoyant le transfert au gouvernement du Québec de la somme d'argent qui lui revient pour les projets de prévention de crime visés par l'initiative fédérale.

Pour les fins de l'attribution des sommes d'argent allouées au Québec dans le cadre de cette initiative fédérale, le Québec a exigé que le gouvernement fédéral applique le principe de la répartition du 30 millions de dollars en fonction de la proportion démographique, ce qui représente tout près de 25% pour le Québec.

Rappeler sa compétence exclusive concernant les enfants

Le Québec partage les objectifs d'un mieux-être des enfants dans notre société et considère que l'amélioration du sort des enfants passe par une approche intersectorielle : santé, services sociaux, éducation, sécurité du revenu, justice, etc.

Au cours des dernières années, le Québec a lui-même agi pour atteindre ces objectifs, par des améliorations à ses politiques de santé et de bien-être, de sécurité du revenu, en implantant un système de fixation et perception des pensions alimentaires, et tout récemment, en annonçant une nouvelle politique familiale. L'on ne voit pas ce qu'une stratégie fédérale, nationale ou pancanadienne pourrait y ajouter d'autant plus, rappelons-le, que ces interventions fédérales se situent à l'intérieur de ses compétences exclusives.

Le Québec se considère seul responsable dans tous les secteurs impliqués et demeure vigilant dans la protection de sa compétence en ces matières. Il considère avoir ses propres besoins et ses propres priorités en matière d'aide à l'enfance et sait comment y répondre.

Le Québec n'est donc pas partie prenante au programme national d'action pour les enfants et n'entend aucunement être assujetti à quelque objectif pancanadien que ce soit en matière d'aide à l'enfance.

Dénoncer l'incohérence du gouvernement fédéral dans le dossier des jeunes contrevenants

Enfin, le Québec a dénoncé vigoureusement les incohérences du gouvernement fédéral dans le dossier des jeunes contrevenants.

Le Québec a rappelé qu'en novembre 1995 le ministre fédéral de la Justice avait reconnu que le Québec faisait figure d'exception grâce à l'accent mis sur la réhabilitation en dehors du système judiciaire.

Le Québec a mis en garde le gouvernement fédéral de sombrer dans l'incohérence entre ses actes et ses discours. Non seulement il envisage de nouvelles modifications législatives allant vers une plus grande répression vis-à-vis les délinquants d'âge mineur, mais encore il ne semble pas vouloir mettre fin à l'iniquité historique de sa contribution financière versée au Québec pour les fins de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

À titre d'exemple, le Québec reçoit à peine 18% de la contribution fédérale alors qu'il abrite tout près de 25% de la population canadienne. Calculée sur ces considérations de répartition au prorata de la population de jeunes sur son territoire, la perte estimée par le Québec au cours des huit dernières années est de l'ordre de 77,44 M$. Ironiquement, ce sous-financement fédéral origine de l'approche plus progressiste du Québec dans ce dossier puisque les services socio-préventifs québécois n'étaient pas admissibles au partage des coûts.

Le Québec est d'avis qu'il s'agit la d'une autre manifestation d'un fédéralisme qui masque, derrière une rhétorique creuse, son incapacité à respecter les besoins particuliers du peuple québécois où le taux de délinquance et de récidive chez nos jeunes est le plus faible au Canada.

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Sources: Christiane Lussier
           Cabinet du ministre de la Justice
           (418) 643-4210            

Esther Boily
           Cabinet du ministre de la Sécurité publique
           (418) 643-2112